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||||Photo: Mutua Madrid Open|

Roger Federer est à une étape de sa carrière où il n’a plus rien à perdre.

Il a connu une magnifique résurgence depuis son triomphe aux Internationaux d’Australie de 2017 après avoir fait chou blanc à ses 15 Grands Chelems précédents, en remontant à Wimbledon, en 2012.

Les choses se sont encore améliorées plus tard en 2017 quand il a conquis Wimbledon avant de porter le total de ses trophées de Grands Chelems à 20 en récolant les grands honneurs à Melbourne, en 2018.

Son retour sur l’argile cette semaine à Madrid (il affrontera Richard Gasquet, mardi) nous rappelle un match sur la terre battue qui a été la clé de son héritage.

On parle ici de sa victoire de 2009 en huitième de finale de Roland-Garros contre Tommy Haas. Il s’est adjugé la couronne à la Porte d’Auteuil cette année-là pour ainsi compléter son Grand Chelem de carrière — un exploit qui a été essentiel pour consolider sa place dans l’histoire du tennis.

Pour Federer, ce match contre Haas revêtait une très grande importance. C’était au lendemain de la défaite de Rafael Nadal, qui visait un cinquième titre consécutif à Roland-Garros, aux mains de Robin Soderling. L’Espagnol avait eu raison de Federer lors des quatre Internationaux de France précédents et était ennuyé par une blessure au genou qui l’a ensuite tenu à l’écart des courts durant deux mois.

Federer voulait donc saisir la chance de mettre enfin la main sur le trophée de Roland-Garros – à ce moment-là, il possédait trois titres des Internationaux d’Australie, cinq de Wimbledon et cinq des Internationaux des États-Unis et avait atteint la finale à Paris à trois reprises.

Il a disputé les deux premières manches contre Haas, 63e à l’époque, comme quelqu’un qui portait tout le poids du monde sur ses épaules, car il réalisait soudainement l’occasion en or qui s’offrait à lui.

La situation ne s’est pas vraiment améliorée au troisième acte, après qu’il ait concédé les deux premiers par 7-6(4) et 7-5. Il tirait de l’arrière 4-3 et servait à 30-40 — Haas n’était donc qu’à un point de servir pour le match.
Federer a servi sur le revers de son rival et le retour de Haas a atterri juste après la ligne de service, donnant à Federer un bon angle pour un coup droit en décroisé. Le Suisse a alors produit un coup gagnant qui a frôlé la ligne latérale.

Regardez la vidéo ci-dessous :

C’est ce point qui a fait basculer le match. Federer a pris la situation en main et, en ne perdant que deux autres jeux, il s’est envolé avec un gain de 6-7(4), 5-7, 6-4, 6-0 et 6-2. S’il avait perdu, l’un des joueurs suivants aurait été le champion 2009 de Roland-Garros : Soderling, Nikolay Davydenko, Andy Murray, Fernando Gonzalez, Juan Martin del Potro, Tommy Robredo, Gaël Monfils ou Haas.

Par la suite, Federer a éliminé Monfils 7-6(6), 6-2 et 6-4 en quart de finale, del Potro 3-6, 7-6(2), 2-6, 6-1 et 6-4 au carré d’as et Soderling 6-1, 7-6(1) et 6-4 en finale.

Le titre de Roland-Garros confirmait la place de Federer parmi les légendes qui avaient été sacrés champions des quatre épreuves du Grand Chelem, soit, à ce moment-là, Fred Perry, Don Budge, Rod Laver, Roy Emerson et Andre Agassi – et lui évitait de subir le même sort que Pete Sampras qui n’a jamais triomphé sur la terre battue parisienne.

Le trophée de Roland-Garros a définitivement enlevé l’épine du pied du Maître suisse. Il n’a ensuite atteint qu’une seule autre finale à Roland-Garros (2011) entre 2010 et 2015, une période pendant laquelle Nadal a conquis cinq titres d’affilée avant de tomber aux mains de Novak Djokovic en quart de finale, en 2016.

Mais Federer avait enfin de joyau qui manquait à sa couronne de Grands Chelems, et il le méritait pleinement — au cours de sa carrière, il a atteint cinq finales et deux demi-finales à la Porte d’Auteuil, et chacune de ses défaites, sauf une, a été infligée par l’incomparable terrien Nadal.

Alors qu’il effectue un retour sur la terre battue cette semaine à Madrid, il est serein — confiant à Christopher Clarey du New York Times la semaine dernière : « Je sens que je peux maintenant jouer sans pression, car qu’est-ce que j’ai à perdre ? Rien, vraiment. Je n’ai pas joué sur la terre battue depuis trois ans, alors peut-être que pour la première fois en 15 ans, je peux aller à Roland-Garros et me dire “Voyons ce que je peux faire”. Et c’est peut-être justement ça qui me permettra de produire un excellent résultat. Et si ce n’est pas le cas, pas de problème. J’aurais alors plus de temps pour me préparer pour le gazon et j’aurai quand même eu l’occasion de jouer et de travailler physiquement, ce qui est bon pour mon jeu. »

Les inconditionnels de Federer vont jubiler à l’idée que leur idole puisse remporter Roland-Garros – et il doit faire partie des cinq ou six prétendants au titre. Et s’il triomphait, il se distancerait davantage de ses rivaux actuels Nadal et Djokovic en devenant le seul d’entre eux à avoir conquis chaque Grand Chelem au moins deux fois. Il en va de même pour Djokovic.

C’est probablement tiré par les cheveux, mais l’athlète de 37 ans n’en serait pas à sa première surprise. Toutefois, dans ce cas, cela semble presque inimaginable à moins que des blessures ou une mauvaise forme ne fassent tomber les obstacles que sont Nadal, Djokovic, Dominic Thiem et compagnie.

L’origine de l’état de grâce de Federer dans les Grands Chelems remonte sans doute à ce coup droit en décroisé contre Haas en 2009. On peut difficilement expliquer comment il a réussi à produire un coup aussi précis sur ce point crucial, d’autant plus qu’il avait largement raté un coup droit au point précédent.

Après le match, un journaliste tentait d’expliquer ce coup droit audacieux, si dangereusement près de la ligne — un coup qui a vraisemblablement sauvé la quête du Suisse pour ce qui sera probablement l’unique titre de Roland-Garros de sa carrière.

Il a questionné Haas, qui était alors âgé de 31 ans, dans l’espoir de comprendre comment un coup fatal comme celui de Federer avait pu atterrir à quelques millimètres de la ligne à un moment aussi crucial. « Nous savions tous les deux que j’avais une chance de l’achever », a répondu Haas. « Il faut simplement lui lever notre chapeau et dire “c’est pour ça qu’il est Roger Federer.” »

Ce n’est sans doute pas le genre de réponse que le journaliste souhaitait, mais en fin de compte, c’est une réponse simple qui est peut-être la seule qui ait vraiment du sens.

DENIS & FÉLIX – MADRID

Dans le sport, beaucoup d’affrontements très attendus finissent par être victimes du battage médiatique qui les précède.

Les duels entre Roger Federer et Rafael Nadal ont parfois comblé les attentes — victoire de Federer de 6-4, 3-6, 6-1, 3-6 et 6-3 en finale des Internationaux d’Australie de 2017. Et parfois pas — gain de Nadal de 6-1, 6-3 et 6-0 en finale de l’édition 2008 de Roland-Garros.

Au cours de la prochaine décennie, Félix Auger-Aliassime et Denis Shapovalov sont destinés à croiser le fer à maintes reprises, mais jusqu’à maintenant, leurs deux rencontres sur le grand circuit ont été un peu décevantes – Shapovalov a gagné 7-5, 5-7, 4-1 abandon aux Internationaux des États-Unis de 2018 lorsque le cœur de Félix faisait des folies, puis Auger-Aliassime a eu raison de son compatriote 6-2 et 7-6(7), dimanche, au premier tour de l’Open de Madrid.

Auger-Aliassime a empoché la manche initiale à Madrid grâce à des bris de service au troisième et au septième jeu alors que Shapovalov peinait à trouver ses repères.

Le deuxième acte a été un peu plus compétitif et a nécessité un jeu décisif, remporté par Auger-Aliassime à sa quatrième balle de match sur une faute du coup droit de Shapovalov.

C’est d’ailleurs sa vulnérabilité du coup droit qui a été la perte de Shapovalov — cinq des huit derniers points du jeu décisif ont été des fautes directes du coup droit.

En bref, c’est Auger-Aliassime qui a été le joueur le plus solide et n’a semblé plus fragile que lorsque Shapovalov l’a brisé pour niveler la marque à 3-3 de la deuxième manche, puis a eu une balle de bris pour faire 5-3, mais a raté un retour du revers.

Les statistiques au service de ce duel d’une heure et 49 minutes en dit long sur l’avantage de Auger-Aliassime – des chiffres difficiles à surmonter pour que Shapovalov ait la moindre chance de gagner.

Mercredi, au deuxième tour, Auger-Aliassime se mesurera au roi de la terre battue, Nadal, bien qu’il s’agisse d’un Nadal qui s’est montré vulnérable lors de ses derniers tournois sur l’argile, soit à Monte-Carlo (défaite contre Fabio Fognini) et Barcelone (défaite contre Dominic Thiem) et qui se remet d’un virus intestinal.

Auger-Aliassime a maintenant gagné un match dans les trois épreuves européennes sur terre battue auxquelles il a participé ce printemps — pas mal pour un jeune de 18 ans. Et chapeau au Montréalais pour avoir séduit les spectateurs à la Caja Magica à la fin de son entrevue d’après-match en leur disant : « gracias a todos. »

Quant à Shapovalov, sa fiche est de 0-3 aux mêmes tournois qu’Auger-Aliassime — Monte-Carlo, Barcelona et Madrid —, mais il aura l’occasion de se reprendre à Rome, la semaine prochaine.

Félix est évidemment sur une pente ascendante en ce moment, et Denis, qui vient de célébrer son 20e anniversaire de naissance, n’est pas au sommet de son art. Mais tirer des conclusions sur un échantillon de si petite taille est absurde. Mieux vaut prendre du recul et profiter de la balade. Ces deux jeunes loups devraient offrir beaucoup de plaisir aux Canadiens et aux amateurs du monde entier pour de nombreuses années.

UN HOT DOG – TOUT GARNI !

Dimanche, lors de la finale à Estoril contre le futur vainqueur Stefanos Tsitsipas, l’Uruguayen Pablo Cuevas, 67e mondial, a produit un coup on ne peut plus inusité. Voyez par vous-même et assurez-vous de regarder jusqu’à la fin.

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