Le fait que les deux meilleurs joueurs de tennis — Novak Djokovic et Rafael Nadal, 13 fois champion à Paris — se trouvent dans la même moitié du tableau, anéantissant les espoirs d’un duel épique entre les deux en finale, est une grande déception pour les amateurs de tennis et les organisateurs de Roland-Garros.

Qu’il s’agisse du hasard ou du fait que Daniil Medvedev (2e) soit passé devant Nadal (3e) parce qu’il possède 163 points de plus au classement – 9 793 comparativement à 9 630 —, mais l’affrontement potentiel entre Djokovic et Nadal, qui serait leur neuvième à Roland-Garros, est destiné à survenir au carré d’as et non en finale.

L’ordre dans lequel les jetons numérotés ont été tires ou dans lequel les noms générés par l’ordinateur sont apparus dans le tableau est un facteur important pour le déroulement de l’édition 2021.

Il y a quelques ouvertures dans le tableau — et j’en reparlerai plus tard —, mais si c’est décevant pour Nadal et Djokovic, c’est plutôt positif pour les Canadiennes et les Canadiens. Ils ne sont pas trop à plaindre.

Bianca Andreescu, 6e tête de série chez les femmes, entre en scène après s’être retirée de son quart de finale à Strasbourg en raison d’une douleur abdominale, surtout par mesure de précaution avant le deuxième Grand Chelem de l’année. Andreescu amorcera son parcours contre Tamara Zidansek, 85e mondiale. Les Canadiens se souviendront peut-être que la Slovène de 23 ans avait éliminé Eugenie Bouchard au premier tour de Wimbledon en 2019. En avril, Zidansek était finaliste sur la terre battue de Bogota et possède une fiche de 10-4 sur cette surface en 2021, mais cela comprend quatre résultats lors de tours de qualification.

Au deuxième tour, Andreescu pourrait se mesurer à l’Américaine Madison Brengle, 83e mondiale, ou une qualifiée.

Si on regarde un peu plus loin, la joueuse de 20 ans de Mississauga, en Ontario, pourrait trouver sur son chemin la Russe Veronika Kudermetova (29e) ou l’Américaine de 19 ans Amanda Anisimova au troisième tour, puis Joanna Konta (19e) ou Belinda Bencic (10e) en huitième de finale. Même son adversaire potentielle en quart de finale, Naomi Osaka (2e), n’est pas la plus redoutable sur la terre battue ; elle ne compte qu’un gain en trois matchs à Madrid et à Rome et a ouvertement admis qu’elle avait de la difficulté à adapter son jeu à cette surface.

Le tableau relativement favorable pour Andreescu — c’est l’une de ces ouvertures mentionnées précédemment — dépendra de sa forme physique. Dans le passé, et même cette année, elle a prouvé qu’elle n’avait pas besoin de beaucoup de préparation pour atteindre une altitude de croisière confortable.

À son deuxième Roland-Garros après avoir été couronnée chez les juniors en 2019, Leylah Fernandez croisera le fer avec Anastasia Potapova, 78e mondiale. La jeune Russe de 20 ans n’a pas réussi à se qualifier à Madrid et à Rome, mais a signé un gain contre sa compatriote Anastasia Pavlyuchenkova, 39e au classement, à Charleston le mois dernier.

À leur seul affrontement précédent, Fernandez a eu raison de Potapova en deux manches de 6-3 et 7-5 à Acapulco, l’an dernier.

La Montréalaise de 19 ans, qui possède le meilleur classement de sa carrière (69e) et qui prendra part à un tableau principal du Grand Chelem pour la cinquième fois, pourrait ensuite être opposée à la 23e tête de série Madison Keys ou à la 115e mondiale Océane Dodin. À plus long terme, Victoria Azarenka (15e) et Aryna Sabalenka (3e) sont des rivales potentielles.

À l’instar d’Andreescu et de Fernandez, Milos Raonic (17e) et Félix Auger-Aliassime (20e) ne doivent pas être trop intimidés par leur adversaire du premier tour.

Raonic n’a pas disputé de match sur la terre battue depuis plus de trois ans — pas depuis sa défaite au troisième tour contre Denis Shapovalov à Madrid, en 2018 — et il est inscrit au tournoi ATP 250 de Stuttgart la deuxième semaine de Roland-Garros. On se demandait donc s’il allait participer à son septième Roland-Garros (fiche de 14-6).

En lever de rideau, Raonic, 18e mondial, affrontera le gaucher Thiago Monteiro, 79e. Il s’agira d’un premier duel entre le Canadien de 30 ans et le Brésilien qui célèbrera son 27e anniversaire de naissance lundi.

S’il réussit ce premier test, Raonic se retrouvera en terrain connu face à deux Américains, soit Frances Tiafoe, 73e, ou Steve Johnson, 86e. Son plus grand obstacle pourrait prendre la forme de Pablo Carreno Busta (12e) au troisième tour. Lors des huitièmes de finale de l’édition 2017 de Roland-Garros, Raonic a disputé ce qui devait être l’un de ses meilleurs matchs sur l’argile dans une défaite de 4-6, 7-6(2), 6-7(6), 6-4 et 8-6 face à l’Espagnol de 29 ans.

Auger-Aliassime participe au Grand Chelem parisien pour la deuxième fois de sa carrière — il a raté le tournoi de 2019 en raison d’une blessure à l’abdomen subie à Lyon juste avant Roland-Garros, puis il s’est incliné 7-5, 6-3 et 6-3 au premier tour l’an dernier face à Yoshihito Nishioka.

Son premier adversaire cette année sera le vétéran Andreas Seppi. L’Italien de 37 ans en sera à sa 16e présence à la porte d’Auteuil (11-15). Il a disputé deux tournois Challenger sur ciment en Italie, en mars, avant de perdre cette semaine au tour initial de Parme contre l’Américain Sebastian Korda. Ce sera le premier affrontement entre Seppi et Auger-Aliassime, le Montréalais espérant ensuite croiser le fer avec le Sud-Coréen Soonwoo Kwon, 90e, ou le Sud-Africain Kevin Anderson, 97e.

Auger-Aliassime arrive à Paris avec une modeste fiche de 4-5 sur la terre battue ce printemps. Au troisième tour, il pourrait se mesurer à l’Italien Matteo Berrettini (9e), un de ses meilleurs amis sur le circuit.

Photo: @RolandGarros

Avant de faire un rapide tour d’horizon de l’ensemble du tournoi, n’est-il pas un peu prématuré d’ériger à Roland-Garros une statue à l’effigie de Nadal, 13 fois champion, avant qu’il ne prenne sa retraite ? Mais les Français font exceptionnellement bien les statues, les stades, l’architecture, la nourriture, la mode, etc. — il est donc difficile de se demander s’il est juste que Rafa soit si tôt figé dans le temps.

En fait, Nadal a peut-être le tableau le plus difficile de tous les prétendants au titre — et il est incontestablement le grand favori —, car il pourrait faire face aux Italiens Lorenzo Sonego et Jannik Sinner dès le troisième et le quatrième tour. Viendrait ensuite le Russe Aslan Karatsev (24e) ou Andrey Rublev (7e) avant une demi-finale très attendue contre Djokovic (1er). Au premier tour, Nadal affrontera l’Australien Alexei Popyrin, 62e.

Roger Federer, qui évolue à la porte d’Auteuil pour la 19e fois (champion en 2009), amorce la quinzaine contre un qualifié, puis, au deuxième tour, ce serait Marin Cilic ou le Français Arthur Rinderknech. Cela pourrait être un peu moins difficile que prévu pour le célèbre Suisse, qui a déclaré qu’il n’avait aucune chance de remporter le titre et qu’il se concentrait principalement sur la saison sur gazon qui débute le 14 juin à Halle, en Allemagne. Taylor Fritz (30e) étant la seule tête de série qui pourrait l’empêcher d’atteindre les huitièmes de finale, Federer, qui n’a disputé que deux matchs de tournois (Doha, en février) depuis le 1er février 2020, pourrait passer plus de temps que prévu dans la Ville lumière.

L’ouverture la plus évidente dans le tableau se trouve dans le quart inférieur, où Medvedev y est la deuxième tête d’affiche. Ayant exprimé son dégoût pour la terre battue, et apparemment son désintérêt à adapter son jeu à cette surface, il rencontre le Kazakh (mais en réalité le Russe) Alexander Bublik au premier tour, et semble destiné à ne pas aller plus loin que le troisième tour. Cela ouvre donc la voie à Stefanos Tsitsipas (5e), champion à Monte-Carlo et finaliste à Barcelone, pour accéder au carré d’as et un duel potentiel avec Alexander Zverev (6e) ou Dominic Thiem (4e), qui connaît une baisse de régime au pire moment. Mais les choses pourraient changer pour l’Autrichien de 27 ans qui a conquis les grands honneurs des Internationaux des États-Unis en 2020 et qui était finaliste de Roland-Garros en 2018 et 2019.

La joueuse la plus fascinante chez les femmes, et peut-être même dans tout le tournoi, est la championne en titre Iga Swiatek. La Polonaise de 19 ans a été invincible en octobre dernier à Paris, ne perdant pas une manche ou plus de quatre jeux par manche avant de mettre la main sur le trophée. Certains pensent qu’elle pourrait ressembler à la surprenante championne de 2017, Jelena Ostapenko, qui s’est inclinée au premier tour les deux années suivant son triomphe avant de finalement gagner deux tours en 2020. La Lettone occupe maintenant le 44e rang mondial.  

L’année qui a suivi sa remarquable victoire à Paris, Ostapenko avait une fiche de 3-3 après les tournois préparatoires de Stuttgart, Madrid et Rome, tandis que cette année, la fiche de Swiatek est de 8-1, sa seule défaite est survenue contre la numéro un mondiale Barty, à Madrid. Sa totale domination (6-0 et 6-0) sur Karolina Pliskova, 9e, lors de la finale de Rome, indique un retour à la forme qui l’a rendue si intouchable il y a un an.  

Swiatek commence son parcours par la Slovène Kaja Juvan, 101e, et alors que des joueuses comme Muguruza, Kenin, Mertens, Pegula et Sakkari pourraient menacer sa progression vers une éventuelle demi-finale contre la favorite Barty, la puissante Polonaise a quelque chose en elle qui suggère qu’elle survivra d’une manière ou d’une autre.

Barty, championne à sa dernière présence à Paris en 2019, est incontestablement une sérieuse prétendante au titre, mais d’autres joueuses comme Serena Williams (7e), Petra Kvitova (11e), Victoria Azarenka (15e) et Osaka (2e) n’ont pas fait grand-chose pour nous laisser croire qu’elles pourraient être des menaces cette année.

Une joueuse qui a attiré l’attention est Coco Gauff. Elle a été impressionnante, surtout lors de la première manche de sa défaite de 7-6(3) et 6-3 contre Swiatek au carré d’as à Rome, avant de remporter le deuxième titre de sa carrière à Perme, la semaine dernière. La jeune Américaine de 17 ans semble avoir résolu certaines lacunes de son jeu et semble être une compétitrice beaucoup plus mature.

Il ne reste plus que deux éléments à prendre en compte : le puissant tennis de Sabalenka (3e) et le talent d’Andreescu. Si l’une ou l’autre parvient à s’imposer, la Coupe Suzanne Lenglen pourrait bien se retrouver au Belarus ou au Canada.

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