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LONDON

Peter McNamara était un joueur de tennis australien qui a vaincu le spécialiste de terre battue Harold Solomon au deuxième tour de Roland-Garros, en 1982. Il avait signé un gain de 2-6, 3-6, 7-6, 6-1 et 6-3 aux dépens de l’Américain, effaçant une balle de match en cours de route. Par la suite, quand on lui a demandé comment il se sentait d’être passé si près de perdre, McNamara, qui est décédé samedi à l’âge de 64 ans, a répondu : « Il y a une grande différence entre une balle de match et une défaite ».

Roger Federer ne le sait que trop bien — sauf que pour lui, la différence était entre une balle de match et une victoire — après avoir raté deux balles de championnats à 8-7, 40-15 dans la cinquième manche avant de s’incliner 7-6(5), 1-6, 7-6(4), 4-6 et 13-12(3) face à Novak Djokovic en finale de Wimbledon.

Ce fut une défaite crève-cœur alors qu’il tentait de remporter son neuvième titre de Wimbledon et son 21e trophée de Grands Chelems. Sa conférence de presse d’après-match n’était probablement pas le moment idéal pour s’attendre à une analyse approfondie de ses balles de championnats — la première perdue sur une faute du coup droit et la deuxième sur un passing gagnant de Djokovic.

Photo by: Mauricio Paiz

La première question qui lui a été posée portait sur ce qui n’avait pas fonctionné lors de ses balles de match. Federer a haussé les épaules et a souri : « Un coup, j’imagine. Je ne sais donc pas lequel choisir — à vous de le faire. »

Entre deux champions comme Federer et Djokovic, la marge est mince entre la victoire et la défaite, et elle est encore plus mince lors d’une balle de match ou de championnat. Un coup audacieux ou un coup retenu et le match pourrait être terminé. Lors de la finale de cette année, à Wimbledon, après que Federer ait produit deux aces pour faire 40-15 (doubles balles de championnat) au 16e jeu de la manche ultime, Djokovic a frappé trois coups et n’en a pas raté un seul. Il a retourné le service de Federer sur les deux balles de championnat, la première assez bien pour forcer Federer à commettre une faute du coup droit. La deuxième était peut-être un peu courte, mais le coup suivant — ce passing gagnant — l’a mené à égalité. Puis, après deux balles envoyées dans le filet par Federer, la tempête était passée pour le Serbe de 32 ans.

À 12-12. Djokovic a pris les commandes du jeu décisif, profitant des cinq fautes de Federer.

Il est rare d’effacer des balles de match au cours de la quinzaine et de conquérir la couronne de Wimbledon. En fait, le dernier joueur à réaliser cet exploit est l’Australien Neale Fraser, en 1960. Cela s’est produit plus fréquemment dans les trois autres Grands Chelems — à six reprises depuis 2001 aux Internationaux d’Australie, à Roland-Garros et aux Internationaux des États-Unis.

Dans tous les matchs qu’il a disputés au cours de sa carrière, Federer a gagné 21 fois après avoir effacé une ou des balles de match, et a perdu 24 fois après avoir détenu une ou des balles de match. Ce rapport négatif aurait pu être différent si ce n’est de cette période huit mois en 2010 où il a perdu à quatre occasions après avoir eu une ou des balles de match – Marcos Baghdatis (3) à Indian Wells, Tomas Berdych (1) à Miami, Djokovic (2) à Flushing Meadows et Gaël Monfils (5) au tournoi en salle de Paris.

Dans les tournois du Grand Chelem, il a été vaincu six fois après avoir eu une ou des balles de match, comme vous pouvez le voir ci-dessous :
Internationaux d’Australie de 2002, 4e tour : 7-6(3), 4-6, 3-6, 6-4, 8-6 – Tommy Haas (1)

Internationaux d’Australie de 2005, demi-finale : 5-7, 6-4, 5-7, 7-6(6), 9-7 – Marat Safin (1)

Internationaux des États-Unis de 2010, demi-finale
: 5-7, 6-1, 5-7, 6-2, 7-5 – Novak Djokovic (2)

Internationaux des États-Unis de 2011, demi-finale
: 6-7(7), 4-6, 6-3, 6-2, 7-5 – Novak Djokovic (2)

Wimbledon 2018, quart de finale
: 2-6, 6-7(5), 7-5, 6-4, 13-11 – Kevin Anderson (1)

Wimbledon 2019, finale
: 7-6(5), 1-6, 7-6(4), 4-6, 13-12(3) – Novak Djokovic (2)

Les deux défaites les plus mémorables sont possiblement celle contre Safin, en Australie, lorsque Federer a frappé une volée du revers trop courte que le Russe est parvenu à retourner en lob que Federer a pourchassé. Mais sa tentative de coup entre les jambes (« tweener ») n’a pas fonctionné.

La deuxième a eu lieu à Flushing Meadows, en 2011, lorsque Djokovic a réalisé un retour de service gagnant en croisé sur la première balle de match et a ensuite intimé la foule à célébrer avec lui. Cela a irrité Federer au plus haut point, car il jugeait que c’était un coup chanceux.

Federer a triomphé trois fois en Grands Chelems après avoir effacé des balles de match :
Internationaux des États-Unis de 2000, 1er tour: 4-6, 4-6, 6-3, 7-5, 3-4 abandon – Peter Wessels (1)

Internationaux des États-Unis de 2014, quart de finale
: 4-6, 3-6, 6-4, 7-5, 6-2 – Gaël Monfils (2)

Wimbledon 2016, quart de finale
: 6-7(4), 4-6, 6-3, 7-6(9), 6-3 – Marin Cilic (3)

Federer était physiquement vulnérable lors de deux de ses défaites en tournois du Grand Chelem — en 2005, contre Safin, il avait un problème au pied et avait de la difficulté à marcher le lendemain et contre Anderson, l’an dernier à Wimbledon, il avait une blessure à la main qui a persisté pendant quelques mois.

Federer n’est pas le seul parmi les grands athlètes à connaître l’échec aussi bien que le succès. Le golfeur Jack Nicklaus est largement considéré comme le plus grand de l’histoire de son sport, principalement en raison de ses 18 titres majeurs. Mais on ne se souvient pas toujours que l’Américain a aussi terminé 19 fois au deuxième rang des grands rendez-vous.

Il y a neuf jours, les fidèles de Federer ont eu le cœur brisé par la défaite de leur homme aux mains de Djokovic, car les enjeux étaient élevés. Peut-être surtout à cause de la possibilité d’un 21e titre de Grands Chelems 24 jours avant son 38e anniversaire de naissance. Il était lui-même dévasté et cela s’est manifesté dans sa réponse à la dernière question de sa conférence de presse lorsqu’on lui a demandé de comparer sa finale de 2008 contre Rafael Nadal à celle de cette année face à Djokovic. « Fin épique, si proche, tant de moments », a répondu Federer. « Je veux dire, bien sûr qu’il y a des similitudes. Mais il faut creuser pour les trouver. J’ai perdu les deux fois. C’est donc la seule similitude que je trouve. »

Les inconditionnels du Maître Suisse ne devraient pas trop désespérer, car il a lui-même dit à propos de la déception qu’il a éprouvée : « Un peu comme en 2008, j’imagine. Je vais prendre du recul et me dire “ce n’est pas si mal, après tout ». Pour l’instant, ça fait mal, comme toutes les défaites à Wimbledon. Je pense que c’est un état d’esprit. Je suis capable de passer à autre chose parce que je ne veux pas être déprimé à cause d’un match formidable. »

À travers les âges, les sports sont remplis de ce qui semble impossible — comme le gardien des Canadiens de Montréal, Patrick Roy, qui a gagné dix matchs de séries éliminatoires d’affilée en prolongation avant que son équipe ne remporte la coupe Stanley en 1993.
Au tennis, l’équivalent serait sans doute le charismatique Italien Adriano Panatta, qui, en 1976, a conquis les grands honneurs de l’Open d’Italie après avoir effacé 11 balles de match au premier tour contre l’Australien Kim Warwick (3-6, 6-4, 7-6) avant d’éliminer coup sur coup Solomon, John Newcombe et Guillermo Vilas.

Par la suite, Panatta (ci-dessus, à gauche, avec Peter McNamara) a pris part à Roland-Garros et a encore essuyé une balle de match au premier tour, prenant la mesure du Tchèque Pavel Hutka en des comptes de 2-6, 6-2, 6-2, 0-6 et 12-10 — avant d’accéder à la finale et d’y vaincre Solomon par 6-1, 6-4, 4-6 et 7-6.

C’est la seule fois que Panatta a triomphé à Roland-Garros et son seul titre en tournois du Grand Chelem. On peut dire la même chose de Federer en ce qui concerne ses trophées à la Porte d’Auteuil. Alors qu’il est déçu de ses deux balles de championnat ratées contre Djokovic sur le gazon anglais, il ne les échangerait probablement pas contre le coup droit en décroisé qu’il a produit face à Tommy Haas à Paris, en 2009, lorsque l’Allemand n’était qu’à un point de remporter leur huitième de finale — 7-6(4), 7-5, 5-3. S’il avait perdu ce point, il n’aurait probablement pas gagné Roland-Garros cette année-là. Et, compte tenu de la domination de Nadal à la Porte d’Auteuil, il n’aurait possiblement jamais remporté la Coupe des Mousquetaires. Cela aurait laissé un trou béant dans sa feuille de route et affaibli considérablement l’argument selon lequel il est le meilleur joueur de tennis de l’histoire.

Pour les disciples de Federer, se souvenir de ce coup droit fatidique contre Haas peut aider à relativiser la douleur de l’échec contre Djokovic à Wimbledon.

Photo by: Mauricio Paiz

PETER McNAMARA 1955-2019


On ne trouverait pas plus Australien que Peter McNamara, qui est décédé samedi à l’âge de 64 ans après une lutte quasi secrète contre le cancer de la prostate.

Son histoire est aussi une mise en garde sur le fait que la carrière d’un athlète professionnel peut être très éphémère. En mars 1983, il a remporté le tournoi de Bruxelles en battant, à compter des quarts de finale, Kevin Curren, Vitas Gerulaitis et Ivan Lendl. Cette victoire lui a permis de se hisser au 7e rang mondial et a placé le joueur de 27 ans à la tête de la course au classement. Deux ans plus tard, il évoluait à Rotterdam lorsqu’il s’est gravement blessé au genou droit en se déchirant le ligament croisé antérieur ainsi les ménisques latéraux et internes (cartilages).

Avec le recul, McNamara a attribué sa blessure à une combinaison de fatigue de la semaine précédente, de nouvelles chaussures (deux jeux plus tôt) parce que son fournisseur n’a pas pu obtenir son modèle habituel après avoir passé à travers huit paires la semaine précédente et de la surface qui ne lui a laissé aucune chance lorsqu’il a posé son pied.

Par la suite, McNamara a séjourné à Toronto et, en janvier 1984, a subi une opération de trois heures effectuée par le célèbre chirurgien orthopédiste torontois Robert Jackson. Billie Jean King, qui s’est fait opérer plusieurs fois au genou et qui est revenue au jeu à un haut niveau, a été l’une des personnes qui ont fortement encouragé McNamara à passer sous le bistouri.

Il est revenu à la compétition en 1984, mais n’a jamais été le même joueur et a finalement pris sa retraite en 1987.

Par la suite, McNamara a participé à des tournois pour vétérans et a été l’entraîneur de Mark Philippoussis, Grigor Dimitrov, Matthew Ebden et, plus récemment, de la Chinoise Wang Qiang, qu’il a menée au sein du Top 20 à la fin de 2018.

OÙ ÉTIEZ-VOUS EN 2009?

Ceci est un tweet amusant de Colette Lewis de @zootennis avec une photo d’un jeune Brayden Schnur.

(Photos de l’article : Mauricio Paiz)

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