Photo: Mauricio Paiz

Les planètes semblaient alignées en faveur de Milos Raonic après son brillant parcours vers la finale de l’Open Western & Southern la semaine dernière, mais Vasek Pospisil a anéanti les espoirs de son compatriote aux Internationaux des États-Unis grâce à du tennis sensationnel jeudi pour signer un gain de 6-7(1), 6-3, 7-6(4) et 6-3 au deuxième tour.

On ne s’attendait vraiment pas à cela de Pospisil. Il n’avait pas disputé d’épreuve préparatoire aux Internationaux des États-Unis et n’avait pas joué depuis le Challenger de Calgary en février dernier. Quant à Raonic, il avait déjà gagné cinq matchs, dont un contre le sixième mondial Stefanos Tsitsipas, avant de pousser le numéro un Novak Djokovic à trois manches de 1-6, 6-3 et 6-4 en finale de l’Open Western & Southern, samedi.

« Je pense qu’après ma victoire au premier tour [7-6(4), 7-5, 7-6(3)] contre (Philipp) Kohlschreiber, qui est un adversaire coriace, j’ai constaté à quel point je jouais bien et j’ai eu une sorte de déclic mental, style ‘OK, je joue aussi bien qu’avant la pause’ », commentait Pospisil.

Avant que le circuit ne se mette en hibernation à cause de la pandémie de COVID-19 à la mi-mars, Pospisil possédait une fiche de 8-5 et avait battu, en février, le 10e mondial David Goffin à Montpelier en route vers la finale, puis Tsitsipas à Marseille.

« C’est donc assurément une petite surprise, car je n’ai même pas joué de matchs d’entraînement jusqu’à il y a environ une semaine avant les Internationaux. Je n’ai pas participé à des tournois hors-concours ou quoi que ce soit du genre. De toute évidence, me lancer dans la compétition est un peu différent », confiait Pospisil à propos de sa performance sur le Court Louis-Armstrong.

Le duel était axé sur le service et il a semblé que Pospisil avait raté sa meilleure occasion de briser lorsqu’il a eu trois balles de bris à 0-40 sur le service de Raonic dès le premier jeu – ainsi qu’une quatrième –, mais n’a pas réussi à en convertir une seule.

Il y a eu certaines symétries dans le match. Pospisil a commis une double faute à 1-1 pour donner à Raonic l’avance don’t il avait besoin pour remporter la manche initiale, puis Raonic lui a rendu la pareille au jeu décisif du troisième acte en commettant une double faute à 1-2.

Au début de la quatrième manche, Pospisil s’est trouvé en déficit de 0-30 sur son service, mais s’est repris en gagnant un point grâce à une demi-volée magique, puis deux aces dans les trois derniers points pour se sortir d’embarras.

Les deux joueurs ont conservé leur service jusqu’à 4-3 en faveur de Pospisil. Puis Raonic a horriblement mal joué, commettant deux doubles fautes et frappant un coup droit dans le filet sur une balle de bris.

Lors du dernier jeu, Pospisil a produit son 19e ace du duel alors que Raonic ratait quelques coups droits faciles.

Cette victoire permettait à Pospisil de niveler à 2-2 sa fiche contre son compatriote chez les professionnels – on se souviendra de la victoire mémorable de Raonic en demi-finale de la Coupe Rogers de 2013 ainsi que de celle en finale de Washington en 2014 avant que Pospisil ne l’emporte à Anvers en 2018, avant son triomphe de jeudi.

Il y a peut-être eu un bon présage pour Pospisil en début d’affrontement lorsque l’ombre de l’imposant côté ouest du Court Louis-Armstrong a recouvert le terrain. Il a parfois été vulnérable à la chaleur et à l’humidité aux Internationaux des États-Unis, mais il n’a pas eu à ce soucier de cela jeudi.

Une différence évidente avec la façon dont Raonic avait joué un tennis en puissance si dominant la semaine dernière à l’Open Western & Southern était l’absence de longs échanges. Raonic s’était montré confiant et régulier, produisant des coups droits et des revers dévastateurs. Jeudi, toutefois, Pospisil a réussi à diriger la balle vers le revers de Raonic et à maintenir les échanges courts pour l’empêcher de trouver son rythme en fond de terrain.

« Mon plan de match était sensiblement le même que la dernière fois que je l’ai affronté (à Anvers) », mentionnait Pospisil. « Je voulais simplement réduire son temps de réaction. »

« C’est un de ces gars à qui on ne peut pas donner trop de temps. Sa balle est lourde. Il est grand et a des coups puissants. Alors si tu peux réduire son temps de réaction, c’est beaucoup mieux. »

Qu’ils en soient conscients ou non, les deux joueurs ont eu une longue rivalité chez les juniors.

« Cela ajoute un autre aspect émotionnel », admettait Raonic à propos de leur expérience en compétition, une relation qui a connu des moments difficiles. « Ce n’est pas forcément facile de jouer sans penser à cela, mais il faut s’y attendre. Il a des choses que je voulais faire, mais je n’ai jamais pu jouer librement et de manière fluide dans ce match. »

Il a ajouté : « C’est la même chose qu’il y a deux ans en Belgique. J’ai plus à perdre et peut-être que je me mets trop de pression et que je ne me laisse pas suffisamment aller sur le terrain. »

Voici comment Raonic a résumé le match de trois heures et 18 minutes : « Je pense que nous savions tous les deux que celui qui allait faire la première percée s’en tirerait bien. Il a été à la hauteur chaque fois qu’il en a eu besoin. »

Les statistiques de Pospisil étaient vraiment impressionnantes – il a remporté ses 17 premiers points joués au filet et a fini à 27/30, tandis que Raonic était 14/25. Il a également eu un avantage important au chapitre des points gagnés sur ses deuxièmes balles de service – 61 pour cent comparativement à 45 pour cent pour Raonic. Puis, en ce qui concerne les balles de bris, Pospisil en a réussi 2/10 alors que Raonic a raté ses cinq occasions.

« De mon côté, la clé du match a été que je servais extrêmement bien et que j’ai pu conserver mes services relativement aisément, ce qui a rendu le reste du match un peu plus facile », mentionnait Pospisil.

« Je suis resté calme durant tout le match. Je me suis bien adapté. J’ai perçu les schémas de jeu rapidement et j’ai apporté les bons correctifs. Je frappais très bien et je pense que j’avais le dessus dans les échanges, ce qui m’a aidé à relaxer. »

« J’ai bien exécuté, je suis monté au filet sur les balles courtes et j’ai mis de la pression. C’était un de ces jours où j’ai joué un match sans bavures. Ce qui n’est pas toujours le cas. »

À propos de son passé avec Raonic, Pospisil a mentionné : « Affronter un Canadien est toujours un peu compliqué. Surtout contre quelqu’un comme Milos que je connais depuis le début de ma carrière. Nous avons grandi ensemble. Nous étions les deux meilleurs de notre groupe d’âge au Canada. Nous avons le même âge, nous avons donc une longue histoire. »

Vendredi, au troisième tour, Pospisil croisera le fer avec le 11e mondial Roberto Bautista Agut. L’Espagnol de 32 ans a remporté leurs trois affrontements précédents (Marseille en 2015, ainsi que Shanghai et Monte-Carlo en 2014).

« Je vais devoir bien servir et raccourcir les échanges », expliquait Pospisil dans une entrevue à TSN. « C’est un gars qui peut te drainer, te faire déplacer d’un côté à l’autre du terrain. Il peut échanger toute la journée. Il a très bien joué la semaine dernière. Il a failli vaincre Novak. »

Un sujet de préoccupation pour le joueur de 30 ans, est la pause médicale qu’il a prise à 2-2 de la deuxième manche.

« Deux jours avant mon premier tour, je me suis étiré… je ne sais pas quoi, style mon muscle abdominal ou cette zone entre le dos et les abdominaux », confiait-il. « Cela me faisait vraiment mal au service pendant deux jours avant le premier tour. »

« J’ai réussi à gérer cela au premier tour – je ne le sentais pas. Je n’ai rien ressenti hier (mercredi) ni dans la première manche jusqu’à ce que je l’aggrave un peu. J’ai reçu un traitement, j’ai pris mes anti-inflammatoires et des Tylenol et la douleur a heureusement disparu. Je vais devoir surveiller ça, parce que c’est une zone sensible. »

Quant à Raonic, qui avait raté le tournoi de Cincinnati et les Internationaux des États-Unis l’an dernier à cause d’une blessure, il a résumé : « Si on m’avait dit que j’allais récolter 645 points (600 pour sa finale à l’Open Western & Southern et 45 pour son premier tour aux Internationaux des États-Unis), j’aurais trouvé que c’était une bonne nouvelle. Dans l’ensemble, il y a beaucoup de points positifs – la défaite d’aujourd’hui va évidemment m’embêter un peu. Il faut que je voie la situation dans son ensemble et que je me réjouisse des progrès que j’ai réalisés. »

Raonic prévoit maintenant aller en Europe pour disputer les tournois sur terre battue de Rome et de Roland-Garros – tant qu’il n’y a pas de complications avec les règlements de quarantaine.

Le duel de soirée entre Félix Auger-Aliassime et Andy Murray n’a pas produit autant d’éclat que celui de Raonic et de Pospisil. Le jeune Montréalais de 20 ans a eu raison du champion 2012 des Internationaux des États-Unis en trois manches de 6-2, 6-3 et 6-4 – en deux heures et sept minutes.

De toute évidence, il y a eu des spéculations sur la forme physique de Murray après sa victoire de 4-6, 4-6, 7-6(5), 7-6(4) et 6-4 en quatre heures et 37 minutes aux dépens du Japonais Yoshihito Nishioka, mardi. Murray avait alors disputé son premier 3 de 5 en 596 jours, soit depuis son duel contre Bautista Agut aux Internationaux d’Australie de 2019.

Auger-Aliassime, qui a produit 52 coups gagnants comparativement à 9 pour Murray, a dominé l’Écossais dès les premiers instants. Ses services étaient excellents – 24 aces et seulement deux doubles fautes. Murray n’a jamais été en position pour le menacer et n’a même pas réussi à se forger une seule balle de bris.

« Au cours des deux dernières semaines, j’ai joué un long match contre (Alexander) Zverev – gagné 6-3, 3-6 et 7-5 (en deux heures et 31 minutes à l’Open Western & Southern) – et je n’ai pas disputé un très bon match le lendemain (perdu 6-2 et 6-2 contre Raonic) », racontait Murray. « Physiquement, je ne me sentais pas trop mal en point, mais la même chose vient de se produire – j’ai joué un long match l’autre jour. Et aujourd’hui, ce n’était pas le niveau que j’aurais souhaité. »

Quant à l’approche d’Auger-Aliassime face à un Murray quelque peu épuisé, il a déclaré : « J’ai entendu beaucoup de choses de la part de mes proches, d’amis ou de joueurs de tennis, et ils m’ont dit que j’avais peut-être plus de chances parce qu’il avait joué un long match. Mais j’ai aussi disputé un long match (trois heures et 51 minutes contre le Brésilien Thiago Monteiro) mardi et c’était très physique. Je n’ai pas abordé le match en pensant qu’il allait moins bien jouer. Je me suis préparé à affronter le meilleur Andy Murray. J’étais donc prêt pour tout. J’ai essayé d’imposer mon jeu, de bien servir et de mettre de la pression afin de ne pas lui donner d’ouvertures ou d’occasions. »

La performance d’Auger-Aliassime a impressionné un ex-Montréalais devenu Britannique, Greg Rusedski. L’ancien numéro quatre mondial et finaliste des Internationaux des États-Unis de 1997 a mentionné en ondes que si Auger-Aliassime continuait de jouer comme il l’a fait contre Murray, il pourrait remporter le trophée à la fin de la quinzaine.

Au troisième tour, Auger-Aliassime se mesurera au Britannique Dan Evans (31e) ou au Français Corentin Moutet (77e). Ce match a été interrompu hier soir par la pluie et se terminera vendredi. Moutet mène 4-6, 6-3 et 6-5.

Quand on lui a demandé de commenter la victoire de Pospisil contre Raonic, Auger-Aliassime a répondu : « Pour commencer, quatre Canadiens au deuxième tour d’un Grand Chelem, c’est fantastique. C’est dommage qu’ils aient dû s’affronter au deuxième tour. Je sais que Milos a eu un magnifique parcours la semaine dernière. Il voulait évidemment se rendre plus loin dans ce tournoi, mais je suis heureux pour Vasek. Il ne l’a pas eu facile l’an dernier avec son dos. C’est un bon ami et chaque fois que je le vois bien jouer comme ça, c’est agréable et c’est bon pour le tennis canadien. Mais ce sont tous les deux mes amis et c’est dommage que l’un d’eux ait dû perdre. Mais honnêtement, Vasek m’a vraiment impressionné aujourd’hui – il a vraiment bien joué. »

Au début de la journée, sur le Court Arthur-Ashe, la deuxième tête de série Sofia Kenin a éliminé la Montréalaise Leylah Annie Fernandez en deux manches de 6-4 et 6-3.

Fernandez, 17 ans, a tenu tête à sa rivale et n’a pas mal paru face à la championne en titre des Internationaux d’Australie. Et les statistiques n’ont pas été trop inégales, le ratio coups gagnants/fautes directes de Kenin étant 19/17 comparativement à 18/26 pour Fernandez.

Fernandez, qui célèbrera son 18e anniversaire de naissance dimanche, devrait se hisser autour du 96e rang de la WTA – ce qui est fait la deuxième plus jeune joueuse du Top 100 derrière l’Américaine Coco Gauff (51e), 16 ans.

Compétitrice acharnée, Fernandez a été inutilement – appelez ça l’exubérance de la jeunesse – dure envers elle-même après le match, déclarant à quatre reprises qu’elle n’avait obtenu que deux sur dix pour sa prestation de jeudi. « Trop de fautes directes », a-t-elle insisté à propos de son duel d’une heure et 21 minutes. « Je voulais être plus offensive, mais j’ai commis trop d’erreurs. Ensuite, bien que je ne veuille rien lui enlever, je n’ai rien fait de bon aujourd’hui, même si le pointage était assez serré. Je sais que j’aurais pu faire autrement ou simplement remettre plus de balles en jeu et appliquer plus de pression, mais je ne l’ai pas fait. C’est pour cela que je me donne un deux sur dix. »

Cette semaine, elle a remporté son premier match au tableau principal d’une épreuve du Grand Chelem et a accompli quelque chose d’autre qui était important pour elle. « Au début de la saison, mon objectif était de faire mon entrée au Top 100 d’ici la fin de l’année. J’ai encore quelques tournois à disputer avant la fin de l’année, donc je suis heureuse d’avoir déjà atteint cet objectif. Maintenant, j’aimerais bien me hisser dans le Top 60 d’ici la fin de l’année. »

Fernandez prévoit maintenant de se rendre en Europe pour les tournois sur terre battue – Roland-Garros commence le 27 septembre. Cependant, elle n’est pas sûre des tournois préparatoires auxquels elle participera.

Les politiques d’auto-isolation et du concept de bulles aux Internationaux des États-Unis ont eu un effet positif pour elle. « J’ai pu faire mes devoirs sans être trop stressée ou dans une petite pièce avec une centaine de joueuses à côté de moi », confiait Fernandez à propos de ses études en ligne menant à un diplôme d’études secondaires.

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