Collage of Bianca and two junior girl players holnding tennis balls and rackets

Qu’ont en commun Jennifer Bishop, Séverine Tamborero et Valérie Tétreault ?

À part le fait d’occuper des postes clés dans l’organigramme de Tennis Canada, elles ont la distinction d’être des joueuses de tennis depuis leur enfance. Et d’être restées attachées à ce sport. Et d’y œuvrer.

Et maintenant, de veiller à ce que d’autres filles et d’autres femmes ayant embrassé le tennis puissent y demeurer pour faire carrière.

C’est d’ailleurs par la présence de ces modèles que peut s’amorcer un défi aussi important que captivant intitulé « Filles. Set. Match. – Les filles, continuons de jouer », mis de l’avant le 31 mai dernier par Tennis Canada en collaboration avec la Banque Nationale.

Une initiative dont vous trouverez ici tous les détails. https://www.tenniscanada.com/fr/filles/

Jennifer Bishop est la présidente du conseil d’administration de Tennis Canada. Elle a joué au tennis dès son jeune âge et a connu suffisamment de succès pour se voir offrir une bourse d’études d’une université américaine positionnée en division 1 de la NCAA. Elle fut également championne junior nationale et a atteint les 7e et 3e rang mondiaux (en simple et double respectivement) sur le circuit sénior de l’ITF.

Séverine Tamborero est directrice des clubs de la haute performance et du développement des 10 ans et moins de Tennis Canada. Elle a joué au tennis chez les juniors et a, elle aussi, obtenu une bourse d’études aux États-Unis. Elle s’est ensuite tournée vers l’enseignement. De plus, elle est conférencière et auteure.

Valérie Tétreault est directrice des communications de Tennis Canada. Elle a commencé à jouer au tennis à l’âge de 8 ans et a poursuivi une carrière chez les professionnelles qui l’a menée près du Top 100 de la WTA. Dès l’annonce de sa retraite, elle a gravi les échelons du service des communications jusqu’à le diriger (2018). Parallèlement à ces responsabilités, elle est analyste de tennis sur les ondes d’un réseau de télévision francophone depuis 2012.

Jennifer Bishop fait souvent référence à une citation de Judy Murray (mère de Jamie et Andy) : « You have to see it to be it », ce qui se traduit littéralement par « Tu dois le voir si tu veux l’être » ou encore par « Tu ne peux devenir ce que tu ne vois pas ! ». Chez Tennis Canada, cette citation revient tel un mantra visant à convaincre toute femme à rester dans le sport et à espérer y trouver un emploi à la mesure de ses attentes et de ses capacités. Et le fait d’en voir d’autres comme toi, qui ont réussi, c’est fondamental.

Mais il y a une lacune à ce chapitre et le problème est malheureusement remarquable à la base de la pyramide. Et il faut que cette pyramide solidifie sa base.

C’est pour y arriver que la Banque Nationale s’est jointe à Tennis Canada dans la campagne de sensibilisation et d’action Filles.Set.Match.

Changer les mentalités

J’ouvre une parenthèse, ici, pour vous rappeler que des domaines encore plus typiquement « masculins » que le tennis commencent enfin à changer leur mentalité. Qu’y avait-il de plus masculin que les acronymes LNH, MLB, NFL et NBA, jusqu’à tout récemment ?

Des exemples :

La Montréalaise Catherine Raîche vient d’être nommée vice-présidente aux opérations football chez les Eagles de Philadelphie, au football américain.

Deux de ses compatriotes viennent de réaliser d’autres premières du hockey professionnel quand la directrice du développement des joueurs des Maple Leafs de Toronto, Hayley Wickenheiser, a récemment embauché son ex-coéquipière d’Équipe Canada, Danièle Goyette pour la seconder.

En novembre dernier, Kim Ng était la directrice générale des Marlins de Miami, au baseball majeur. Une première dans l’histoire des sports collectifs nord-américains. En mars dernier, elle était nommée vice-présidente principale des opérations de la MLB.

Du côté du basketball, il y a maintenant une dizaine d’entraîneures adjointes, dont Becky Hammon. Cette dernière a même tenu le rôle d’entraîneure en chef des Spurs de San Antonio, le temps d’un match lors de la suspension temporaire du légendaire Greg Popovich, en décembre 2020.

Chaque fois, des premières dans des milieux on ne peut plus masculins.

Une tendance, certainement. L’actualisation de changements inéluctables, assurément. Une normalisation logique, sans aucun doute.

Revenons à Tennis Canada qui vient de faire un pas de plus vers une démarche visant à ce que cette tendance devienne une… assurance. Une assurance de continuité et une norme de base dans toute organisation et dans toute pratique de sport.

L’égalité entre les genres.

Les ramener et… les garder

Si Tennis Canada a fait confiance à toutes ces femmes occupant déjà des postes d’importance, ça ne veut pas dire que la mission est moindre.

« La fondation du programme, c’est la transparence. Nous avons reconnu que nous avions une lacune et c’est pourquoi nous entreprenons cette démarche vers l’égalité des genres », mentionnait Jennifer Bishop, qui a souligné à quel point elle avait reçu l’appui de tout son conseil d’administration, en commençant par le président et chef de la direction de TC, Michael S. Downey.

Comme le démontrent les statistiques à la base de cette démarche, s’il y a un nombre à peu près égal de filles et de garçons qui pratiquent le sport à l’aube de l’adolescence, c’est seulement 10 pour cent des garçons qui l’abandonnent à la fin de l’adolescence.

Comparativement à 33 pour cent chez les filles.

« Il y a plusieurs raisons pour cette décevante statistique », explique madame Bishop. « Image de leur corps… pression… désir de jouer en équipe… On le sait, le tennis est parfois un sport bien solitaire. Nous voulons garder ces jeunes filles dans le sport et, à plus long terme, augmenter leur nombre dans la pratique du tennis, mais aussi dans l’enseignement et l’entraînement de haut niveau, sans oublier le monde économique de notre sport. Elles devraient pouvoir considérer le tennis comme un choix de carrière, peu importe le champ. »

Roger cup = Bianca and Jennifer bishop
Jennifer Bishop – Photo: Jared Wickerham

Mais avant d’en être au choix de carrière, il faut tout simplement commencer par la base, soit recruter des jeunes filles désirant jouer. Puis, leur faire apprécier leur sport au point qu’elles l’embrassent pour longtemps, que ce soit en compétition ou en loisir. Et ainsi, on pourra le leur faire aimer suffisamment pour continuer.

« On veut plus de coachs, aussi ! », insiste Séverine Tamborero. « En entraînement, les femmes sont souvent ciblées parce qu’elles ont la réputation d’être très bonnes avec les tout-petits. Mais elles peuvent en faire beaucoup plus, également. Il faut que dès 16 ou 17 ans, des jeunes joueuses puissent choisir un changement de trajectoire et passer de la compétition à l’enseignement. Ça, c’est un aspect sur lequel on doit travailler. Mais on n’y arrivera jamais si on ne convainc pas les jeunes de persévérer dans le sport au-delà de l’adolescence. »

La force de l’image

Au début de ce millénaire, le nom de Valérie Tétreault était déjà bien connu des médias. Championne junior du Canada à l’âge de 18 ans, on a vu ou entendu son nom régulièrement dans les bulletins de sports entre 2006 et 2010 alors qu’elle a présenté une fiche de 130 victoires et 98 défaites chez les professionnelles, et a atteint le 112e rang mondial en 2009.

Valérie Tétreault

Dès l’annonce de sa retraite, elle a troqué sa raquette pour un clavier d’ordinateur et s’est immédiatement mise à gravir des échelons d’une tout autre nature, soit ceux du service des communications de Tennis Canada. Et parallèlement à ses tâches sans cesse plus exigeantes au sein de l’entreprise, elle menait une carrière d’analyste pour la télédiffusion du tennis sur les ondes du réseau TVA Sports, au Québec.

Tout à fait le modèle de carrière et de personne dont TC avait besoin pour les jeunes filles, des années avant que ne se multiplient les initiatives visant l’égalité des genres.

« Valérie est un très bon exemple d’une personne ayant amorcé une deuxième carrière tout en restant dans son sport et elle a vite grandi dans l’organisation. Elle est une ambassadrice complète », ajoute madame Bishop.

Un peu gênée par cet hommage, Valérie reconnaît que son parcours ajoute à la palette de choix qui s’offre aux jeunes lorsque vient le temps de se demander ce qu’on peut faire pour rester dans le tennis.

« Quand j’ai pris ma retraite, j’ai toujours dit que le tennis m’avait beaucoup apporté dans la vie et que j’espérais redonner à mon sport. Et cette fonction, doublée de celle de communicatrice à la télé, c’est une double manière d’atteindre cet objectif. »

Si deux anciennes joueuses, Andrée Martin (Radio-Canada) et Hélène Pelletier (RDS), ont été à l’avant-garde des analystes féminines dans les médias, force est d’admettre qu’elles se sont multipliées au cours de la dernière décennie. Les Valérie Tétreault, Marie-Ève Pelletier et Stéphanie Dubois ont suivi dans les studios de TVA Sports. Si Dubois n’y est plus, c’est qu’elle analyse des matchs… en anglais sur Eurosport, car elle habite maintenant en Grande-Bretagne.

Ajoutons à cela la présence de Sharon Fichman et de Patricia Hy-Boulais, à l’occasion des matchs de la Coupe Billie Jean King sur les ondes de Sportsnet.

« Pour plusieurs anciennes joueuses, le premier réflexe d’après-carrière était de devenir entraîneure. Et même là, il y a beaucoup moins de femmes que d’hommes dans cette profession, mais c’est en progression. Quant aux médias, tant mieux si on fait la preuve aux jeunes qu’il s’agit d’une option. »

Généralement, on entend ces ex-joueuses analyser les performances du tennis féminin, ce qui ne veut pas dire qu’elles ne sont pas aptes à commenter celui des hommes. Et ce même si on demande généralement aux anciennes joueuses d’analyser les matchs féminins.

Tant les deux Pelletier que Tétreault et Tamborero ont été appelées à analyser, au fil des ans, des matchs masculins de différents tournois sur les ondes des deux réseaux québécois. Et, aux dernières nouvelles, personne n’en a souffert…

Encore mieux, il y a quelques années, soit en 2017, c’est un duo entièrement féminin qui a décrit les trois derniers tours (hommes et femmes) du Challenger Banque Nationale de Granby, à TVA Sports. Valérie Tétreault à la description et Marie-Ève Pelletier à l’analyse.

Valerie Tetreault and Marie-Eve Pelletier
Valérie Tétreault et Marie-Eve Pelletier

Mais il y a encore du chemin à faire en ce qui concerne la visibilité du tennis féminin. Comme le fait, pour les tournois mixtes, de programmer les finales féminines avant celle des hommes, sauf en de rares exceptions (Miami).

« Oui, tous les tournois ont des réflexions à faire. Comme les télédiffuseurs, d’ailleurs », reconnaît Tétreault. « Mais le tennis entre dans une ère intéressante alors que ses vedettes ont de fortes personnalités. Outre, bien sûr, Serena Williams, les Noami Osaka, Ashleigh Barty, Bianca Andreescu Simona Halep, Garbine Muguruza, Aryna Sabalenka et autres suscitent de l’intérêt dès les premiers tours des tournois. Et comme on se prépare à la retraite éventuelle d’un ou deux des membres du fameux “Big Three” masculin, cela peut créer de l’intérêt télévisuel pour ces gros noms du tennis féminin. Et déjà, il y a ce facteur Canada, alors que les éditions féminines du tournoi de Montréal ont souvent établi des records de vente de billets, toutes éditions confondues. »

Un sport sécuritaire pour elles

On ne peut manœuvrer un paquebot comme on fait demi-tour avec une petite voiture. Et les dirigeants de Tennis Canada le savent, tout en restant lucides quant à l’atteinte des objectifs. Leur échéancier est évalué à une dizaine d’années. Mais déjà, à la moitié de cette période, les instigateurs de la démarche seraient heureux de constater des résultats.

« Nous sommes, bien sûr, très reconnaissants et chanceux d’avoir un partenaire dévoué comme la Banque Nationale qui s’engage dans un programme comme celui-ci », a souligné Jennifer. « La durée de leur engagement de dix ans envers Tennis Canada, nos tournois et cette stratégie nous donne le temps nécessaire pour mettre en œuvre une nouvelle programmation sans risque de perte. Ce type de stratégie est également conforme aux valeurs corporatives de la Banque Nationale, de sorte que les deux organisations sont alignées. »

« Présentement, une quarantaine de joueuses quittent le Canada pour aller évoluer aux États-Unis. Ne serait-il pas merveilleux si, dans cinq ans, au lieu de 40 filles, nous avions un contingent de 80 ou même de 100 joueuses canadiennes qui étudieraient et joueraient là-bas ? Puis, conscientes qu’elles auraient un choix multiple de carrières en tennis à leur retour au pays ? »,poursuit la présidente du conseil d’administration de TC.

Jennifer Bishop and top canadian women in tennis
Photo: Claudio Thoma / freshfocus

Parallèlement à cette volonté, Tennis Canada est fière du leadership démontré dans l’atteinte d’un autre objectif majeur, tous sports confondus.

 « Voilà des années que nous avons commencé à aborder ce sujet et la Banque Nationale a toujours été là pour participer à ces discussions. À Tennis Canada, une avancée dont je suis particulièrement fière concerne l’embauche à temps complet d’un expert du domaine du « sport sécuritaire ». Il a entièrement révisé notre code de conduite, l’aspect sécurité de nos entraînements, le tout rendant la pratique du sport toujours plus sûre pour ces jeunes filles et ces jeunes femmes. »

Selon Séverine Tamborero, notamment directrice des clubs la haute performance, le « sport sécuritaire » s’articule par l’embauche de plus de femmes pour l’entraînement et pour accompagner les jeunes filles en tournois.

« Il est d’une importance cruciale d’avoir une plus grande présence féminine dans l’environnement de nos jeunes joueuses. C’est tout simplement logique et humain. Ajoutons que chaque entraîneur ou membre du personnel d’encadrement de nos jeunes est soumis à une enquête visant à empêcher la présence d’éléments indésirables, tant chez les hommes que chez les femmes. Et, conséquence positive, cette augmentation d’effectifs devient automatiquement une création d’emplois et de possibilités souhaités par une telle démarche. »

Changer le moule

En conclusion, c’est un travail de longue haleine et un chantier majeur dans lequel se lance Tennis Canada. Et même si les résultats escomptés ne seront peut-être pas perceptibles immédiatement, il y a de l’espoir, beaucoup d’espoir.

Et ce, pour plusieurs raisons élaborées par nos trois intervenantes, dont Séverine Tamborero, qui rappelle que nos modèles sont sur le terrain et à la télé. « Depuis quelques années, je demande à nos jeunes qui sont leurs joueuses préférées et j’entends les noms des joueuses canadiennes. Je n’entendais pas ça, avant. Pourquoi ? Parce que les nôtres sont devenues des modèles. Et on doit maintenant faire de même à tous les niveaux du sport. »

En écoutant cette dame, il n’est pas surprenant d’apprendre qu’en plus d’être spécialisée en entraînement depuis des décennies, et d’être conférencière, elle ait écrit un livre intitulé « Casser le moule ».

C’est finalement le but de la démarche « Filles. Set. Match ». Casser ce moule et le remplacer par un autre.

Plus solide… plus égal… plus normal.

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