La meilleure partie de l’édition 2020 de Roland-Garros a peut-être été les spectateurs dans les gradins. Après les toiles recouvrant les sièges des Internationaux des États-Unis, la simple présence d’amateurs dans les gradins du Court Philippe-Chatrier était le signe d’un retour à une certaine normalité.

Un premier exemple de ceci a été le duel de deuxième tour entre Pierre-Hugues Herbert et Alexander Zverev, le mercredi soir. Le Français s’est incliné en cinq manches contre Zverev, mais le soutien enthousiaste de ses partisans a créé une ambiance ressemblant à celles des dernières années.

Le fait que les spectateurs, aussi peu nombreux fussent-ils avec une limite quotidienne de 1000 clients payants dans un stade de 15 000 places, ont pu applaudir et encourager a été un atout majeur. Ils semblaient aussi avoir un faible pour la championne Iga Swiatek lors de la finale féminine et pour Rafael Nadal lors du match de championnat masculin — et ce, proportionnellement à la façon dont les choses se seraient probablement déroulées dans un stade plein.

Au cours de la quinzaine, les matchs ont offert beaucoup de suspense, mais Swiatek et Nadal ont réussi à naviguer en douceur pendant leurs sept duels. La Polonaise de 19 ans n’a perdu que 28 jeux en 14 manches, tandis que Nadal n’a laissé tomber que 21 jeux en 21 manches en route vers la conquête de sa 13e Coupe des Mousquetaires, y compris une victoire de 6-0, 6-2 et 7-5 aux dépens du numéro un mondial Novak Djokovic en finale. Cela se compare au triomphe de 6-4 et 6-1 de Swiatek face à Sofia Kenin, la veille.

Photo: Martin Sidorjak

Swiatek, qui occupait le 54e rang au début du tournoi, a quitté Paris au 17e échelon après son premier sacre en Grand Chelem. La jeune athlète de 9 pieds 5 pouces possède un remarquable jeu — elle réalise tous les coups avec brio, bouge très bien et a un formidable sang-froid.

Il est impossible de ne pas la comparer à Bianca Andreescu, qui a fait sa percée aux Internationaux des États-Unis de 2019. Andreescu était âgée de 19 ans et presque trois mois lorsqu’elle a conquis les grands honneurs à Flushing Meadows alors que Swiatek avait 19 ans et quatre mois lors de son triomphe de samedi sur le Court Philippe-Chatrier.

Photo: Roland Garros

Les amateurs de tennis de Toronto connaissent Swiatek, car elle a signé une belle prestation à la Coupe Rogers en 2019 ; après avoir franchi avec succès les tours de qualification, elle s’est illustrée dans une défaite de 7-6(4) et 6-4 au troisième tour face à la deuxième mondiale Naomi Osaka. Par la suite, elle a mentionné que ce match avait joué un rôle dans l’acquisition d’une certaine maturité et lui a permis de s’habituer à affronter les meilleures joueuses sur les plus grandes scènes.

Le directeur de la Coupe Rogers, Karl Hale, se souvient de la personnalité attrayante de la Polonaise, qui avait 18 ans à l’époque. Cela, ainsi que son style de jeu dynamique, devrait ajouter de l’intérêt envers le tennis féminin dans les années à venir.

Photo: Martin Sidorjak

C’est dommage que Kenin, et probablement aussi Djokovic, n’étaient pas au sommet de leur forme pour les finales. Kenin souffrait d’une blessure au haut de la jambe gauche et la façon erratique dont Djokovic a amorcé le match contre Nadal — quatre amortis au premier jeu — indiquait que quelque chose le rongeait après qu’il ait eu des problèmes au cou et au bras gauche lors des tours précédents, ainsi qu’une possible fatigue après sa demi-finale de cinq manches contre Stefanos Tsitsipas. Ses 52 fautes directes, comparativement à 14 pour Nadal, étaient inhabituelles pour un joueur de la trempe du Serbe. Toutefois, Djokovic, qui est l’un des perdants les plus gracieux du sport, a nié avoir eu des ennuis physiques lors de ses points de presse d’après-match.  

Photo: Martin Sidorjak

Même si Nadal compte un nombre incroyable de 13 couronnes à Paris, son total aurait pu être encore plus élevé. En 2004, il a subi une fracture de stress au pied gauche alors qu’il affrontait Richard Gasquet à Estoril, six semaines avant Roland-Garros. Cette blessure l’a obligé à faire l’impasse sur le tournoi cette année-là, bien qu’il y ait assisté brièvement alors qu’il était en béquilles. Il n’est pas impossible qu’il ait été assez bon pour gagner sans conteste à cette époque — et il le pensait assurément lui-même.  

Il a également perdu contre Robin Soderling en 2009 (une blessure au genou et un problème familial) et contre Djokovic en 2015 (à un faible niveau de confiance, sans aucun titre sur la terre battue avant Roland-Garros) ainsi qu’en 2016 lorsqu’il a dû se retirer au troisième tour en raison d’une blessure au poignet gauche. Penser que 17 titres étaient une possibilité est peut-être tiré par les cheveux, mais avec le recul, 15 trophées n’étaient peut-être pas au-delà du domaine du possible.

Son total semi-miraculeux de 13 couronnes place très probablement son exploit dans la catégorie « record impossible à battre ou à égaler », du moins pour les quatre ou cinq prochaines décennies.

Il y a eu un moment tendre dans la loge de Nadal durant la finale – ci-dessus, sa mère Ana Maria et sa sœur Maria Isabel se tenant la main.

Nadal a conquis ses titres de Roland-Garros par lots : quatre de suite de 2005 à 2008, cinq consécutifs de 2010 à 2014 et quatre d’affilée de 2017 à 2020.

Pour ce qui est des Canadiens à Roland-Garros, les résultats ont été comme ci, comme ça. Denis Shapovalov a atteint le deuxième tour, Félix Auger-Aliassime et Vasek Pospisil ont subi la défaite au premier tour, tandis que Leylah Annie Fernandez et Eugenie Bouchard accédaient au troisième tour.   

Une défaite de 7-5, 6-7(5), 6-3, 3-6 et 8-6 aux mains de Roberto Carballes Baena au deuxième tour a beaucoup déçu Shapovalov, neuvième tête de série du tournoi. C’est un duel qu’il aurait normalement dû gagner, surtout si l’on considère qu’il a servi deux fois pour le match à la manche ultime. Mais il doit reconnaître le mérite de l’Espagnol, 101e mondial, attribuer le résultat à son expérience sur la terre battue rouge et ne pas oublier qu’il a réalisé un parcours formidable à l’Omnium d’Italie avant de s’incliner 6-4, 5-7 et 7-6(4) face à Diego Schwartzman en demi-finale.

Auger-Aliassime, qui a perdu 7-5, 6-3 et 6-3 contre le Japonais Yoshihito Nishioka, a connu une période difficile : une victoire et trois défaites durant les tournois sur terre battue de Rome, Hambourg et Paris. Ce n’est toutefois pas surprenant pour un jeune joueur de 20 ans en cette année aberrante de la COVID-19.

Il ne faut pas se surprendre de la défaite de 6-3, 6-1 et 6-3 de Pospisil contre la septième tête de série Matteo Berrettini, car le Canadien n’avait participé à aucun tournoi sur l’argile avant de se présenter à la Porte d’Auteuil. Il est préférable qu’il se concentre sur son impressionnante huitième de finale à Flushing Meadows sur surface dure — la terre battue pouvant attendre jusqu’en mai prochain.

Un quatrième Canadien, Steven Diez, s’est qualifié pour son premier Grand Chelem avant de plier l’échine 4-6, 6-3, 6-3 et 6-4 devant le 236e mondial Mackenzie McDonald, des États-Unis.

Photo: Martin Sidorjak

Du côté féminin, Fernandez a poursuivi ma remarquable ascension, atteignant le troisième tour de Roland-Garros grâce à des victoires face à la Polonaise Magda Linette (36e) et à la Slovène Polona Hercog (47e). Elle menait 5-1 contre la septième tête de série Petra Kvitova 5-1 lors de la première manche de leur affrontement de troisième tour, mais la Tchèque est parvenue à combler l’écart pour l’emporter 7-5 et 6-3. Depuis le début de 2020, Fernandez, qui est âgée de 18 ans, est passée du 209e rang au 89e échelon. Comme il ne reste que deux tournois de la WTA cette année — Ostrava (République tchèque) et Linz (Autriche) —, il est peu probablement que son classement lui permette d’être inscrite d’office aux tableaux principaux des tournois réguliers du circuit, mais elle fera partie du tableau principal du tournoi ITF de Tyler, au Texas, à compter du 26 octobre.

Et une dernière chose : peut-être que maintenant que Fernandez fait partie du Top 100, la WTA peut publier une photo d’elle avec sa biographie dans son site Web.

À l’instar de Fernandez, Bouchard, 26 ans, a fait d’énormes progrès en 2020 — depuis le début de la reprise en août, à Prague, elle est passée du 330e au 140e rang mondial. À Paris, elle a indiqué la sortie à la Russe Anna Kalinskaya et à l’Australienne Daria Gavrilova avant de tomber aux mains de Swiatek en des comptes de 6-3 et 6-2. Bouchard a la particularité d’être la seule joueuse à Roland-Garros cette année à ne pas avoir perdu une manche 6-1 face à l’étoile polonaise.

Elle est inscrite au tournoi ITF de Macon, en Géorgie, la semaine prochaine — au tableau des qualifications pour le moment, mais elle pourrait obtenir sa place au tableau principal s’il y a quelques retraits.

UN POUT-POURRI DE ROLAND-GARROS

TSVETANA SE COUVRE

Tsvetana Pironkova, qui revient sur le circuit en tant que mère après un hiatus de trois ans, a été la surprise des quarts de finale des Internationaux des États-Unis et a atteint le troisième tour à Roland-Garros. Au cours de ce dernier tournoi, sous des températures beaucoup plus froides cette année, les joueuses ont revêtu divers vêtements pour rester au chaud. La Bulgare de 33 ans, mère d’un fils de deux ans, Alexander, s’est déclinée en bleu.

IL Y A LONGTEMPS, À ROLAND-GARROS

Un jour à Roland-Garros 1969 — tel que décrit par l’inimitable journaliste de tennis anglais Rex Bellamy.

« Jour 2 : et le match le plus attrayant du premier tour masculin, Santana contre Cliff Drysdale, s’est joué sous les projecteurs. Santana est revenu de l’arrière pour gagner aisément sous une forte pluie, Drysdale étant handicapé par une élongation musculaire. . . Stan Smith était mené par deux manches et 1-4 avant de vaincre Boro Jovanovic, un spécialiste de ces terrains. . . Roger Taylor a peiné pour saisir une raquette : sa main droite étant encore meurtrie et enflée après avoir heurté le périmètre de l’œil gauche de Bob Hewitt dans un vestiaire berlinois. »

Note : Bob Hewitt, un Australien qui a représenté l’Afrique du Sud, était un joueur combatif et explosif à son apogée dans les années 1960 et 1970. En 2015, il a été condamné pour agression sexuelle sur des mineures qu’il avait entraînées dans les années 1980 et 1990 en Afrique du Sud. À l’issue d’un procès, il a écopé de six ans de prison. Il s’est principalement illustré en double et a été expulsé du Temple de la renommée du tennis international en 2016.  

VIVE L’EQUIPE

Depuis des décennies, le quotidien sportif français L’Équipe possède la meilleure brochette de rédacteurs de tennis internationaux. Malheureusement, aujourd’hui, son nombre de spécialistes du tennis est passé d’une douzaine à trois ou quatre. Il était donc encourageant de voir une édition la semaine dernière qui mettait en vedette Roland-Garros, non seulement sur la couverture, mais aussi dans les dix premières pages du quotidien.

LES JEUNES AUX PREMIÈRES LOGES

La Tribune présidentielle à Roland-Garros est l’équivalent de la Loge royale de Wimbledon. Lors des derniers moments de la demi-finale entre Novak Djokovic et Stefanos Tsitsipas, les chasseurs de balles ont été autorisés à s’asseoir aux premières loges — une récompense bien méritée pour tous leurs efforts pendant la quinzaine du tournoi.    

LES PERSPECTIVES DU TENNIS

Alors que la WTA ne propose qu’une épreuve à Ostrava la semaine prochaine et une autre à Linz le mois prochain, et que l’ATP Tour présentera quelques tournois, notamment un 500 à Vienne à la fin du mois, le Masters 1000 de Paris au début de novembre et les Finales de l’ATP à Londres à la mi-novembre, tous les regards se tournent vers les Internationaux d’Australie, prévus du 18 au 31 janvier, à Melbourne.

Il semble bien que cette épreuve aura lieu, même si les joueurs devront être mis en quarantaine pendant deux semaines à leur arrivée. Le directeur du tournoi Craig Tiley a annoncé que les joueurs pourront s’entraîner pendant leur isolement.

Les joueurs devront donc se rendre en Australie à la mi-décembre pour se placer en quarantaine avant les deux semaines de tournois préparatoires aux Internationaux d’Australie. Si certains ne voudront pas s’absenter pour Noël, il semble plus probable que la plupart d’entre eux n’hésiteront pas à faire ce sacrifice en cette période de pandémie, surtout s’ils ont passé autant de temps à la maison cette année. L’attrait du soleil et des plaisirs de l’été aux antipodes devrait être plus que suffisant pour attirer de nombreux joueurs de l’hémisphère nord.

Il semble également que les tournois de la WTA et de l’ATP Tour d’Auckland aient été annulés, toute la période préparatoire aux Internationaux d’Australie pourrait se dérouler en Australie avec une série d’épreuves à Brisbane, Sydney, Adélaïde, Perth et peut-être même Melbourne.

L’Australie, bien que Melbourne soit en situation de confinement pour quelques semaines encore, a obtenu beaucoup de succès dans sa lutte contre la COVID-19. Ce pays, qui fait environ deux tiers de la taille du Canada, ne compte que 899 décès comparativement à plus de 9600 au Canada. Et l’État de Victoria, où se trouve Melbourne, a enregistré une moyenne d’environ 10 nouveaux cas par jour au cours des deux dernières semaines, tandis que l’Ontario a enregistré 649 nouveaux cas pour dimanche seulement. 

Il semble que les visiteurs étrangers, à l’exception des joueurs, de certains officiels et de certains médias, n’auront pas la chance d’assister aux Internationaux d’Australie de 2021. Il y aura sans doute des spectateurs sur place, mais probablement seulement des Australiens et des Néo-Zélandais.

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