Imaginez un peu si Diego Schwartzman essayait de jouer dans les espadrilles de John Isner.

Pas évident.

Maintenant, comprenez comment je me sens de succéder à Tom Tebbutt pour rédiger ce blogue sur le site Web de Tennis Canada.

Si la comparaison fait sourire, sachez au moins que je me sens à peu près comme Diego lorsqu’il doit serrer la main de John au filet. Avec détermination, mais aussi beaucoup… BEAUCOUP de respect face à celui que je dois regarder en levant la tête vers le haut.

Je profite immédiatement de cet espace pour témoigner mon admiration et mon respect pour ce journaliste et commentateur que je suis depuis de nombreuses années, tant à l’écrit que sur les ondes de la radio et de la télévision.

Outre la passion du tennis, j’ai appris récemment que nous avions deux autres points en commun. Nous sommes nés dans la même ville du Québec, Trois-Rivières. Et, à quelque 10 ans d’intervalle, nous avons même fréquenté le même club de tennis, le « Radisson », sur le bord de la rivière Saint-Maurice.

Je souhaite donc à Tom une heureuse retraite, marquée par la santé et… d’excellents matchs de tennis à jouer ou à regarder.

En ce qui me concerne, pour ceux qui ne me connaissent pas, disons simplement que je pratique le tennis depuis 55 ans. J’en ai rapporté les nouvelles et les pointages, à la radio et à la télé, depuis plus de 40 ans. Et pendant une dizaine d’années, je l’ai décrit à la télé (ATP, WTA, Coupe Davis, Fed Cup, Coupe Laver), en plus d’y consacrer des tas de textes sur le Web.

C’est parti… « Au jeu ! »

Eugenie frôle le titre à zapopan

On y a cru. On l’a espéré.

Et Eugenie Bouchard aussi devait assurément y croire. Surtout, elle l’espérait, ce deuxième titre qui serait survenu près de sept ans après son tout premier, en 2014, sur le gazon de Nuremberg, en Allemagne.

Pas cette fois.

Photo: WTATV
Photo: WTATV

Au tournoi WTA 250 de Guadalajara, disputé dans la ville jumelle de Zapopan, la fatigue, vraisemblablement, et son incapacité à adapter sa stratégie face à un « mur » espagnol nommé Sara Sorribes Tormo, ont laissé Bouchard à court de la victoire. Inversement, l’Européenne de 24 ans obtenait le trophée à sa toute première présence dans une finale à l’issue d’une victoire de 6-2 et 7-5.

Dans ce match, et comme elle l’avait fait tout au long de la semaine, Eugenie alliait la puissance à la précision. Mais comparativement aux trois joueuses dont elle s’était débarrassée, Caroline Dolehide (43e), Kaja Juvan (91e) et Cate McNally (44e), Sorribes Tormo (71e) retournait littéralement chacune des claques de sa rivale, l’obligeant à tenter des coups plus difficiles pour sortir de ces échanges aussi hypnotiques qu’éreintants. Avec le résultat que l’on sait.

Photo: WTATV

« C’était super frustrant ! » avouait Bouchard à l’agence Canadian Press, après la finale. « Quelquefois, j’avais l’impression de jouer du tennis pour les 12 ans et moins. Je ne sais pas… elle a été plus forte et plus durable que moi dans les longs échanges, malgré mes attaques. » Et cette frustration était manifeste quand, au comble de l’agacement, à 2-5 de la première manche, Bouchard a fracassé sa raquette en guise de dépit.

Tout de même, Eugenie Bouchard a démontré beaucoup de régularité et une bonne condition physique au cours de ce tournoi et ses efforts ont été couronnés puisqu’elle a fait un bond de 28 places au classement pour se retrouver au 116e échelon de la WTA. Étape suivante : le tournoi de Monterrey, toujours au Mexique.

Et là-bas, elle n’aura pas à disputer son premier match, 24 heures après s’être tapé un voyage depuis la France, assorti de 7 h de décalage et d’une adaptation à une altitude de 5 500 pieds !… Reposée et forte d’une confiance toujours un peu accrue, elle peut continuer sa quête d’un retour dans le TOP 100.

Quand on pense qu’il y a un an, le 16 mars 2020, elle était la 332e du classement. Une amélioration de 216 rangs !

« J’ai l’impression que le travail abattu au cours de la dernière année commence à porter ses fruits. Je sens que je dois me donner plus de chances. Plus je vais jouer de tournois, plus je pourrai me donner des chances de gagner des matchs et, espérons-le, des titres », concluait-elle.

Au moment de la publication de ce texte, elle aura probablement disputé son match initial face à la Chinoise de 27 ans, Lin Zhu, 100e mondiale. Cette dernière avait perdu ses deux duels précédents face à la Québécoise, en 2018.

L’exploit de Shapo

Ce n’était pas un « bagel ». Peut-être pourrions-nous l’appeler le « balayage de service »

Toujours est-il que le 11 mars, Denis Shapovalov a réussi un exploit inédit pour le tennis canadien, soit de remporter tous ses jeux au service sans allouer un SEUL point à son rival, en l’occurrence Taylor Fritz, en quart de finale du tournoi ATP 250 de Doha, au Qatar.

Oui, 24 points en 24 occasions, sur 6 jeux. Première manche remportée par 7-5.

denis shapovalov pumps his first
Photo: ATP Tour

Si on se reporte au deuxième jeu du deuxième acte, ça aura pris une quarantaine de minutes avant que l’Américain puisse remporter son premier point sur le service du gaucher canadien.

Pas banal, avouez-le.

La suite n’a pas été à la hauteur de l’exploit puisqu’un Fritz remarquablement calme a gardé sa concentration et disputé un superbe match pour renverser la tendance et triompher d’un Shapovalov moins solide mentalement, 5-7, 6-3 et 6-4.

Le Torontois s’attaque cette semaine, tout comme Vasek Pospisil, au tournoi de Dubaï. Leurs compatriotes Félix Auger-Aliassime et Milos Raonic, eux, ont choisi celui d’Acapulco. Ce sont deux tournois du Circuit 500 de l’ATP, sur surface dure.

De son côté, Leylah Annie Fernandez est inscrite à Monterrey (WTA 250).

Le retour du Roi

Non, il n’est pas question, ici, d’Aragorn effectuant son retour triomphal dans le Gondor, au terme de la saga du Seigneur des Anneaux.

Ni de celui de Patrick Roy, à Montréal, pour y voir retirer son chandail no 33 après avoir enterré une dispute de 13 années avec la direction des Canadiens.

Vous aurez bien sûr compris qu’il s’agit du retour du « Roi Roger », après un hiatus de 13 mois et demi.

Deux opérations au genou et une… certaine pandémie sont responsables de cette absence d’un an et 38 jours. Et, à quelques mois de son 40e anniversaire de naissance, on pouvait se demander si le poids du temps ne pèserait pas trop sur les épaules et la raquette du « Maître ».

Non.

Au deuxième tour du tournoi ATP 250 de Doha (Qatar), Federer (6e mondial) renouait avec la compétition face à Daniel Evans (28e), un coriace adversaire avec qui il avait disputé de multiples matchs d’entraînement dans les jours précédents, chez lui à Dubaï.

Evans pouvait difficilement mieux jouer qu’il ne l’a fait, ce 10 mars. Et Federer, lui, a été Federer. Bien sûr, il a frappé plusieurs balles sur le cadre et il a raté plusieurs balles très faciles au filet. Mais pour le reste, personne n’a été déçu, sinon, le pauvre Evans lui-même qui devait composer avec une foule réduite composée à presque 100 % d’amateurs venus voir jouer — et gagner — Roger Federer. Evans, au demeurant, a même disputé un excellent match.

Résultat : 7-6(8), 3-6 et 7-5. En 2 heures et 26 minutes. Du bonbon !

Le lendemain, même scénario. Un Federer pas encore au sommet de sa forme contre un joueur pouvant surprendre s’il joue son meilleur tennis. Et c’est ce qui est arrivé.

Nicoloz Basilashvili, le taciturne Georgien, a réussi à présenter son solide tennis en fond de court, pendant près de deux heures, et le 42e joueur mondial a pris la mesure d’un Federer, visiblement un peu épuisé mentalement et physiquement par ce retour au jeu et le rythme d’enfer imposé par ses adversaires.

Résultat : 3-6, 6-1 et 7-5, pour l’orgueil de Tbilissi.

Dans l’entrevue d’après-match, c’est un humble Basilashvili qui tentait de comprendre ce qui venait de se produire.

« C’est incroyable. C’est un des plus grands joueurs de l’histoire. Juste l’affronter signifie tellement pour moi. Je suis vraiment content qu’il soit revenu et qu’il joue à nouveau. Une victoire contre lui est la réalisation d’un rêve. Il a toujours été mon idole et celle de plusieurs joueurs de tennis et d’amateurs. Je suis très heureux. »

Comme pour confirmer notre impression d’alors, Federer annonçait quelques heures plus tard faire l’impasse sur Dubaï pour se recentrer sur l’entraînement. Les prochains mois nous en diront plus sur 1) l’aura surnaturelle d’un symbole vivant ou 2) l’érosion inévitable et l’approche de la retraite pour l’un des plus grands joueurs (sinon le plus grand) de l’histoire du tennis.

Novak, plus grand que Roger ?

Là, je sens que je vais démarrer quelque chose.

Novak Djokovic vient de s’adjuger un des records les plus prestigieux du tennis moderne, en enregistrant, le 8 mars dernier, une 311e semaine au sommet du classement de l’ATP (depuis l’instauration de ce classement, il y aura bientôt 50 ans [1973]). Il venait de dépasser Federer et sa marque de 310 semaines.

Pour le « Djoker », il s’agissait aussi de sa 28e semaine consécutive, peu importe ce qu’on pense de l’adaptation des règlements et du principe des classements protégés, en raison de la pandémie de COVID-19.

novak djokovic holds the australian open trophy
Photo: Australian Open

28 semaines de suite, ou 50, ou 100 ou même 150, voilà qui est encore loin de l’AUTRE record de Federer, dans ce département. Car Roger a réussi à se maintenir sur le trône de l’ATP pendant 237 semaines consécutives !!! Vous avez bien lu : 237 semaines sans être délogé. C’était du 2 février 2004 au 17 août 2008.

Ses plus proches poursuivants sont Jimmy Connors, avec 160 semaines (du 29 juillet 1974 au 22 août 1977) et Ivan Lendl, avec 157 semaines (du 9 septembre 1982 au 11 septembre 1985).

Novak Djokovic est 4e avec 122 semaines de suite (du 7 juillet 2014 au 6 novembre 2016).

Mais le fait d’avoir passé un total de 312 semaines (en date du 15 mars 2021) au sommet de la hiérarchie mondiale reste un exploit indéniable. Il reste maintenant à « Nole » de rejoindre Serena Williams (319) ou Martina Navratilova (332) ou même Steffi Graf (377) pour revendiquer le record absolu du tennis professionnel moderne.

Bien des balles seront frappées d’ici là. Et bien des débats auront lieu pour connaître le plus grand joueur de tous les temps, ce que les anglophones décrivent par l’acronyme G.O.A.T. (Greatest Of All Times).

1) Le mesurera-t-on seulement en termes de titres du Grand Chelem ? Là où Federer et Nadal dominent avec 20 chacun et là où « Nole » risque de les rejoindre. Et dépasser.

2) Ou en semaines passées (consécutivement ou non ?) au premier rang mondial ?

3) Ou en nombre de victoires sur le circuit de l’ATP alors que Federer y pointe au 2e rang avec 103 titres, contre 109 pour Jimmy Connors ? (Nadal, avec 86, et Djokovic, avec 82, suivent derrière Ivan Lendl [94])

4) Ou en statut de « modèle » pour la société ?

Ce débat n’est pas nouveau… et il est loin d’être terminé. Nous y reviendrons.


Et puisqu’il était brièvement question de classement protégé dans le segment précédent, ainsi que du grand Roger Federer dans l’autre, pourquoi ne pas compléter cette contribution hebdomadaire en joignant les deux dans ce clin d’œil fort amusant, relevé par le chroniqueur de tennis britannique, Chris Goldsmith, le 5 mars dernier.

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Courriel : privard@tenniscanada.com
Twitter : @paul6rivard

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