Félix Auger-Aliassime raises his arms in celebration at he australian open

Photo : Martin Sidorjak

De toutes les belles prestations de Denis Shapovalov et de Félix Auger-Aliassime à Melbourne, je n’en commenterai qu’une. La victoire en huitième de finale de Félix aux dépens du Croate Marin Cilic.

Car ce match m’a rappelé une des plus belles et constantes leçons que ce sport nous offre. Et cette leçon, elle fait écho à l’une des phrases célèbres du sport, par une légende du baseball, Yogi Berra : « Ce n’est pas fini… tant que ce n’est pas fini ».

Vous avez bien sûr suivi ce match et lu notre résumé dans ce site. Mais j’aimerais insister sur un aspect très particulier en utilisant une autre maxime connue sortie tout droit d’une des fables de La Fontaine : « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ».

Et là, vous avez Auger-Aliassime dans la première partie de la phrase contre Cilic dans la seconde.

Rappelons que Cilic réussissait carrément tout ce qu’il entreprenait au cours d’une première manche remportée 6-2. Comme si Superman était habillé en joueur de tennis et qu’il utilisait tous ses pouvoirs pour vaincre l’ennemi. Puis, tout à coup, à partir du deuxième acte, sa belle assurance a commencé à le quitter et le Québécois a prévalu 7-6. En troisième, il devait y avoir de la kryptonite dans les bouteilles de Superman. Ou, comme je le dis souvent, la chaîne a débarqué. 6-2, Félix.

Photo : Firtsportz.com

Et même dans une quatrième manche plus serrée, Cilic n’était pas l’ombre du surhomme qui occupait ses espadrilles dans l’engagement initial.

Reste qu’il était tout de même un excellent joueur et un champion d’un tournoi du Grand Chelem. Mais à 33 ans, de 12 ans l’aîné du jeune Canadien, il était prenable.

Félix l’a pris.

Bien sûr, ce n’est pas la première fois qu’un tel effondrement se produit au tennis et ce n’est certainement pas la dernière. Tant chez ces professionnels que vous admirez que dans votre ligue du dimanche, contre d’autres amateurs comme vous. N’oubliez jamais que la beauté du tennis, c’est qu’il n’y a pas de chronomètre.

Il reste qu’il y a une leçon à tirer. Si vous connaissez un mauvais début, restez calmes. Inversement, si vous connaissez un départ canon, restez calmes aussi.

Et c’est par un autre célèbre proverbe du sport que je conclus : « Évitez de vous exciter quand ça va bien… évitez de vous décourager quand ça va mal ».

Double défi

Outre la belle chevauchée de nos deux pur-sang canadiens dans ces Internationaux d’Australie, j’ai été attiré par un autre sujet lors du premier tournoi du Grand Chelem de 2022.

Ça se passait dans le tableau du double masculin et les acteurs qui ont animé cette semaine initiale, Nick Kyrgios et Thanasi Kokkinakis. (J’y reviendrai plus loin.)

Et c’est ce qui m’a décidé de consacrer le reste de ce blogue hebdomadaire au parent pauvre des compétitions de tennis, celui où il y a quatre joueurs sur le court : le DOUBLE.

D’abord, pourquoi en est-il le parent pauvre ? Pourquoi ne le voit-on presque jamais à la télévision ?

En parcourant quelques articles et plusieurs forums de discussions, on y lit les commentaires suivants. Des opinions qui ne vous surprendront pas puisqu’elles résument assez bien la situation.

  • Les échanges se concluent trop rapidement.
  • Certains échanges (au filet) sont si vifs que le profane a de la difficulté à suivre.
  • Les grandes têtes d’affiche du tennis, préférant se consacrer entièrement à leur carrière de simple, jouent rarement en double et, conséquemment, les noms des étoiles du double sont moins, ou pas du tout, connus.
  • Ultimement, avec aussi peu de noms connus, les cotes d’écoute ne seraient pas au rendez-vous pour les diffuseurs et leurs partenaires commerciaux.

Et pourtant, la contrepartie de ces arguments pourrait se lire ainsi :

  • Lorsqu’on doit se taper des matchs interminables de 3, 4 ou même 5 heures, en simple, peuplés de longs échanges en fond de terrain, le double n’est-il pas un spectacle qui nous garde sur le bout de notre siège, justement ? Et donc, beaucoup plus excitant ? Et plus court ?
  • Denis Shapovalov n’a-t-il pas développé un jeu au filet supérieur grâce à plusieurs tournois de double disputés en compagnie de Rohan Bopanna ? N’utilise-t-il pas souvent le double, en début de tournoi, pour se donner immédiatement de bonnes sensations ?
Photo : OrissaPost.com
  • Le seul titre de Félix Auger-Aliassime, comme professionnel de l’ATP, n’est-il pas en double (avec Hubert Hurkacz, à Paris, en 2020) ?
Photo : Rolex Paris Masters
  • Et le double n’a-t-il pas été la clé du récent succès de nos deux jeunes loups canadiens lors de la conquête de la Coupe  2022 ATP ?
  • D’ailleurs, nos Canadiens n’ont-ils pas amassé des tas de titres WTA et ATP, en double. Et même une récolte honorable en tournois du Grand Chelem par les Daniel Nestor (10), Gabriela Dabrowski (2), Sébastien Lareau (1) et Vasek Pospisil (1).
  • Nestor et Lareau n’ont-ils pas donné au Canada sa seule médaille d’or olympique en tennis (Sydney 2000) grâce au double ?
  • Plus près de nous — et de vous —, les clubs locaux regorgent d’amateurs de tennis jouant en double. Plusieurs d’entre eux ne jouent d’ailleurs QU’EN double. Pour plusieurs d’entre eux, le fait de courir moins leur permet d’ajouter plusieurs années à la pratique de leur sport favori.
Amateurs playing tennis in doubles, aerial view

Alors ?

Peu importe de quel côté on retourne la question, on en reviendra toujours à cette obligation des diffuseurs d’attirer les téléspectateurs, amateurs ou pas, et de créer de la visibilité à leurs commanditaires.

Entretemps, dès que vous pouvez vous rendre à un tournoi près de chez vous, peu importe le niveau, faites-vous plaisir et allez encourager les joueurs de double.

Spectacle garanti !

Rear view of a woman serving the ball while playing a mixed doubles tennis match. Men and women playing tennis outdoors on a sunny day.

Double trouble

Photo : Fox Sports

Oui, il y en avait des « K».

Dans le stade Kia, les Nick Kyrgios et Thanassi Kokkinakis ont transformé une compétition secondaire en véritable foire. Contre toute attente, les deux compatriotes — et amis — ont connu une première semaine d’enfer en accédant au quatrième tour du tableau masculin.

En guise de mise en contexte, situons nos deux lascars sur l’échiquier mondial de la spécialité. Kokkinakis, qui tente de réintégrer le Top 100 du simple, est présentement 434e mondial en double. Kyrgios, qui n’a pas besoin de présentation, est 259e. Inutile de vous dire qu’ils ont eu besoin d’un laissez-passer pour intégrer la compétition.

D’entrée, ils ont battu leurs compatriotes Alex Bolt et James McCabe, encore moins bien classés et détenteurs, eux-aussi, d’un laissez-passer.

Par la suite, dans ce stade contenant 7 000 personnes survoltées, les deux compères ont fait leur entrée comme des « rock stars », souriantes et désinvoltes. Ils étaient largement négligés face à la première paire mondiale formée des Croates Mate Pavic et Nikola Mektic, un duo qui revendiquait neuf titres en 2021, dont ceux de Wimbledon et des Jeux olympiques de Tokyo.

Soutenus sur chaque point par les Australiens hystériques, Kyrgios et Kokkinakis ont créé une énorme surprise et éliminé les favoris en trois manches lors d’une excitante rencontre dont vous pouvez voir les faits saillants, ici.

La frustration des perdants s’est manifestement transportée dans les entrailles du stade alors que l’entraîneur de Pavic et Mektic aurait voulu se battre dans le vestiaire, selon ce que Kyrgios a révélé. Était-ce parce que l’enfant terrible du tennis avait atteint un de ses deux rivaux au filet, pendant le match (un incident de routine, en double, et pour lequel l’Australien s’était immédiatement excusé) ou l’ensemble de cette atmosphère de cirque — suivi d’un revers inattendu ?

Une situation qui, bien sûr, a fait les délices des médias australiens dans leurs émissions en marge de l’événement.

Photo : Yahoo Sports

Dans ses commentaires d’après-match, Pavic a accusé le coup. « C’est bruyant. Ils sont pas mal bruyants », avouait le Croate. « De toute évidence, ils soutenaient les Australiens. Ça ne leur aurait pas fait de mal de démontrer un peu de respect à l’endroit des adversaires… des autres joueurs. »

Pavic avait-il déjà oublié le récent triomphe de son pays (2018) sur la terre même des Français, alors que la Croatie avait vaincu la France en finale de la Coupe Davis ? Un endroit où son équipe, visiteuse, a dû faire face à une foule bruyante et inhospitalière ?

Voilà le paradoxe dans la réaction des Croates, car l’ambiance à Melbourne était en tous points identique à l’ancienne réalité de la Coupe Davis. Une réalité dont s’ennuie la très grande majorité des joueurs, soit celle de l’avantage de la foule ou l’hostilité de cette dernière, selon l’endroit. Même en jouant sur le terrain de la nation rivale, tout joueur de tennis s’alimente de cette adversité à odeur de défi. Et là, les Croates y étaient confrontés, en terre australienne, face aux fils du pays.

Voilà bien le moment de parler d’un « double trouble » pour le meilleur duo de double au monde.

La paire « Double K » a remis ça au troisième tour, cette fois en prenant la mesure des 15es têtes de série, l’Uruguayen Ariel Behar (47e mondial) et l’Équatorien Gonzalo Escobar (39e) pour accéder aux quarts de finale. Et, encore une fois, c’était la fête au village.

Photo : ATPTour.com

On pourra ajouter à la liste l’amusante complicité entre ces deux hommes. Et, entre vous et moi, la complicité — voire le simple plaisir d’être ensemble — fera toujours partie des éléments intangibles, mais majeurs, dans le succès d’une équipe de double.

Photo : Ausopen.com

Doit-on rappeler ce que ça a produit pour Félix et Denis, à Sydney, il y a deux semaines ?

Peu importe si l’aventure se poursuit tard dans la seconde semaine ou si leur parcours s’arrête, cette séquence rafraîchissante aura permis de mettre un peu de lumière sur ce qui demeure un spectacle athlétique de (très) haut niveau.


Courriel : privard@tenniscanada.com

Twitter : @paul6rivard

Pour suivre tous nos Canadiens à la trace, c’est ici.

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