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Chaque année, en février, les Canadiens célèbrent le Mois de l’histoire des Noirs pour honorer l’héritage des Afro-Canadiens, passé et présent. Ici, Wendy-Ann Clarke écrit sur l’influence des Afro-Canadiens sur le paysage du tennis au pays…

Alors que les visages noirs et bruns se multiplient dans les plus hautes sphères du tennis mondial, il ne fait aucun doute que le sport au Canada se diversifie aussi progressivement.

Les progrès réalisés tant sur le terrain qu’à l’extérieur, l’augmentation notable de la diversité de la foule dans le cadre de tournois comme la Coupe Rogers de 2019, témoignent du changement, surtout si on le compare à ce qu’était la situation il y a à peine 30 ans.

Des vedettes afro-canadiennes contemporaines comme Félix Auger-Aliassime et Françoise Abanda sont encore des pionniers alors que le pays continue à se forger une présence sur la scène internationale.

L’entraîneur de longue date Lionel Eli, directeur du tennis à Tam Heather et au club de tennis Banbury de Toronto est l’une des personnes qui contribuent à l’évolution du tennis au Canada.

Né à la Barbade, Eli a émigré au Canada dans les années 1980 et a depuis entraîné 24 athlètes, dont plusieurs sont les Afro-Canadiens comme lui, qui ont obtenu des bourses d’études aux États-Unis. Parmi les noms qui figurent sur sa liste de boursiers, se trouvent la célèbre blogueuse et modèle de conditionnement physique Sasha Exeter ainsi que trois athlètes de la famille Peterson Paul, soit Shereen, Quinton et Nerissa, qui sont encore investis dans le sport.

Ancien athlète de haut niveau en athlétisme à la Barbade au 400 mètres et au javelot, Eli a commencé à s’investir dans le tennis à l’adolescence lorsqu’une blessure à l’épaule l’a empêché de faire partie de l’équipe nationale.

« À l’époque, un de mes amis m’a dit : “Puisque tu aimes tant courir, pourquoi ne deviens-tu pas un chasseur de balles pour moi ?” Et c’est ce que j’ai fait », mentionne Eli. « Je suis tombé amoureux de ce sport et j’y participe encore. »

Fracasser les barrières

Eli a ensuite représenté la Barbade dans plusieurs compétitions, notamment à la Coupe Davis. Après avoir déménagé au Canada, Eli a obtenu sa certification canadienne de niveau 3 et a décroché des emplois dans divers clubs de tennis de Toronto, mais il affirme qu’il n’a pas été facile de s’imposer comme l’un des seuls visages noirs du tennis à l’époque.

« J’avais beaucoup d’expérience au tennis, car j’étais un ancien joueur la Coupe Davis et j’avais une certification d’entraîneur de l’ITF, mais j’ai eu de la difficulté à trouver un emploi au début », se souvient Eli. « J’ai réalisé qu’on me donnait des excuses bidon, mais j’ai persisté. »

Aujourd’hui, Eli pense que le sport est moins restrictif qu’il ne l’était et que pour les aspirants Afro-Canadiens, rien n’entrave leur chemin. En raison notamment de l’impact et de l’influence de Venus et de Serena Williams, Eli dit avoir constaté une recrudescence particulière de la présence de jeunes filles de diverses origines.

Lionel Eli

« Je pense que les Noirs dans le sport professionnel ont fait la différence », poursuivait Eli. « Cela a pris un certain temps, mais je peux dire que la route a été un peu pavée par Arthur Ashe pour que les sœurs Williams puissent réaliser ce qu’elles ont fait. Maintenant, les Williams ont pavé le chemin pour d’autres comme Sloane Stephens et toutes celles qui suivront. »

Michael Hopkinson, un comptable originaire de l’Alberta, fait écho à ces sentiments en célébrant la contribution révolutionnaire de la famille Williams. Né de parents originaires de l’île de Guyane, il a participé à des compétitions de tennis à l’Université du Kentucky dans les années 1990 et après l’obtention de son diplôme, il est devenu le partenaire d’entraînement des jeunes Williams, en Floride.

« Le sport a encore beaucoup à apprendre des Williams, car elles viennent de fracasser toutes ces barrières », mentionnait Hopkinson. « Je ne cherche pas d’excuses quand je joue. Quand je perds, c’est parce que quelqu’un d’autre était meilleur que moi. Elles ont une si belle histoire et cela m’apprend beaucoup sur qui je veux être en tant que personne. »

« Tu ne ressembles pas à un joueur de tennis. »

Les stéréotypes sur ce à quoi devrait ressembler un joueur de tennis ont certainement influencé le parcours de Stephan Harris, 23 ans, ancien joueur et aujourd’hui entraîneur pour la masse. Après avoir débuté dans le sport à l’âge de quatre ans, lorsque son père, l’entraîneur Clyde Harris, originaire de la Guyane, l’a initié, Stephan mentionne qu’il a eu du mal à convaincre ses camarades de classe que sa passion sportive comprenait une raquette.

« Ils me disaient : “Pourquoi ne joues-tu pas au basketball ? Cela devrait être ton sport” », confie Harris en riant, ajoutant qu’il a toujours été l’un des plus grands de sa cohorte. « Au secondaire, certains gars allaient même jusqu’à participer aux essais de tennis juste pour me voir jouer et pour voir si je blaguais ou non. Ils m’ont dit : “Wow, je ne savais pas que tu pouvais jouer”, même si je leur disais depuis des années. »

Michael Hopkinson

Beaucoup de jeunes athlètes qui s’entraînent avec Harris sont issus de familles d’immigrés de diverses origines. Il affirme qu’il désire être un modèle pour qu’ils sachent qu’il n’y a pas de limites dans ce sport.

« J’ai la chance de voir toutes ces races sur le terrain et c’est tellement mieux que lorsque j’étais enfant », commentait Harris. « Je serais beaucoup plus heureux si je grandissais maintenant en jouant au tennis. »

En tant que directeur du programme au Doug Philpott Inner City Children’s Tennis, Harris reconnaît que ce que lui et d’autres Afro-Canadiens pratiquant ce sport font aujourd’hui n’aurait peut-être jamais été possible il y a quelques décennies seulement. Aujourd’hui superviseur et directeur de programme depuis près d’un an, lui et son équipe ont enseigné le tennis à plus de 6 000 élèves de la région du Grand Toronto.

Stephan affirme qu’il est fier d’avoir contribué à changer la perception de ce à quoi ressemble un leader dans ce sport.

« Quand je dis aux gens que je suis entraîneur de tennis, ils réagissent encore souvent avec surprise », confie Harris en riant. « Ils ne s’attendent jamais à ça. »

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