Photo: Martin Sidorjak

Quel endroit pour faire sensation – Court central, Wimbledon, le 2 juillet 2021 !

Sur l’une des pelouses les plus célèbres du monde du sport, et alors qu’il y jouait pour la première fois, Denis Shapovalov a tout simplement été sensationnel en dominant Andy Murray 6-4, 6-2 et 6-2 pour accéder aux huitièmes de finale.  

Murray, 34 ans, n’était pas le joueur qui avait remporté le titre sur ce même terrain en 2013 et à nouveau en 2016, et Shapovalov était en mission pour s’assurer qu’il n’ait pas la possibilité de faire reculer les aiguilles du temps.

Lors du premier point du match, Murray a glissé et est tombé, regardant impuissant Shapovalov remporter le point grâce à un amorti. Après une autre chute au jeu suivant, le 118e mondial a changé ses chaussures en espérant obtenir une meilleure adhérence. Mais aujourd’hui, rien n’allait l’aider contre un adversaire qui était dans sa zone.  

En vérité, il y a eu un moment où Murray a eu la possibilité de renverser la vapeur et d’imposer son jeu. Alors qu’il menait 5-1 dans la manche initiale, Shapovalov a connu son seul passage à vide du match. Visiblement nerveux, il a perdu deux jeux consécutifs à zéro pour laisser Murray remonter la pente jusqu’à 4-5. Au dixième jeu, Murray a eu trois occasions de niveler la marque à 5-5, mais Shapovalov lui a barré la route. Il a été un peu chanceux à la première lorsque la balle a touché le haut du filet. Cela a semblé gêner Murray et il a raté un coup droit. À la deuxième, Murray a sorti un lob, puis à la troisième, il a frappé un superbe revers en croisé au ras du filet. Mais Shapovalov, en pleine extension sur sa gauche, a réalisé une magnifique volée amortie gagnante du coup droit, si bonne que même Murray n’a pu faire autrement que de l’applaudir.

Photo: Martin Sidorjak

À partir de ce moment-là, tout roulait dans l’huile pour Shapovalov, qui avait tout simplement trop de poids dans ses balles, un trop bon service et trop de fougue. Au troisième acte, après que le toit ait été fermé en raison de l’obscurité, il était presque temps d’invoquer la règle portant sur la clémence. Shapovalov s’est forgé une avance insurmontable de 4-0 alors que Murray peinait à gagner des points et qu’il n’arrivait plus à être combatif.

En plus de remporter 14 de ses 14 premières balles de service dans cette manche, Shapovalov a terminé le match avec 6 bris en 11 occasions, 45 coups gagnants et 24 fautes directes.

Grosso modo, le joueur de 22 ans de Richmond Hill, en Ontario, a montré au monde ce que de nombreux observateurs du tennis savent depuis plusieurs années : quand tout fonctionne, Denis Shapovalov possède un style de jeu qui peut rendre la vie difficile à n’importe quel joueur du circuit.

Il serait injuste de minimiser la capacité de Murray — qui revient au jeu après une opération à la hanche — de jouer à son meilleur niveau après avoir disputé si peu de tournois et de matchs ces derniers mois et ces dernières années. Mais la capacité de Shapovalov à gérer son vénérable adversaire et l’occasion était un signe de maturité croissante.  

« J’ai l’impression de ne lui avoir presque rien donné », commentait-il à propos de sa performance contre Murray. « Je l’ai fait travailler fort et j’ai vraiment dicté le jeu lorsque j’avais des occasions. Je pense que j’ai vraiment été impeccable aujourd’hui. »

« J’ai vu tellement de légendes jouer ici. Cela a toujours été un de mes objectifs. Jouer sur ce terrain, affronter un joueur comme Andy, qui est une légende, et le battre de la façon dont je l’ai fait, c’est vraiment fantastique. »

Passionné de Wimbledon, Shapovalov a ajouté : « Wimbledon est le tournoi dont on entend constamment parler et celui auquel on rêve de participer un jour et de jouer sur le Court central. Pour moi, c’était le tournoi le plus spécial. J’ai grandi en étant un très grand partisan de Roger, qui a gagné tant de fois ici. C’était vraiment extraordinaire d’être sur le court sur lequel tant de moments historiques ont eu lieu. »

Photo: Martin Sidorjak

Quant à Murray, il a dit qu’il avait survécu à Wimbledon sans se blesser et a révélé qu’il ne s’était pas entraîné jeudi, ce qui est inhabituel pour lui, mais on peut le comprendre après ses deux longs matchs de quatre et cinq manches lundi et mercredi.

« Si mon équipe et moi ne pouvons pas trouver un moyen de me garder sur le court pendant des périodes suffisamment longues pour que je puisse m’entraîner comme il se doit afin de rivaliser avec ces gars-là, je vais commencer à me poser des questions sur mon avenir », a admis franchement Murray en conférence de presse. « J’ai investi beaucoup d’efforts pour en arriver là, mais je ne suis pas en mesure de m’entraîner et de me préparer comme je le devrais pour être à la hauteur de mes attentes dans le cadre de ces tournois, même si je ne m’attendais pas à battre Denis Shapovalov. C’est un joueur brillant. Mais je sens que je peux faire beaucoup mieux que ce que j’ai fait ce soir. »

Lundi, Shapovalov affrontera le dixième mondial Roberto Bautista Agut, huitième tête de série. Contrairement à de nombreux Espagnols, le joueur de 33 ans originaire de Castellon de la Plana est à l’aise sur le gazon. Il y a deux ans, il avait pris part au carré d’as de Wimbledon. Il possède d’ailleurs sa meilleure fiche en Grands Chelems — 18 victoires et 6 défaites — au All-England Club. Il s’agira d’un premier duel entre les deux protagonistes.  

« Je n’ai jamais joué contre Roberto », mentionnait Shapovalov. « C’est un adversaire coriace. Il ne donne pas de points gratuits. Je vais vraiment devoir me battre pour chaque point et je m’attends à une longue bataille. »

Photo: Martin Sidorjak

Samedi, l’autre Canadien encore en lice, la 16e tête d’affiche Félix Auger-Aliassime, croisera le fer avec le toujours imprévisible, mais super talentueux, Nick Kyrgios, sur le Court 1 doté d’un toit rétractable, par une journée où l’on prévoit de la pluie.  

Il y a des avantages et des inconvénients à ce que ce match soit disputé sous le toit — et la plupart semblent favoriser l’Australien de 26 ans.

  1. Il est le meilleur serveur et l’absence de soleil ou de vent favorise généralement le meilleur serveur.
  2. Il a déjà joué sur le Court 1 lors de sa victoire contre Ugo Humbert, mardi et mercredi.
  3. Le public, qui est généralement de son côté, sera plus bruyant sous le toit.
  4. Si le match se déroulait à l’extérieur, sans toit, et qu’il y avait des interruptions dues à la pluie, Auger-Aliassime, qui est plus jeune et plus souple, aurait plus de facilité à gérer la situation.   

Les facteurs favorisant Auger-Aliassime si le match se déroule sous le toit

  1. Des conditions plus lentes, le terrain retenant plus d’humidité.
  2. Il est plus en forme que Kyrgios — surtout que l’Australien a passé près de deux heures vendredi à disputer un match de double mixte avec Venus Williams — et est moins vulnérable aux blessures ou à la fatigue.

Auger-Aliassime a certes battu Kyrgios sur le gazon du Queen’s Club il y a deux ans, mais ce joueur-là ne ressemblait en rien à celui qui s’est présenté à Wimbledon plein d’enthousiasme et de bonne humeur cette année.

Mais il ne faut pas croire qu’il s’agit d’un mauvais garçon du tennis complètement réformé. Comme le rapporte le compte Twitter de Tennis Podcast vendredi, voici ce que Kyrgios a dit à l’arbitre de chaise lorsqu’il s’est fait briser son service en double mixte : « De quoi parlez-vous, bo***l ? C’est la même chose, bo***l ! C’est la même p***in de chose ! »

S’il y a un preux chevalier sur le Court 1 samedi, ce ne sera assurément pas le personnage tempétueux et grossier du pays des kangourous.

PHOTO D’ARCHIVES

On peut voir la flèche de l’église St. Mary’s à l’arrière-plan de nombreuses photos de Wimbledon. Le grand joueur australien Lew Hoad s’est marié dans cette église en juin 1955, un an avant qu’il ne remporte son premier titre de simple au All-England Club.

Tags