Maria Sharapova holds a microphone and smiles.

Photo : Max Gao

par Max Gao

Maria Sharapova a pris sa retraite du tennis il y a trois ans et demi, et la quintuple championne de tournois du Grand Chelem a récemment renoué avec d’anciens confrères lors de son passage à Toronto.   

 « J’étais au même hôtel que certains joueurs et j’en ai croisé dans l’ascenseur. Je ne m’attendais pas à en voir autant, c’était donc agréable de retrouver cette ambiance. » 

Alors que les vedettes de l’ATP participaient à l’édition 2023 de l’Omnium Banque Nationale présenté par Rogers, Sharapova, finaliste du volet féminin en 2009, était de retour à Toronto pour prendre part à la conférence annuelle HORS PAIR sur l’équité des genres dans le sport.  

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« C’est une excellente façon de rencontrer des gens, d’interagir avec eux, d’entendre des points de vue différents, et je suis vraiment honorée d’être ici, a-t-elle mentionné aux participants de la conférence le 9 août dernier. Je sais que Billie Jean King était la conférencière principale l’an dernier. Ce sera difficile d’égaler cela ! » 

Lors d’une conversation avec Jennifer Bishop, associée d’Aird & Berlis LLP et membre du conseil d’administration de Tennis Canada, Sharapova a parlé de la lutte pour l’égalité des genres au tennis, de sa transition vers une nouvelle vie à l’extérieur du terrain et de la façon dont elle a réussi à tirer parti de ses succès sur le court pour devenir l’une des athlètes féminines les mieux payées de tous les temps.  

Un autre genre d’arène 

Sharapova s’est fait connaître en 2004 lorsque, à l’âge de 17 ans, elle a battu la favorite Serena Williams pour mettre la main sur son premier grand titre à Wimbledon. Ce triomphe ne l’a pas seulement propulsée au rang de vedette mondiale du jour au lendemain, mais a également fait d’elle l’une des athlètes les plus commercialisables de sa génération, ce qui lui a permis de conclure des contrats très lucratifs avec des marques comme Nike, Porsche, Evian, Tag Heuer, Cole Haan, Tiffany & Co. et Canon au cours de sa carrière.   

Selon Forbes, elle a été l’athlète féminine la mieux payée pendant onze années consécutives et a été l’une des premières joueuses de tennis à gagner la majorité de ses revenus en dehors du court.  

« Lorsque j’ai connu du succès à un jeune âge, j’ai été réellement surprise par l’intérêt que suscitaient tous les aspects de ma vie, a confié Sharapova. J’ai dû me défendre à plusieurs reprises. Être plus qu’une joueuse de tennis n’était pas très populaire — de s’intéresser à la mode, d’avoir sa propre collection de vêtements. Tu es dans un carré de sable et tu n’as pas le droit de jouer avec quoi que ce soit d’autre. D’une certaine manière, je crois que j’ai voulu changer cela. Je voulais utiliser mon cerveau d’autres façons. J’ai réalisé que le tennis était un vecteur pour de nombreuses possibilités d’affaires. Je ne cherchais pas à être fantastique dans ce domaine, mais j’étais curieuse et je voulais apprendre. » 

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Pour Sharapova, l’équilibre entre le côté compétitif et le côté affaires du tennis n’a jamais été une question de 50-50. « Tu dois accepter le fait que tu ne seras pas toujours là pour les autres si tu as une carrière qui t’amène à voyager pendant 10 ou 11 mois par année. Mais avant tout, je savais que la seule chose dans laquelle j’excellais était le tennis. Alors, dès mon réveil, c’est la chose sur laquelle je me concentrais. Et quand cela était terminé — un ou deux entraînements — je pouvais me concentrer sur d’autres choses. » 

Cela ne signifie pas que Sharapova n’a pas tout donné sur le court de tennis. Grâce à sa force de caractère, à son talent et à sa motivation, elle s’est imposée comme une redoutable adversaire, et ce, malgré des blessures récurrentes qui l’ont amenée à rendre sa retraite en février 2020.   

« Vers la fin de ma carrière, j’ai vraiment essayé de me débarrasser des blessures. Je croyais vraiment pouvoir réparer mes ligaments et mes tendons à l’épaule si je travaillais très fort, a admis Sharapova avec un brin d’autodérision. Mais parfois, il faut laisser cet entêtement de côté pour que de plus belles choses s’ouvrent à vous. » 

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Depuis qu’elle a raccroché sa raquette, Sharapova a relevé de nouveaux défis. Elle a annoncé de nouveaux partenariats, a multiplié les conférences et a donné naissance à son premier enfant, Theodore, avec l’homme d’affaires britannique Alexander Gilkes. Quand on lui a demandé sur l’aspect le plus difficile de sa transition, elle a répondu sans hésiter : « Devenir mère. J’ai acquis un nouveau respect pour les mères, la maternité, l’accouchement et le fait de prendre soin de ce petit être. » 

La lutte pour l’équité des genres 

En 2006, Venus Williams a joué un rôle important dans la lutte pour l’égalité des bourses dans les quatre tournois du Grand Chelem. « Quand j’étais plus jeune, je n’avais pas vraiment d’opinion arrêtée sur ce sujet, a admis Sharapova. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi c’était un enjeu, car tout ce que je voulais, c’était être la meilleure version de moi-même. »  

Lorsque l’on aborde la question de l’égalité des bourses au tennis professionnel, c’est généralement à l’occasion des grands tournois — les épreuves du Grand Chelem, les tournois de catégories 1000 de l’ATP et de la WTA. « Oui, les bourses sont égales dans 15 à 20 pour cent des tournois du circuit. Mais qu’en est-il du reste ? C’est loin d’être égal, a expliqué Sharapova. Malheureusement, ces tournois ne bénéficient pas des droits de diffusion les plus importants, ils n’ont pas la visibilité nécessaire, ce qui fait que l’égalité des bourses n’est même pas abordée, car peu de gens sur la scène mondiale savent que ces tournois existent. » 

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Bien qu’il y ait eu un changement incroyable au cours des cinq dernières années, Sharapova estime que l’évolution de la conversation sur l’investissement dans le sport féminin en général « a été axée sur les ligues et les équipes, les droits de diffusion et les commandites, et pas nécessairement sur les athlètes féminines » qui tentent d’établir leur propre marque quand elles ne sont pas sur le terrain. 

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« Quand on se concentre sur la personne, on s’intéresse davantage à ce qu’elle dit sur les changements sociaux, sur la santé mentale, et moins sur ce qu’elle fait en tant qu’athlète. Quand on regarde l’ensemble des compétences de ces joueuses, leurs qualités athlétiques, leur compétitivité, tout cela est tellement spécial, et je ne pense pas qu’on le voie et qu’on l’entende suffisamment. » 

Sharapova a admis que le retour sur investissement « prend beaucoup, beaucoup de temps », et que le succès qu’une personne a connu dans un domaine n’est pas garant du succès qu’elle pourrait connaître dans d’autres domaines de sa vie.  

« Je me suis entraînée pendant près de 12 ans sur divers courts publics et privés avant d’enfin arriver sur le court central de Wimbledon. Alors que j’entame un nouveau chapitre de ma vie, beaucoup de gens me disent que je vais réussir, que je serai encore meilleure en affaires qu’un tennis. Et je leur réponds que je n’en suis pas si sûre parce que cela m’a pris dix ans à développer mes habiletés, ma technique, mon mental, pour me sentir prête à rivaliser avec ces formidables athlètes. Il faut donc du temps pour développer un ensemble de compétences. Il faut du temps pour vivre ses émotions, pour relever des défis, pour apprendre de ses échecs et se sentir enfin adulte. » 

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En juin, Tennis Canada a annoncé qu’à compter de 2027, l’Omnium Banque Nationale offrirait des bourses égales aux femmes et aux hommes. Avant que Sharapova ne monte sur scène lors de la conférence HORS PAIR, une courte vidéo – dans laquelle certains des meilleurs joueurs de l’ATP Tour déclarent leur soutien envers l’égalité des bourses — a été diffusée à l’intention des participants. « Mais comme nous le savons, les actions sont plus puissantes que les mots alors [les joueurs] doivent se pencher sur la question. » 

En fait, l’icône du tennis a lancé un appel à l’action à l’ensemble du public : « Si vous assistez à un sport — disons la séance de soirée des Internationaux des États-Unis — et que les femmes commencent à 19 h, et qu’il y a un match d’hommes ensuite, arrivez à 18 h 55 et soyez là pour le premier point. N’arrivez pas au milieu de leur match pour regarder les hommes. Arrivez pour les femmes. »  

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