Sunset over Centre Court in Montreal during a match

Photo : Sarah-Jäde Champagne/Tennis Canada

Des bénévoles en or

On a fait grand état des chaleurs caniculaires au cours du tournoi.

J’ai eu le privilège, lors d’une journée de congé, d’assister à la séance de jour, le 11 août, à Montréal alors que la température ressentie était de 40 degrés. Les spectateurs comme moi n’étaient pas à plaindre comparativement aux joueuses qui s’escrimaient pendant deux heures sur le sol brûlant dans une ambiance de fournaise. Mais c’était tout de même très pénible pour tout être humain.

Et c’est pour ça que je décerne mon premier coup de cœur à ces bénévoles qui ont œuvré avec la même affabilité, le même sourire et le même entrain que lors des années prépandémiques. Car, en plus de cette chaleur insupportable, ils étaient masqués à longueur de journée. Qu’à cela ne tienne, ils conseillaient, dirigeaient (et remettaient à l’ordre les gens sans masques) avec un sourire qu’on devinait sous ce bout de tissus bleu, noir ou multicolore. Et je n’ai aucun doute quant au même comportement sympathique des bénévoles de Toronto, même si je n’y étais pas.

À eux et à tous les autres membres des deux organisations, du bas jusqu’au haut des pyramides, B-R-A-V-O !!! pour avoir tenu à bout de bras cet événement gigantesque, dans des conditions hors de l’ordinaire.

Et merci !

La résurrection de Rebecca

Comme l’a mentionné le directeur du tournoi Eugène Lapierre dans son bilan de dimanche dernier : « Tout le monde attendait Bianca, Leylah… Rebecca a finalement été celle qui a réalisé la meilleure performance. »

Comment ne pas être tombé sous le charme de Rebecca Marino, en début de semaine quand elle a éliminé les 25e et 31e joueuses mondiales ?

Rebecca Marino puts her hand in her head and smiles
Photo : Pascal Ratthé/Tennis Canada

Marino revenait de loin et la plupart d’entre vous connaissent son histoire. Sinon, cet article de janvier dernier vous éclairera sur le parcours cette personne admirable.

En battant Madison Keys, lundi, et Paula Badosa, mercredi, Marino prouvait qu’elle pouvait toujours rivaliser avec des joueuses de ce calibre. Et qu’il suffisait de quelques bonnes séquences, sur des scènes plus grandes, pour qu’on puisse apprécier son numéro.

Classée 220e à la WTA avant le tournoi, sa prestation l’a propulsé au 177e rang, un bond de 43 échelons. Souhaitons-lui bonne chance pour le reste de 2021.

De découverte en découverte

Les aficionados de tennis le savaient, mais ceux qui profitent de ces tournois disputés chez nous pour suivre de plus près certains athlètes ont fait d’intéressantes découvertes ou ont obtenu des confirmations.

D’abord, ils se sont rendu compte que Bianca Andreescu et Ashleigh Barty n’étaient pas les seules détentrices d’un coffre d’outils débordant d’instruments. Celle qui a éliminé la favorite locale le 12 août était assez efficace, merci. Ons Jabeur, galvanisée par le soutien de la diaspora tunisienne de Montréal, a fait étalage d’une variété de coups, en plus de donner une clinique d’amortis qui ont eu raison de notre Bianca. Lentement, mais sûrement, Jabeur progresse depuis six ans et connaît sa meilleure année. Elle vient d’intégrer le Top 20 de la WTA (20e).

À Toronto, tout au long de la semaine, ceux qui en doutaient encore pourront cesser de dire que les géants John Isner (6 pi 10 po) et Reilly Opelka (6 pi 11 po) ne sont que des tireurs de bombes. Si, effectivement, leurs puissants services se révèlent des armes quasi imparables pour leurs adversaires, ils continuent de démontrer une étonnante régularité dans les échanges en fond de terrain, et de surprenantes ressources en de nombreuses occasions. Isner, 36 ans, est sur la pente descendante, mais Opelka (23 ans) pourrait grimper près du Top 10 de l’ATP, éventuellement.

Bublik, le gardien de but

Nous sommes éberlués par les réflexes des joueurs de double au filet. Mais c’est en simple qu’est survenu un coup tellement spectaculaire que la chance doit être désignée comme principale responsable, tout en soulignant les formidables réflexes du joueur.

C’était lors d’un match de deuxième tour opposant le futur champion Daniil Medvedev au Kazakh Alexander Bublik. Au début de la troisième manche, après un « entre-jambes » (« tweener »), par Bublik, Medvedev décoche un smash à bout portant directement sur son adversaire. En voulant se protéger, tout en tombant à la renverse, le Kazakh se protège avec sa raquette et trouve le moyen de renvoyer la balle de l’autre côté.

Croyant le point terminé, Medvedev s’excuse, mais voyant que la balle revient, il enchaîne avec un autre smash (décisif, celui-là). Le problème c’est qu’en parlant, il était immédiatement sanctionné et le point devait aller à Bublik.

Revoyez le tout, ici, avec l’arbitre de chaise Aurélie Tourte.

Ce n’était toutefois pas le seul moment étrange ou controversé dans ce tournoi. Car c’est à Gaël Monfils que revient ce « trophée ». D’ailleurs, j’en ai retenu chaque détail puisqu’il me permet de lancer un autre de ces débats intéressants pour amateurs de tennis.

La clause Gaël

Le tennis est un sport traditionnel et ça en prend beaucoup pour ébranler ses usages ou encore des règlements qui semblent figés dans un autre siècle et qui n’évoluent pas en même temps que les joueurs et les amateurs.

Ce vendredi 13 août (tiens… tiens…) s’est produit un événement en apparence anecdotique, mais qui est encore venu ébranler les colonnes d’un temple plus que centenaire. Pas un gros tremblement, mais une petite secousse qui mérite qu’on s’y attarde.

Un joueur peut-il bouger et gesticuler de façon exagérée alors qu’il attend le service de son adversaire ?

Dans le cas qui nous préoccupe, le serveur se nomme John Isner et le receveur, Gaël Monfils. Ce que le Français a fait, lors de son match à Toronto, a fait jaser dans les cercles du tennis et suscité de bons débats sur les différents balados de ce sport, tant en anglais qu’en français.

Si vous avez raté ça, ce qui est fort possible, je vous invite à le revivre ici avec cette chronologie des événements (je n’ai pas trouvé d’extraits sur YouTube). Et prenez part au débat. J’attends vos réponses aux adresses inscrites au bas de cette page.

A) Il est 22 h 50… Isner au service, en avant 7-6, 1-2 (40-40). Monfils attend le service et tout à coup, commence à se déplacer latéralement derrière la ligne de fond, en pas chassés sur une dizaine de pieds pour manifestement déconcentrer son rival. L’arbitre Mohamed Lahyani le rappelle à l’ordre, Monfils se dirige vers lui. La foule rigole et Lahyani aussi pendant que Monfils plaide sa cause en pointant Isner du doigt : « Ce n’est pas la première fois qu’il me voit faire ça. Demande-lui ! » Effectivement, l’Américain acquiesce et son souriant rival lui lance : « Merci mon frère ! »

Et Lahyani continue à rigoler. Mais un plan isolé nous montre un Isner moins serein, car il se demande où tout ça va mener. Sous les vivats du public, Gaël retourne à sa place et reprend son petit manège derrière la ligne de fond. Isner fait une pause dans sa routine. Puis, montant au filet après son service, le géant rate une volée facile. Réaction forte du public, stupéfait.

Avantage Monfils, Isner fait face à une balle de bris. Même manège du Français, mais en moins exagéré, et cette fois, Isner récolte un ace. 40-40. Service suivant, John monte au filet et réussit sa volée en amorti. Avantage Isner qui conclut le jeu sur une faute directe de son rival. 2-2.

B) Monfils, toujours pour plaider sa cause, engage cette fois un dialogue avec le superviseur du tournoi Tony Cho, adossé au mur du fond et qui demeure stoïque. Au moment de servir, on entend Lahyani décerner un avertissement officiel au joueur qui ne fait ni une ni deux, et retourne discuter avec l’arbitre de chaise qui là, ne rit plus du tout. « C’est trop ! », dit-il à Monfils qui, lui, continue de se justifier en soulignant que rien ne l’interdit dans le règlement. Et c’est là que l’officiel mentionne le mot qu’il ne fallait pas. « Toute cette danse… c’est trop ! ». Et pendant que Monfils se défend d’avoir dansé, Lahyani insiste sur le fait qu’il n’avait pas à parler au superviseur et qu’il ralentissait le match, ce qui lui a valu cet avertissement pour avoir retardé le jeu. Et pendant toutes ces palabres, le public tapait dans les mains, en soutien à l’athlète.

C) Monfils enlève son jeu au service et pendant le changement de côté, amorce une vive discussion avec le superviseur de l’ATP, le Français Cédric Mourier. « C’est pas interdit, il n’a pas à me donner un avertissement parce que je parle au superviseur. Je suis à chaque fois’ on time’ et TU le sais très bien et IL le sait très bien. Qu’est-ce qu’il veut prouver ? Moi j’arrête de jouer si c’est comme ça. Tu sais, je joue pour le plaisir, je joue pour les gens. » Et Monfils de continuer : « Il m’a dit : c’est une danse. C’est irrespectueux ! Est-ce que c’est une danse ? » Et Mourier, lui-même un ancien arbitre, de rétorquer en tentant de calmer le jeu : « C’est pas un manque de respect, c’est un manque de vocabulaire. » (notez que Lahyani ne parle pas français et que l’anglais est une langue secondaire, sa langue de travail)

D) Deux jeux plus tard, Monfils en avance 4-3, pendant la pause suivante, le Français reçoit un traitement au pied droit, mais, couché sur le banc, masque au visage, continue tout de même de discuter vivement avec Mourier. Entretemps, Lahyani s’excuse pour avoir utilisé un terme inapproprié relativement au manège du Français. Mais la concentration de Gaël avait retraité au vestiaire et, à 4-4, il a été brisé sur sa 11e double faute du match. Isner allait conclure le match au retour de la pause.

Maintenant que vous avez un portrait fidèle de la situation, voici ce qui nous amène à un superbe débat. Et, pour être franc, c’est difficile de savoir qui aura tort ou qui aura raison et où il faudrait se situer entre les deux.

Attendu que :

  • Le tennis est un sport traditionnel, ce type de comportement iconoclaste est mal vu en partant.
  • Il n’existe aucun règlement interdisant à un joueur de déranger un adversaire en se déplaçant de cette façon.
  • Monfils et Isner semblent complices (ils se sont regardés en riant, à l’occasion, dans ce qui pourtant était un match serré de quart de finale).
  • Monfils prend son rival à témoin et ce dernier est d’accord avec lui.
  • Mohamed Lahyani est un des arbitres les plus compétents et respectés de sa profession, mais avec une légère tendance à vouloir faire partie du spectacle.
  • Un arbitre de chaise doit garder le contrôle sur le match et son rôle est de trancher en cas de litige, tout bizarre soit-il.

Étant donné que :

  • Gaël Monfils est un des joueurs les plus spectaculaires du circuit, tout en étant un des plus sympathiques également, et celui qu’on qualifie « d’artiste » est le type parfait du gamin qui est là pour jouer et plaire aux spectateurs.
  • Mohamed Lahyani, malgré son statut d’arbitre « superstar » a peut-être trop tendance à s’insérer dans le spectacle, justement. Sa suspension de deux semaines, à la suite de l’affaire Nike Kyrgios survenue en septembre 2019 au US Open, en est un exemple patent.
  • Monfils ne pouvait nuire qu’à lui-même en faisant ce genre de simagrées puisqu’il brise automatiquement sa concentration (surtout contre puissant serveur comme Isner)

Comment trancher ?

Ma première réaction était que Monfils n’avait pas à faire ça, car distraire l’adversaire, avec des gestes du genre, n’est pas respectueux. Mais… quel respect ? Pourquoi ? Excellente question. Et c’est là que des amants de la tradition, comme moi, se butent le nez sur les arguments de ceux qui veulent du spectacle.

Si l’arbitre veut trancher, ce n’est pas avec des arguments comme le mien (je l’avoue bien honnêtement), mais avec un jugement aussi subtil que logique. Surtout que rien dans le règlement n’interdit ce type de mouvements.

Et dans ce cas-ci, en voyant les deux joueurs d’accord, Lahyani avait tout simplement à demander directement à Isner si ce comportement le dérangeait. Et, visiblement, Isner n’avait aucun problème avec ça. Au contraire, comme la suite l’a démontré.

Alors, autant laisser Monfils se brûler en jouant ainsi avec le feu.

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