Pas besoin de chanter comme les mariachis pour comprendre à quel point la jeune Leylah Annie Fernandez doit aimer le Mexique. Surtout depuis le 21 mars.
Son nom résonne facilement dans le cœur des amateurs locaux… elle y parle la langue du pays (son père étant Équatorien) et en l’espace d’un an, elle y aura disputé les deux premières finales de sa jeune carrière.
Après s’être inclinée en finale à Acapulco, à 17 ans, elle a cette fois enlevé les grands honneurs, à 18 ans, à Monterrey.
Affichant sur le devant de son chandail le nom de Telcel, ce géant de la téléphonie au Mexique, la 88e joueuse mondiale a dominé la Suissesse Viktorija Golubic (102e), 6-1 et 6-4 en 1 h 29 min
Encore mieux, elle a survolé le tournoi sans perdre une seule manche, se débarrassant successivement des Coco Vandeweghe (210e), Kristina Kucova (149e), Viktoria Kuzmova (28e), Sara Sorribes Tormo (57e) et Golubic.
Pour l’adolescente québécoise, cela lui vaut un gain de 16 places et lui permet de s’approcher du TOP 70 de la WTA en prenant la 72e place. C’est une progression fulgurante par rapport au 23 février 2020, avant le tournoi d’Acapulco, alors qu’elle s’affichait au 191e échelon mondial. Un bond de 119 rangs.
Elle se sent tellement bien au Mexique, Leylah, que l’ensemble de son discours a été fait en espagnol, oubliant la règle de base de la sacro-sainte télédiffusion mondiale. Car, sachant qu’il y a beaucoup plus de gens qui regardent le tennis à l’aide de leurs écrans que dans les estrades locales (surtout en ces temps particuliers), les athlètes s’expriment toujours dans la langue de Shakespeare puis, pour les partisans sur place, si c’est faisable, dans leur langue.
Mais on peut bien pardonner une telle digression à cette adolescente qui paraît d’ailleurs encore plus jeune que son âge.
la recette de leylah
Si la majorité des amateurs de tennis de la planète, y compris beaucoup de Canadiens, sont surpris des succès de Leylah Annie Fernandez, il y a une poignée de gens qui ont un sourire en coin. Je parle ici des membres de sa famille, d’abord, et beaucoup de gens à Tennis Canada, en commençant par Séverine Tamborero.
Depuis huit ans, Séverine est directrice du programme des 10 ans et moins et des clubs de haute performance, à Tennis Canada. C’est donc dire qu’une petite fille aux prénoms de Leylah Annie s’est un jour amenée dans l’un des premiers groupes de son programme.
On devine la joie de Séverine, à la fin du match, et dans les heures qui ont suivi. Mais voici pourquoi elle n’était toutefois pas surprise du succès de Fernandez.
« Je me souviens. À 10 ans je lui avais demandé ce qu’elle voulait faire plus tard. Elle a clairement indiqué qu’elle voulait être une joueuse professionnelle. “Et si ça n’arrive pas” ? lui avais-je répondu… “C’est impossible que ça n’arrive pas, parce que c’est ce que je veux !” Alors tout est parti de là. Cette fille a une détermination comme j’en ai rarement vu et c’est à la base de son succès. »
Ce n’est pas d’hier que le petit gabarit de Fernandez peut faire sourciller. À 5 pieds, 4 pouces, comment rivaliser avec une grande du contingent professionnel féminin ?
« Je vais vous dire ce que j’ai dit à Leylah quand elle était jeune et que j’ai répété à beaucoup d’autres : le cœur va plus loin que le talent, parfois. Et quand on a les deux, c’est encore mieux. Pour elle, l’aspect physique n’a jamais été un problème, car elle a compensé amplement par sa détermination et son désir de vaincre. »
Mais encore ? Comment rivaliser avec la puissance des joueuses du TOP 20, des matraqueuses de fond de terrain comme les Keys, Sabalenka, Kvitova ? Ou contre des joueuses capables de tout sur un court ?
« Elle s’adapte, Leylah, vous savez. Elle sait qu’elle ne peut pas rester dans des échanges interminables (même si elle se débrouille pas mal aussi à ce niveau)… Déjà, on la voit monter plus souvent au filet. Après ce premier titre, ce sera son prochain défi, celui d’ajuster son style de tennis contre des cogneuses. »
Et une dernière question piège… avec une réponse surprenante.
À qui lui fait penser Fernandez sur le circuit ?
(Réflexion… 1, 2, 3 sec.) « Sincèrement, je n’en vois pas. Il y a des filles très talentueuses, bien évidemment, il y a des filles qui ont un profil physique extraordinaire, il y en a beaucoup qui ont un peu des deux… mais la détermination que Leylah affiche depuis son tout jeune âge, je ne suis pas sûre que j’ai déjà vu ça. »
Tout un compliment !
Rien à ajouter.
PANDÉMIE… D’annulations?
Le tournoi de Miami, deuxième volet du fameux « Sunshine Double » est frappé par une triste vague de retraits.
Rappelons que ces tournois de 10 jours, emblématiques du printemps, ont été annulés en raison de la pandémie de COVID-19, l’an dernier. Le premier volet, celui d’Indian Wells, a été reporté à l’automne cette année, mais pas Miami. Toutefois, c’est SANS les quatre plus gros noms du tennis mondial (toutes mes excuses pour les vedettes montantes…) qu’on jouera au complexe du Hard Rock Stadium.
Novak Djokovic, Rafael Nadal et Roger Federer, citant blessures, remises en forme et famille, dans l’ordre ou dans le désordre, ont décidé de faire l’impasse sur ce gros tournoi. Tout comme, chez les dames, Serena Williams.
On peut ajouter à la liste masculine les Dominic Thiem, Matteo Berettini, Roberto Bautista Agut, Gaël Monfils, Stan Wawrinka et Borna Coric, pour ne nommer que ceux-là, dans le Top 25 de l’ATP.
D’autre part, et heureusement, le phénomène est absent chez les dames. Tout le Top 20 de la WTA y sera, sauf Williams et Johanna Konta.
Au-delà de toutes les justifications officielles [même si elles font sourciller, quelquefois], il y a cette déclaration de Denis Shapovalov qui donne une triste indication de cette tendance :
- Les joueurs sont moins motivés à se déplacer à des tournois en raison des bourses moins élevées, sauf s’ils doivent honorer des engagements contractuels. Ils ont gagné des Masters, des Grands Chelems alors ils ressentent moins le désir d’y aller.
- Personnellement, j’ai allégé mon calendrier de 2021 et je l’ai adapté en fonction de mon plaisir de jouer les gros tournois et de choisir des épreuves où je n’étais jamais allé, comme dans le cas de Doha et de Dubaï, cette année. Et j’essaie de sortir des « bulles » parce que ça m’épuise, mentalement.
Sans nommer personne, il faut avouer que Shapo n’y va pas de main morte avec ce qu’il croit être une certaine tendance. L’entièreté de sa déclaration, faite à Reem Abulleil dans le cadre du tournoi de Dubaï, se trouve sur le compte Twitter de cette journaliste égyptienne et a été reprise par des dizaines de sites spécialisés.
Quelques jours après la publication de ces commentaires, il ne semblait pas y avoir de réaction chez les joueurs les plus connus de l’ATP. Il faudra voir si le jeune Canadien a trop parlé ou si, inversement, il a révélé une réelle tendance.
Shapovalov et ses compatriotes Raonic, Auger-Aliassime et Pospisil seront tous présents dans le tableau principal masculin.
Chez les dames, Bianca Andreescu est la 8e tête de série tandis que Leylah Annie Fernandez avait le statut de 2e tête d’affiche du tableau des qualifications. Elle n’a donc pas eu le temps de célébrer son titre de Monterrey et elle a dû vite retomber de son nuage pour reprendre le boulot. En effet, moins de 24 heures après avoir soulevé le trophée, elle faisait son entrée sur le court floridien.
Et comme c’est souvent le cas, c’était beaucoup trop lui demander de remonter le mécanisme de la machine psychologique en si peu de temps. Fernandez ne sera restée sur le terrain qu’une heure et 24 minutes, le temps de se faire éliminer par la Roumaine de 32 ans, Mihaela Buzarnescu, 137e mondiale, 6-4 et 6-2.
« Vous ne savez jamais quand ça arrive ! »
Ce qui me fascine dans le tennis, ce sont ces athlètes qui réussissent à grimper au classement après des années à grappiller, de peine et de misère, de maigres points et qui semblent être plafonnés. Tout à coup, ils surgissent sans qu’on ne sache trop pourquoi et font des ravages dans les rangs des joueurs mieux classés.
Ça me fascine et c’est d’ailleurs ce qui fait la beauté du tennis quant au fait que l’inattendu peut toujours survenir. Et la finale du tournoi ATP 500 de Dubaï nous en a donné un autre exemple.
* Il y a un an, Lloyd Harris (24 ans) était 98e mondial. Aslan Karatsev (27 ans), 253e.
* Harris présente un dossier de 11-5, y compris les qualifications à Doha et Dubaï. Il a connu une séquence de sept victoires avant sa défaite en finale.
* Karatsev a surpris la planète en 2021 avec 15 victoires et 2 défaites, y compris les qualifications des Internationaux d’Australie où il a atteint la demi-finale. Il a connu une série de huit victoires en Australie et avec son titre, il en ajoute une autre de six.
* Depuis le 9 mars, Harris s’est payé les Wawrinka, Thiem, Krajinovic, Nishikori et Shapovalov.
* À son tableau de chasse de 2021, Karatsev a épinglé des noms comme Schwartzman, Auger-Aliassime, Dimitrov, Sinner et Rublev.
Et je gardais le meilleur pour la fin : Karatsev vient de faire un bond de 226 rangs au classement au cours de la dernière année. De 253e, le 15 mars 2020, il est maintenant 27e.
« Vous ne savez jamais quand ça arrive ! »
Une simple phrase, en entrevue d’après-match, qui résume tellement bien ce type d’émergence. Pourquoi à ce moment ? Pourquoi à ce tournoi plutôt qu’à un autre ? Difficile à dire, impossible à prévoir.
C’est là qu’on note cette forme de parité dans ce sport. Et si un joueur ne justifie pas tout de suite les espoirs mis en lui, il peut très bien éclore à un moment donné, sans avertissement.
Plus que jamais, chez les milliers de joueurs de tennis de la planète, c’est « entre les deux oreilles » que ça se passe.
Un de mes meilleurs exemples restera Angelique Kerber.
La gauchère allemande a fait du sur place dans le TOP 10 de la WTA pendant trois ans et demi (du 20 mai 2012 au 4 octobre 2015).
Puis, elle a littéralement explosé en 2016 en participant à trois demi-finales du Grand Chelem. Elle s’est inclinée en finale de Wimbledon avant de remporter celle des Internationaux des États-Unis. Ah oui, elle a également fait la finale des Jeux olympiques de Rio. Kerber avait conclu son année 2016 avec 63 victoires et 18 défaites, en 81 matchs. Elle a occupé le 1er rang mondial du 11 septembre 2016 au 15 janvier 2017.
À l’âge de… 28 ans !
QUELLE FAMILLE
Un jeune Américain de 20 ans est en train de se faire un nom dans le tennis professionnel. Il a même affronté Félix Auger-Aliassime, à Acapulco.
En fait, il est en train de se faire un PRÉNOM. Sebastian. Puisque son nom, Korda, beaucoup d’amateurs de tennis l’ont vu et entendu à la fin du dernier siècle.
En effet, Petr Korda, né dans le pays qui s’appelait alors la Tchécoslovaquie, a atteint le deuxième rang mondial, en 1998, l’année où il a conquis son seul titre du Grand Chelem. Son mariage à une joueuse de tennis, Regina Rajchrtová, a signifié le départ d’une famille où, manifestement, les gènes d’athlètes allaient se transmettre de façon impressionnante.
Outre Sebastian, 20 ans, le couple Korda a aussi deux filles, Jessica, 28 ans, et Nelly, 22 ans. Les sœurs ne jouent toutefois pas au tennis. Non, c’est le golf qu’elles ont choisi. Et elles se brouillent assez bien, merci, puisque Nelly et Jessica occupent respectivement les premier et deuxième rangs de la LPGA, à la mi-mars. Rien de moins !
Sebastian n’a certes pas atteint le même niveau que ses frangines, mais donnons-lui le temps. Le sang qui coule dans ses veines est gage de succès puisqu’il appartient à une des familles d’athlètes les plus impressionnantes du sport professionnel.
Terminons sur une bonne note
Photo: Peter Staples/ATP Tour 
Photo: AP Photo/Seth Wenig) 
Qu’y a-t-il dans notre sirop d’érable pour que nos joueuses et nos joueurs de tennis aient autant de talents… multiples ?
Et ici, je parle de la musique comme autre passion et maîtrise.
Nous savions que Félix Auger-Aliassime était un pianiste accompli. Depuis ses débuts au sein de l’ATP il a été l’objet de quelques reportages, dont celui-ci, en février 2020, à Rotterdam et devant nul autre que le chef d’orchestre de renommée internationale, Yannick Nézet-Séguin, montréalais tout comme lui.
Nous savions aussi que son ami de longue date, Denis Shapovalov, était un rapper surprenant, au point d’avoir sorti quelques pièces dont on peut constater la qualité sur sa chaîne YouTube.
Mais vous ignoriez peut-être que Carol Zhao avait aussi l’oreille musicale.
C’est par la chanson qu’elle s’exprime, « passant plusieurs nuits au piano, mettant des mots sur toutes sortes de choses qui n’étaient pas destinées à être déduites par… des mots », écrivait-elle récemment sur des médias sociaux, des propos rapportés par le site Web Baseline.
« Je suis fière de cette chanson et ça, je le dois aux professionnels de grand talent qui m’ont aidé à donner vie à ce projet au cours des six derniers mois. »
C’est le cas de le dire, nos athlètes ont plus d’une corde à leur arc…
Vous pouvez me joindre ici :
Courriel : privard@tenniscanada.com
Twitter : @paul6rivard
Pour suivre tous nos Canadiens à la trace, c’est ici.
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