Leylah fernandez forehand us open

À Montréal, d’où viennent Leylah Fernandez et Félix Auger-Aliassime, on l’appelle parfois le carré d’as, mais, quel que soit le terme utilisé pour désigner la demi-finale, peu de joueurs y participent. Fernandez et Auger-Aliassime auront l’honneur d’y prendre part au cours des prochains jours.

Mardi, Fernandez a prolongé son parcours de rêve aux Internationaux des États-Unis en signant un gain de 6-3, 3-6 et 7-6(5) aux dépens de la cinquième tête de série Elina Svitolina pour se tailler une place en demi-finale contre Aryna Sabalenka (2e). Par la suite, Auger-Aliassime s’est qualifié pour la demi-finale contre Daniil Medvedev (2e) en disposant de Carlos Alcaraz par 6-3, 3-1 (abandon) lors que prodige espagnol de 18 ans a rendu les armes en raison d’une blessure aux adducteurs.  

Cette fin décevante contrastait énormément avec le triomphe de Fernandez, qui n’aurait pu être plus serré alors que les joueuses étaient à égalité à une manche partout et à 5-5 du jeu décisif de la manche ultime. Les spectateurs du stade Arthur Ashe étaient en délire depuis plus de deux heures lorsque le passing en coup droit de Fernandez a heurté le haut du filet, glissant hors de portée de Svitolina pour créer une balle de match. Après que le retour du revers de Svitolina ait atterri à l’extérieur des limites du terrain, Fernandez est tombée à genoux, submergée par le soulagement et la joie.  

Photo: camerawork usa

Au lendemain de son 19e anniversaire de naissance, elle avait réussi à éliminer la championne en titre Naomi Osaka (3e) au troisième tour, la championne de 2016 Angelique Kerber (16e) en huitième de finale et Svitolina (5e) en quart de finale.

Fernandez, qui occupe le 73e rang mondial, mais qui est assurée d’intégrer le Top 40 peu importe l’issue de sa demi-finale de jeudi, a pris d’assaut la planète tennis grâce à son style de jeu énergique et à sa ruse. Elle mesure à peine 1,80 m, mais elle possède une puissance incroyable et les coups droits et les revers qu’elle frappe tôt dans le rebond passent très près au-dessus du filet. Et elle a un instinct surnaturel pour frapper des coups qui vont là où ses adversaires ne sont pas. Les experts vous diront qu’il est impossible d’enseigner ce sixième sens qui permet de savoir quand il faut prendre l’adversaire à contre-pied ou quand sortir des échanges neutres avec des coups gagnants qui marquent de gros points.

Elle possède un service sournois et, pour ajouter un peu de piment à sa recette du succès, elle est gauchère, ce qui est presque toujours un avantage sur un court de tennis.  

Svitolina, 26 ans, qui en était à son 35e tournoi du Grand Chelem (73-35) comparativement à sept pour Fernandez (9-6), était souvent figée sur place face à la puissance de la Canadienne. Fernandez a terminé le duel avec 42 coups gagnants contre 32 pour Svitolina. Elle a également excellé au filet, remportant 19 de ses 24 montées.

Photo: camerawork usa

Petite dynamo dotée d’une détermination et d’une concentration hors du commun, Fernandez a conquis les fidèles du stade Arthur Ashe grâce à son jeu spectaculaire.  

Il y a chez elle une intrépidité, une détermination et une concentration si intenses qu’on dirait qu’elle est en transe. « Après chaque point, que je l’aie gagné ou perdu, je me disais toujours de faire confiance à mon jeu, de laisser aller mes coups », confiait-elle.

Quand on lui a demandé si elle employait toujours les mêmes mots, elle a répondu : « J’analyse ce que je ressens. Je vois s’il y a une phrase qui m’accroche vraiment ou qui me motive plus que les autres et je l’utilise tout au long du match. »

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Le chef d’orchestre derrière son succès est son père Jorge, qui est à leur domicile à Boynton Beach, en Floride. « Aujourd’hui, il m’a dit de m’amuser, de me battre pour chaque balle, de me battre pour chaque point », a-t-elle mentionné après sa victoire contre Svitolina. « “Aujourd’hui, c’est ton premier quart de finale. N’en fais pas ton dernier. N’en fais pas ton dernier match ici.” »

Son défi de jeudi contre Sabalenka sera de contrer les coups explosifs d’une joueuse qui mesure 15 cm de plus et pèse environ 20 kg de plus qu’elle, mais qui a également la réputation de passer du chaud au froid. La Biélorusse de 24 ans a obtenu son meilleur résultat en tournois du Grand Chelem il y a deux mois, en participant au carré d’as de Wimbledon. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle pensait de son prochain affrontement contre Fernandez, elle a répondu : « Elle joue bien, elle se déplace bien et le public ici est derrière elle. Elle n’a rien à perdre. Ce sera un match intéressant. »

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Bianca, la sœur cadette de Fernandez, est arrivée à New York à temps pour le match de mardi, se joignant ainsi à sa mère Irene, à l’entraîneur physique Duglas Cordero et à d’autres amis dans les sièges situés près du terrain.

Lorsque la famille a déménagé en Floride il y a trois ans, les temps ont été durs — notamment lorsque Jorge a dû vendre sa voiture pour maintenir les finances à flot. Maintenant, aux 786 772 $ US de bourses officielles gagnées depuis le début de sa carrière, Leylah a ajouté 675 000 $ (ou 853 100 $ CAN) aux Internationaux des États-Unis. Elle pourrait faire grimper ce moment à 1 275 000 $ si elle atteint la finale.

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Auger-Aliassime, qui a mentionné qu’il n’avait rien perçu d’anormal chez Alcaraz, bien que l’Espagnol ait demandé un bref arrêt médical après le troisième jeu de la deuxième manche, n’a pas trop travaillé au cours du duel de 68 minutes. Il a ravi le service d’Alcaraz pour mener 3-1 à la manche initiale, et a ensuite pris les choses en main, même si le 55e mondial a eu le dessus dans quelques échanges divertissants qu’il a terminés par des volées du coup droit au filet. Il avait disputé des matchs de cinq manches à ses deux sorties précédentes (y compris une victoire tumultueuse contre le troisième mondial Stefanos Tsitsipas au troisième tour) et tout le monde s’accordait à dire qu’ils avaient hypothéqué sa condition physique.  

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Après avoir atteint les quarts de finale de Wimbledon en juillet (perdant aux mains du futur finaliste Matteo Berrettini), Auger-Aliassime participe à son dixième tournoi du Grand Chelem. Vendredi, il croisera le fer avec Medvedev, finaliste des Internationaux des États-Unis de 2019.

Ils ne se sont affrontés qu’une seule fois — à l’édition 2018 de la Coupe Rogers de Toronto (ci-dessus). Le Russe, qui occupait le 68e échelon à l’époque, avait eu raison du Canadien par 3-6, 6-4 et 7-6(7). Auger-Aliassime, qui était alors âgé de 18 ans, avait éliminé Lucas Pouille (18e) au premier tour, suscitant des espoirs pour sa rencontre avec Medvedev. Le duel s’est avéré être l’un de ces matchs de connaisseurs, avec une poignée d’irréductibles amateurs qui sont restés jusqu’à minuit dans l’espoir de voir Auger-Aliassime accéder au troisième tour.

Il menait 4-1 au jeu décisif de la manche ultime, puis 5-4, mais n’est jamais parvenu à se forger une balle de match. Les deux joueurs ont lutté désespérément pendant deux heures et 35 minutes, et Medvedev, épuisé, s’est effondré sur le court après la victoire. Inconsolable, Auger-Aliassime avait déclaré aux médias qu’il était « triste et frustré ».

« Toronto, en 2018, c’était déjà un super match à l’époque », s’est souvenu Auger-Aliassime mardi à propos de son duel contre Medvedev. « J’ai eu mes chances. C’était une défaite serrée.

« Nous étions tous les deux des joueurs très différents. Il faisait partie du Top 50 ou du Top 60 à l’époque. Je n’étais même pas dans le Top 100. La situation était donc très différente. »

Les deux ont une résidence à Monte-Carlo, ce qui explique qu’Auger-Aliassime a mentionné : « Je me suis entraîné souvent avec lui. »

En ce qui concerne la demi-finale, Auger-Aliassime a dit : « Il sera très confiant. Je dois aussi m’imposer et avoir confiance en moi ; bien servir, être solide dans tous les aspects de mon jeu.

« En même temps, je dois essayer de lui mettre de la pression. Je dois bien lacer mes chaussures, parce qu’il va falloir courir beaucoup. »

Photo: camerawork usa

Grâce à leurs victoires de mardi, Auger-Aliassime et Fernandez sont devenus la deuxième paire canadienne de l’histoire à atteindre le carré d’as d’un même tournoi du Grand Chelem, après Eugenie Bouchard et Milos Raonic à Wimbledon en 2014.

Les 720 points qu’Auger-Aliassime récolte pour cette demi-finale lui permettront de se hisser au 11e rang mondial — son meilleur classement à vie —, ce qui fera de lui le numéro un canadien devant Denis Shapovalov qui glissera du 10e au 12e rang.

Une victoire en demi-finale, qui sera disputée à 15 h ou à 19 h vendredi, placerait Auger-Aliassime dans le Top 10 — il remplacerait Roger Federer au 9e rang.

PHOTO D’ARCHIVES

Photo: Mauricio Paiz

Une journée ensoleillée aux Internationaux des États-Unis de 2018.

Photo de l’article : camerawork usa

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