Fernandez and Raducanu hug after final us open

Photo: camerawork usa

Les statisticiens du tennis ont été mis à rude épreuve et les moteurs de recherche ont chauffé pendant toute la dernière semaine. 

Ultimement, deux adolescentes ont ajouté quelques lignes aux livres de records de ce sport. L’une vient de s’y hisser tout en haut. 

Leylah Annie Fernandez, du Canada, et Emma Raducanu, de Grande-Bretagne, auront fait passer cette édition 2021 du US Open à l’histoire. Car jamais, tant chez les hommes que chez les dames, deux athlètes ne figurant pas dans les favorites d’un tournoi du Grand Chelem, ne s’étaient rendu(e)s en finale.  

J-A-M-A-I-S ! 

Et, en l’emportant 6-4 et 6-3, Raducanu est devenu la première joueuse issue des qualifications à remporter un tournoi majeur. Imaginez, elle était déjà la première qualifiée de l’histoire à se rendre en demi-finale, puis en finale. Alors mettre la main sur le trophée… 

Photo : US Open

Et, bien sûr, il y a la manière. Incluant ses trois rencontres de qualifications, elle a disputé 10 matchs à Flushing Meadows, sans perdre le moindre set. Avec le score moyen (irréel) de 6-2 pour l’ensemble de ces manches. 

Quant à la finaliste, notre compatriote Leylah, impossible d’oublier ce parcours épique l’ayant mené au seuil du titre, alors qu’elle a liquidé quatre vedettes de la WTA…dont trois membres du Top 5… dont deux multiples lauréates de Grand Chelem. 

Leylah était-elle vidée, mentalement, après avoir vécu tant d’émotions et avoir reçu autant d’amour de New York comme du reste de la planète tennis ? Peut-être.  

Mais à Londres, on rappellera qu’une joueuse de deux mois sa cadette a démontré une solidité de caractère, tout en recevant la même attention que l’autre, pour continuer une poussée amorcée au début de juin et lui ayant fait gravir pas moins de 343 échelons au classement. Oui, de 366e à 23e.  

Quand même!  

Non, ne soyons pas chauvins et reconnaissons le mérite de la gagnante au parcours parfait.

Emma Raducanu of the UK smiles and lifts her hands to her head
Photo : US Open

Tout comme le mérite de notre jeune compatriote qui nous aura diverti et nous aura inspiré pendant cette quinzaine. Qui eut cru, il y a deux ans, après le triomphe (tout aussi inspirant) de Bianca Andreescu, que nous n’aurions que 24 mois à attendre pour voir un autre produit de Tennis Canada grimper l’Olympe du tennis et cogner à la porte du trône? 

Aujourd’hui, Leylah Annie Fernandez est 28e mondiale (en hausse de 45 échelons). Et, ce qui n’est pas banal, plus riche de 1 250 000$, soit un demi-million de plus que les gains totaux de sa jeune carrière. 

On a déjà hâte à la suite. 

En terminant, comment ne pas souligner la stupéfiante maturité de cette jeune femme de 19 ans. On pense ici à son discours et à la portion où elle a eu l’initiative de mentionner l’importance de cette journée du 11 septembre, pour tous les américains et newyorkais, présents dans les gradins où devant leur téléviseur. 

Un moment qui en a ému plus d’un… 

« Phénix » Auger-Aliassime 

Phénix : Oiseau fabuleux, qui vivait plusieurs siècles, se brûlait lui-même sur un bûcher et renaissait de ses cendres. – Larousse 

Tel cet oiseau mythique, on dirait que le prodige québécois du tennis a connu plusieurs disparitions et plusieurs résurrections en 2021. Plusieurs saisons en une seul, quoi.  

Il a volé haut dans le firmament de l’ATP, avant de disparaître pendant une courte période… pour revenir, plus flamboyant (!) que jamais.

Auger-Aliassime roars at the US Open in celebration
Photo: camerawork usa

Nous aimerions penser que les creux de vagues seront disparus pour cette année, ou la suivante, mais ce serait mettre des lunettes roses. Car la courbe d’apprentissage du surdoué québécois n’est probablement pas terminée.  

Tout de même, quelles émotions il aura fait vivre à tous ses compatriotes canadiens, amateurs de tennis ou pas, au cours de la dernière quinzaine ! 

Sa bourse de 675 000$ s’ajoutera aux 1 192 434 $ gagnés en 2021, lui permettant de passer le cap des 5 000 000$ en carrière. Mais surtout, il est maintenant le joueur canadien le mieux classé de l’ATP, au 11e échelon, un rang devant son compatriote Denis Shapovalov. 

C’est, bien entendu, une saison marquée par le succès. Aucun doute là-dessus. Mais elle s’est quand même déroulée en dents de scie. 

Le titre de ce segment (Phénix) m’a été inspiré par un lecteur de Mont-Tremblant, Gilles Ayotte, qui a partagé ses impressions par courriel. Je le remercie pour cette trouvaille amusante. 

Mais le titre aurait aussi pu être : « Félix dans les Montagnes Russes ». 

Voici pourquoi. 

Table with Félix's stats

Donc : .666 / .400 / .769 / .250 / .800.  

Pour une moyenne de .635 en 2021 (33-19). Mais surtout : une moyenne de .750 en Grand Chelem (12-4). 

Il lui reste encore plusieurs matchs à disputer en 2021. Restera-t-il en haut de la pente ou connaîtra-t-il une autre descente dans la vallée ? 

J’ai souvent écrit qu’il fallait être patient en soulignant la précocité de l’athlète, rappelant que même s’il avait l’air d’un vétéran qui arpente les courts de la planète depuis des années, il venait tout juste d’entrer dans la vingtaine. 

Je ne suis pas le seul. Le 10 septembre, Alexandre Pratt y allait de quelques rappels, dans le quotidien montréalais La Presse. 

« C’est d’ailleurs à 20-21 ans que les meilleurs joueurs commencent à connaître du succès dans les principaux tournois. Novak Djokovic a remporté son premier titre dans un tournoi du Grand Chelem à 20 ans. Roger Federer et Andy Roddick, à 21 ans. D’autres ont attendu bien plus longtemps. 

Andy Murray ? À 25 ans. 

Dominic Thiem ? À 27 ans. 

Stan Wawrinka ? À 28 ans. 

(…) 

Ainsi, parmi la nouvelle génération, plusieurs vedettes sont toujours en quête de leur premier trophée dans un tournoi du Grand Chelem. C’est le cas notamment pour Alexander Zverev (4e au monde), Stéfanos Tsitsipás (3e). Quant à Daniil Medvedev (2e), il vient tout juste d’en remporter un. À 25 ans. 

Au fait, saviez-vous où se trouvait Medvedev au classement mondial au même âge qu’Auger-Aliassime (21 ans et un mois) ? Au 60e rang. Il n’avait alors jamais gagné de tournoi de l’ATP. Comme Félix.  

Depuis ? Il en a remporté 12. » 

Méditons là-dessus… 

L’esprit sportif de Félix 

Félix Auger-Aliassime holds his sportsmanship award at the US Open
Photo : US Open

Ce n’est pas le trophée qu’il espérait mais c’est tout de même un autre honneur qui s’ajoute à un bilan déjà impressionnant pour un jeune athlète de 21 ans. 

Quelques heures après s’être incliné en demi-finale des Internationaux des États-Unis, Félix Auger-Aliassime recevait le « US Open Sportsperson Award 2021 », honneur remis également à l’Australienne Ashleigh Barty, du côté féminin. 

Ce prix, décerné chaque année depuis 2011, récompense les athlètes ayant démontré un esprit sportif remarquable durant le tournoi.  

Ashleigh Barty, éliminée au troisième tour cette année, avait également reçu cette distinction, en 2018, tout comme, avant elle, les Kei Nishikori, Naomi Osaka, Roger Federer, Juan Martin del Potro et Angelique Kerber, pour ne nommer que ceux-là. 

Le comité, chargé d’évaluer les candidatures, est formé de représentant de l’Association de Tennis des États-Unis (USTA), de journalistes et d’ex-participant(e)s de cette compétition tels Todd Martin, Mary Joe Fernandez et Chanda Rubin.  

Rêve brisé pour Gaby et Luisa 

« On gagne en équipe et on perd en équipe! » 

C’est un cliché du sport, peu importe si les équipes sont composées de 40 joueurs ou de …deux. 

Et au tennis, en double, si l’une des coéquipières ne peut continuer, l’autre doit se résigner. C’est terminé. 

C’est ce qu’a vécu Gabriela Dabrowski, le 10 septembre, lorsque sa partenaire, la Brésilienne Luisa Stefani, s’est écroulée subitement en fin de première manche, lors de la demi-finale du double féminin des Internationaux des États-Unis. 

Dans le bris d’égalité, alors que le tandem canadien avait pris les devants 2-0 aux dépens de la paire américaine formée de Coco Gauff et Caty McNally, Stefani se trouvait au filet et elle a fait un brusque changement de direction que son genou droit n’a pu supporter et elle s’est immédiatement écroulée. Compétition et réflexes obligent, Dabrowski continuait l’échange contre les deux rivales pendant que Luisa était au sol, immobilisée par la douleur.  

Quelques secondes surréalistes… 

Dabrowski and Stafani on court, Stefani on the ground holding her knee
Image : TSN

On ne se relève pas d’une blessure semblable pour ensuite terminer un match. Tout en prenant soin de sa partenaire, qui se prêtait à l’évaluation initiale de sa condition, on pouvait imaginer toutes les pensées qui traversaient l’esprit de Gabriela Dabrowski, alors que son rêve d’un premier titre en double féminin s’envolait. 

Dabrowski and Stefani on the ground with a doctor trating Stefani
Image : TSN

Nous avons comme réflexe de nous apitoyer sur le sort de notre compatriote, la troisième représentante de l’unifolié à atteindre le carré d’as de ce tournoi majeur, une première.  

Mais, en mettant le tout en perspective, il faut reconnaître que Gabriela a déjà connu la griserie d’une conquête en Grand Chelem avec deux titres en double mixte. (France, 2017 et Australie, 2018). Ce qui n’est pas le cas pour sa coéquipière Luisa qui vivait le plus grand moment de sa carrière. 

Stefani venait de remporter le bronze aux Jeux Olympiques de Tokyo et connaissait beaucoup de succès depuis qu’elle faisait équipe avec Dabrowski. Qui plus est, elle était devenue la première Brésilienne à se rendre aussi loin dans un tournoi majeur, en 53 ans, depuis que sa compatriote Maria Esther Bueno avait remporté ce titre, à N.Y., en 1968 aux côtés de nulle autre que …Margaret Court. 

Stefani being pushed off court on a wheelchair by US Open staff
Image : TSN

Dans un message en portugais et diffusé sur Twitter, Luisa a fait le point sur sa blessure et tenait à rassurer ses supporters. « C’était une longue et difficile journée, disait-elle en commençant son message d’environ une minute. « Les examens ont confirmé une déchirure des ligaments du genou. Je ne connais pas les prochaines étapes, mais je suis entre bonnes mains et je parle aux médecins. Il est maintenant temps de se concentrer sur la récupération. Je tiens à vous remercier infiniment pour votre soutien, votre affection et votre sollicitude. Tout se passera bien. » 

La photo de l’année 

Le site Tennis Majors a bien vu.  

Dans ce message sur Twitter, ce média français a identifié comme photo de l’année ce moment capturé vers la fin de la finale masculine des Internationaux des États-Unis. 

Même si c’est rare, on avait déjà vu Novak Djokovic pleurer. Mais EN PLEIN MATCH ? Je ne crois pas. 

Et ce moment inédit est survenu lors d’un changement de côté, alors que Daniil Medvedev menait 6-4, 6-4 et 5-4. Pourtant, le Serbe était en train d’amorcer une de ces irrésistibles remontées qui lui ont fait bouffer tant d’adversaires au cours de sa formidable carrière. 

Tirant de l’arrière 1-5 dans le troisième set, Djokovic avait remporté son service, puis brisé Medvedev en sauvant au passage une balle de match. Après avoir à nouveau remporté son service, la foule lui a servi une ovation qui l’a d’abord fait sourire… puis éclaté en larmes alors qu’il tentait de se dissimuler dans sa serviette. 

Dans son discours d’après-match, Novak Djokovic expliquait que le support du public l’avait touché. Droit au cœur.  

Mais il y a plus. Celui qui tentait de devenir le premier joueur en 52 ans à réaliser le Grand Chelem calendaire avait subi une gigantesque pression à l’approche de dernier sprint. En tournoi majeur, il caracolait sur une séquence de 27 victoires de suite.Depuis son triomphe à Wimbledon, on ne parlait que de ça.  

Sa défaite aux Jeux de Tokyo venait de faire disparaître un objectif plus gros encore, le Grand Chelem Doré. Et voilà qu’en accédant (difficilement) à la finale, l’étau s’est resserré plus que jamais. Au point d’en devenir insoutenable, probablement. 

Une dizaine de minutes avant cette séquence d’anthologie, il semblait sur le pilote automatique, attendant la fin, déjà prêt à prendre l’avion pour quitter N.Y.  

Et là, cette ultime remontée et l’amour du public, c’était trop. 

Et Novak pleurait… 

Courriel : privard@tenniscanada.com 

Twitter : @paul6rivard 

Pour suivre tous nos Canadiens à la trace, c’est ici.  

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