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L’édition 2020 des Internationaux des États-Unis ne ressemblera à aucune autre – et à aucun autre Grand Chelem de l’histoire du tennis.

Dans le passé, il y a eu de nombreux incidents invraisemblables à l’épreuve américaine, y compris l’écrasement d’un avion de photographie de la Marine (tuant deux personnes) en 1920 après du club hôte, le West Side Tennis Club de Queens, un spectateurs criant « arrêtez le match et appelez la police » lorsque quelqu’un a été touché par une balle perdue lors d’un match sur le court principal en 1094 et une quasi-émeute en 1979 lorsque John McEnroe et le Roumain Ilie Nastase ont eu une rencontre tellement tumultueuse que les amateurs en colère ont inondé le terrain de canettes de bière et de gobelets en papier lorsque Nastase a été disqualifié – pour ensuite être réintégré pour apaiser la foule.

Plus récemment, il y a eu trois controverses impliquant Serena Williams – en 2004, lorsque de nombreux mauvais appels de ligne ont été faits contre elle dans une défaite en quart de finale contre Jennifer Capriati, en 2009 lorsqu’une faute de pied a mis fin à sa demi-finale face à Kim Clijsters et en 2018 lorsqu’une série de disputes amères avec l’arbitre Carlos Ramos a conduit à un résultat controversé lorsqu’elle a plié l’échine en finale face à Naomi Osaka.

De plus, la finale masculine du dimanche a été reportée au lundi cinq fois de suite entre 2008 et 2012 à cause de la pluie. Le toit, installé en 2016, allait régler ce problème.

C’est une incroyable succession d’événements exceptionnels, mais un nouveau que personne n’aurait imaginé est l’atmosphère sinistre qui règne dans les gradins en l’absence d’amateurs pour un tournoi d’une telle envergure.

La pandémie de COVID-19 a tout changé, y compris pour les joueurs et les joueuses qui s’affronteront cette semaine aux Internationaux des États-Unis, premier tournoi du Grand Chelem à être disputé depuis les Internationaux d’Australie il y a huit mois – et le premier sans spectateurs. Après avoir établi un record d’assistance de 737 872 personnes en 2019, cette marque passera à zéro cette année!

La semaine dernière, il y a eu un essai avec la tenue de l’Open Western & Southern de Cincinnati au Billie Jean King National Tennis Center, à New York, permettant aux joueurs de se faire une idée de ce qui les attendait à compter de lundi.

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L’absence d’amateurs dans les gradins paraîtra étrange pour les téléspectateurs, mais ce sont les joueurs qui seront les plus touchés.

« Je me promenais sur le site et je me suis dit “Wow, c’est vraiment triste” », confiait Andy Murray pendant l’Open Western & Southern. « Parce qu’habituellement, cet endroit est rempli d’énergie et d’atmosphère avant le début du tournoi. Maintenant, on ne voit que des joueurs de tennis et leur équipe qui se promènent avec des couvre-visages. C’est très différent et un peu triste. »

« Ce sont les amateurs qui donnent vie au tournoi. Ils donnent vie à nos matchs et à nos entraînements. Oui, cela peut parfois être un peu mouvementé aussi. Dans l’ensemble, je préférerais de loin que cet endroit soit rempli de gens qui sont excités d’être ici et de regarder des matchs. Oui, cela me manque. »

Murray, qui est âgé de 33 ans, a été couronné champion des Internationaux des États-Unis en 2012. Clijsters est une triple championne (2005, 2009, 2010) à Flushing Meadows. « Je suis sûre que cela aura un certain effet », a déclaré la Belge de 37 ans à propos de ce qui sera une atmosphère stérile cette année. « Dans le passé, on a vu de nombreux moments où la foule et son énergie ont fait changer le momentum. Cela pourrait encore se produire maintenant. Ce sera intéressant à voir. Certains joueurs se nourrissent vraiment de ce genre de moments. »

Clijsters, qui est mère de trois enfants, effectue son deuxième retour (2009) à la compétition et affrontera au premier tour la Russe Ekaterina Alexandrova, 21e tête de série, qui était en grande forme avant la pandémie. À 16 ans, Coco Gauff disputera son quatrième Grand Chelem et participera aux Internationaux des États-Unis pour la deuxième fois. « J’ai disputé plus de matchs sans spectateurs qu’avec », mentionnait l’Américaine qui occupe le 51e rang mondial. « Pour être honnête, cela me ramènera au moment où j’ai commencé à jouer sur le circuit – il n’y avait pas beaucoup de monde pour regarder mes matchs. Je vais quand même tout donner sur le terrain. »

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Novak Djokovic est le grand favori de l’épreuve masculine. Il partira à la conquête de son 18e titre de Grands Chelems et tentera de prolonger sa séquence victorieuse de 23 matchs à la suite d’un triomphe de 1-6, 6-3 et 6-4 aux dépens de Milos Raonic, samedi, en finale de l’Open Western & Southern sur le Court Louis-Armstrong (photo du haut). C’est la première fois depuis les Internationaux des États-Unis de 1999, que ni Roger Federer ni Rafael Nadal ne figurent sur la liste des participants d’une épreuve du Grand Chelem.

Cela ouvre des portes pour le reste du peloton, car il n’y a pas vraiment de deuxième grand favori même si Dominic Thiem est la deuxième tête de série et qu’il a perdu en cinq manches contre Djokovic en finale des Internationaux d’Australie en février dernier.

Les quatre Canadiens en présence ont une chance de se rendre loin, même si l’un d’entre eux – Raonic ou Vasek Pospisil – sera éliminé dès le troisième tour, car ils pourraient croiser le fer au deuxième tour.

Raonic, qui a raté les Internationaux des États-Unis l’an dernier en raison d’une blessure au muscle fessier, a été impressionnant la semaine dernière et est passé du 30e au 18e rang mondial grâce à sa participation à la finale. Établi 25e tête d’affiche à Flushing Meadows, Raonic, qui peut s’appuyer sur son puissant service, ses coups droits et revers améliorés et sa mobilité accrue, pourrait faire des ravages après son premier tour contre l’Argentin Leonardo Mayer, 118e mondial. Après son éventuel deuxième tour contre Pospisil, les principaux défis de Raonic pourraient venir de la huitième tête de série Roberto Bautista Agut au troisième tour et de Thiem en quart de finale.

Pospisil, qui occupe le 92e échelon, n’a pas joué depuis sa défaite de février en quart de finale du tournoi de Marseille contre la sixième mondial Stefanos Tsitsipas, puis, moins d’une semaine après (et ressentant le décalage horaire ?), au Challenger Banque Nationale de Calgary contre le Polonais Kacper Zuk, 361e. En lever de rideau, il se mesurera à Philipp Kohlschreiber. L’Allemand de 36 ans, qui occupe le 74e rang mondial, participe aux Internationaux des États-Unis pour la 18e fois. Leur seul duel précédent a été remporté par Pospisil – 6-4 et 6-2 à Rotterdam en 2015.

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Seul Canadien en action lundi (deuxième match après 11 h sur le Court Louis-Armstrong), Denis Shapovalov, 17e, est encore le joueur numéro un du Canada. Durant la pandémie, Shapovalov s’est entraîné aux Bahamas avec Raonic, Diego Schwartzman et Peter Polansky.

Son premier adversaire sera l’Américain Sebastian Korda, 225e mondial. Fils du champion 1998 des Internationaux d’Australie Petr Korda, de la République tchèque, et de l’ancienne joueuse de la WTA Regina Rajchrtova, Sebastian a obtenu un laissez-passer et prendra part à son premier tableau principal d’un tournoi du Grand Chelem.

Il y a un an, Shapovalov avait subi une défaite crève-cœur de cinq manches aux mains de Gaël Monfils au troisième tour. La 12e tête d’affiche, qui en est à sa 12e présence dans un Grand Chelem, jouit d’un bon tableau jusqu’à un affrontement potentiel avec David Goffin, 7e tête de série, en huitième de finale, puis avec le favori Djokovic en quart de finale.

Les deux plus jeunes Canadiens – Félix Auger-Aliassime et Leylah Annie Fernandez – pourraient avoir de fascinants duels de deuxième tour. Ils doivent évidemment franchir le premier tour respectif.

À ses deux participations précédentes aux Internationaux des États-Unis (2018 et 2019), Auger-Aliassime a plié l’échine face à Shapovalov dès le premier tour, tandis que son premier rival cette année, le Brésilien Thiago Monteiro, 82e, est encore à la recherche d’un premier gain au tableau principal de Flushing Meadows après s’être incliné en lever de rideau en 2017 et en 2019.

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Au deuxième tour, la 15e tête d’affiche pourrait croiser le fer avec Andy Murray ou le Japonais Yoshihito Nishioka. Auger-Aliassime, qui a célébré son 20e anniversaire de naissance au début du mois, n’a affronté qu’un seul représentant du Big 4 (Federer-Nadal-Djokovic-Murray), perdant 6-3 et 6-3 aux mains de Nadal sur la terre battue de Madrid l’an dernier.  

Au deuxième tour, Fernandez pourrait avoir un duel fort intéressant contre Sofia Kenin, la seule championne d’un Grand Chelem (Internationaux d’Australie) de 2020. En vertu de son 4e rang mondial, l’Américaine est la deuxième tête de série derrière la favorite Karolina Pliskova en l’absence d’Ashleigh Barty (1re et de Simona Halep (2e).

Fernandez présente une fiche de 15 victoires et 6 défaites depuis le début de l’année. Elle a participé au tableau principal d’une épreuve du Grand Chelem pour la première fois après s’être qualifiée pour les Internationaux d’Australie en janvier dernier.

Avant de s’élancer dans l’arène avec Kenin, Fernandez devra se départir de Vera Zvonareva. Classée 178 e, la Russe de 35 ans est désormais une mère et loin est l’époque – en 2010 – où elle a atteint les finales de Wimbledon et des Internationaux des États-Unis en plus de se hisser au deuxième échelon du classement féminin.

Ce sera un choc des générations fascinant et si Fernandez parvient à tirer son épingle du jeu, elle franchira la barre du Top 100 – elle est actuellement 104 e. Et cela surviendrait avant son 18e anniversaire de naissance du 6 septembre.

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Malgré tout le bruit autour du fait qu’il manque 6 joueuses du Top 10 au tableau féminin – Barty, Halep, Svitolina, Andreescu, Bertens et Bencic –, il faut noter qu’il n’y a pas une seule absente chez les 20 joueuses se situant entre la 9e et la 28e place. Toutefois, un problème d’ischiojambier, qui a forcé la 10e mondiale Osaka à déclarer forfait pour la finale de l’Open Western & Southern face à Victoria Azarenka, fait planer un doute sur sa participation au premier contre sa compatriote japonaise Misaki Doi, lundi soir.

On a évalué que l’USTA perdrait plus de 250 millions de dollars si les Internationaux des États-Unis n’avaient pas lieu en 2020. En organisant le tournoi sans spectateurs – et en grande partie grâce aux droits de télévision d’ESPN et d’autres diffuseurs – ce manque à gagner pourrait être réduit d’environ 100 millions.  

N’OUBLIONS PAS

Il y a un an, Bianca Andreescu, 19 ans, est devenue la première Canadienne à remporter un titre de simple du Grand Chelem en battant Serena Williams 6-3 et 7-5 en finale des Internationaux des États-Unis.

Depuis ce jour, elle n’a disputé que cinq matchs complets, et aucun depuis le 30 octobre dernier. Grâce à un système de classement ajusté pour la COVID-19 qui permet aux joueuses de conserver leurs points de 2019, Andreescu devrait rester autour de la sixième place après les Internationaux des États-Unis. Si elle peut revenir au jeu pour les prochains tournois sur terre battue de Rome, Strasbourg et Roland-Garros, elle aura la possibilité de progresser, car elle n’a pris part qu’à un seul match (à Roland-Garros) au cours de la saison sur terre battue de 2019.

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