rafael nadal celebrating after match

« La vérité, c’est qu’il y a deux mois, nous ne savions pas si nous allions pouvoir revenir sur le circuit, alors… me voici. Pour moi, être ici est un cadeau de la vie (pour) jouer au tennis et j’en profite. »

C’est ce qu’a dit Rafael Nadal dans son entrevue d’après-match sur le terrain à la suite de sa victoire de 6-3, 6-4, 4-6, 3-6 et 6-3 aux dépens de Denis Shapovalov, mardi, en quart de finale des Internationaux d’Australie.

On comprend que Shapovalov ne partage pas l’avis de Nadal sur cette victoire émouvante qui survient après des mois d’incertitude due à une déformation osseuse congénitale au pied gauche ainsi qu’à la COVID-19 qu’il a contractée après un tournoi de démonstration à Abu Dhabi le mois dernier.

Photo: Martin Sidorjak

La 74e victoire de Nadal à Melbourne semblait tout sauf évidente lorsqu’il a éprouvé des problèmes gastriques qui ont nécessité la visite du médecin sur le terrain (et l’ingestion de médicaments) lors d’un changement de côté au milieu de la quatrième manche, puis une « pause toilette » à la fin de la manche. Plus tard, il a expliqué que la fatigue, la chaleur et le manque de compétition des derniers mois avaient exacerbé son problème.

À ce moment-là, Shapovalov était passé en cinquième vitesse et se trouvait face à un adversaire apathique qui se déplaçait très peu dans les échanges.

La cinquième manche a commencé après une pause de près de sept minutes. Nadal a repoussé une balle de bris avant de remporter le premier jeu grâce à une volée du revers qui a réveillé les amateurs au Rod Laver Arena qui l’encourageaient avec vigueur.

Il n’était toutefois pas certain que Nadal soit suffisamment en forme pour effectuer une remontée, car il semblait souffrir après chaque échange.

Mais Shapovalov lui a fait cadeau du jeu suivant, commettant deux fautes du coup droit, une double faute et une faute directe du revers.

Mené 2-0, Shapovalov a eu deux occasions de bris, qui, s’il les avait concrétisées, lui auraient permis de remettre les pendules à l’heure et mettre un peu plus de pression sur Nadal. À partir de 3-0, Nadal n’a accordé que quatre points dans ses trois derniers jeux au service, scellant l’issue de cette bataille de quatre heures et huit minutes lorsque Shapovalov a raté une volée du revers sur la première balle de match.

Photo: Martin Sidorjak

Les statistiques de Nadal au service n’étaient pas si extraordinaires dans la manche ultime. Il a réussi 68 pour cent de ses premiers services, il a remporté 79 pour cent de ses premières offrandes et 46 pour cent de ses deuxièmes, mais avec l’aide de Shapovalov, cela a été suffisant pour franchir la ligne d’arrivée.

C’est un Shapovalovov exaspéré, pensant peut-être aux occasions ratées lors de la première manche de la demi-finale de Wimbledon de l’an dernier contre Novak Djokovic, qui a détruit sa raquette à la fin du match.

Photo: Martin Sidorjak

« J’ai eu un peu de chance au début de la cinquième manche », a admis Nadal. « Au début du match, je jouais très bien. Puis je sais combien il est difficile d’affronter un joueur comme Denis, il est très talentueux, très agressif. Il servait très bien, surtout le deuxième service. Je pense que j’ai eu mes chances au début de la troisième manche à 0-30, puis à 15-30. Mais ensuite, j’ai commencé à me sentir plus fatigué et il m’a malmené. »

L’évaluation de Shapovalov était crue et sincère. « C’est poche de perdre ce match. J’ai vraiment senti que je l’avais dans la raquette. J’avais l’impression d’être le meilleur joueur à partir de la troisième manche. J’ai eu plus de chances — je n’ai disputé qu’un mauvais jeu. C’est vraiment poche (mais) c’est quand même un bon tournoi pour moi. »

Photo: Martin Sidorjak

Nadal a amorcé le match en force, brisant à zéro au quatrième jeu pour ensuite se forger une avance de deux manches, tout en ne faisant face à aucune balle de bris.

« C’est sûr que j’étais nerveux, je ne me sentais pas à l’aise », a admis Shapovalov. « Je n’avais pas évolué dans le Rod Laver Arena depuis un bout de temps et il était sans doute plus à l’aise que moi. Il fallait simplement que j’entre dans le match. Je ne servais pas très bien, j’avais de la difficulté avec mes retours, mon rythme n’était pas bon. Je suis satisfait de la façon dont je me suis battu pour effectuer une remontée. J’ai retrouvé mon jeu au troisième et au quatrième acte. C’est ce qui est bon dans des trois de cinq, ça donne le temps de retrouver sa forme. »

Quant à savoir s’il était au courant de ce qui se passait de l’autre côté du filet lorsque Nadal a éprouvé des problèmes physiques, Shapovalov a répondu : « Je ne pense pas qu’il éprouvait des difficultés physiques. Il est évident qu’il a demandé le médecin et qu’il a pris des médicaments, mais pour moi, s’il est sur le terrain, je ne me concentre pas sur ses problèmes. J’ai aussi des douleurs. Je n’ai pas été à 100 % pendant tout le tournoi, donc je ne pense pas que j’ai prêté attention à ça. »

Photo: Martin Sidorjak

Une grande partie de la conférence de presse d’après-match de Shapovalov a été consacrée aux questions des journalistes sur la dispute qu’il a eue avec l’arbitre Carlos Bernardes au sujet du temps que prenait Nadal quand il servait, ainsi que juste avant le début de la deuxième manche. Shapovalov a notamment dit au Brésilien : « Vous êtes tous corrompus ». Plus tard, Shapovalov s’est excusé, disant qu’il s’était mal exprimé, mais il a maintenu son point de vue selon lequel Nadal poussait constamment le chronomètre de service à la limite des 25 secondes. Il a également mentionné qu’il pensait que la pause prolongée à la fin du quatrième acte pour permettre à l’Espagnol d’avoir une évaluation médicale et aller à la toilette avait été malencontreuse et perturbante.  

Nadal et lui ont eu une brève rencontre au filet après sa discussion initiale avec Bernardes. « Il était un peu confus. Il m’a juste demandé ce qui s’était passé et il n’y a pas eu de problème », a expliqué Shapovalov.

Quand on lui a demandé s’il pensait que Nadal recevait un traitement préférentiel, Shapovalov a exprimé un point de vue que partagent plusieurs de ses confrères. « Bien sûr, à cent pour cent. Dans tous les autres matchs que j’ai disputés, le rythme était très rapide parce que les arbitres partaient immédiatement le chronomètre après chaque point. Dans ce match-ci, les deux premières manches ont duré une heure et demie parce que les choses ont traîné après chaque point. Je veux dire qu’il a accordé tellement de temps, et (aussi) entre les manches. »

Élaborant sur le traitement accordé à Nadal, et par extension à d’autres vedettes comme Roger Federer et Djokovic, Shapovalov a mentionné : « Je n’essaie pas de déprécier ce qu’ils ont fait. Ce sont de grands champions, ce sont des légendes de notre sport, mais au bout du compte, lorsque vous entrez sur le terrain, tout le monde devrait être sur un pied d’égalité. »

Nadal n’était pas d’accord, insistant sur le fait que « l’on pense toujours que les meilleurs joueurs sont favorisés, non ? Et honnêtement, sur le court, ce n’est pas vrai. C’est ce que je pense. Je n’ai jamais eu l’impression d’avoir des privilèges sur le terrain, et je crois vraiment qu’il a tort sur ce point. »

Faisant preuve de sympathie après un match épuisant et parfois controversé, Nadal a mentionné à propos de Shapovalov : « Je suis honnêtement désolé pour lui. Je pense qu’il a livré un excellent match pendant un long moment. Bien sûr, c’est difficile d’accepter une défaite dans un match comme celui-ci, surtout après que j’ai vraiment connu une perte de régime, et qu’il l’a probablement ressenti. Mais j’ai réussi à gagner.

« Je lui souhaite bonne chance. Il est jeune, et je pense que nous faisons tous des erreurs au cours de notre carrière. »

Les cinquièmes Internationaux d’Australie de Shapovalov se terminent sur la meilleure prestation de sa carrière à Melbourne, mais aussi avec le sentiment qu’il aurait pu en faire beaucoup plus.    

Photo: Martin Sidorjak

Mercredi (3 h 30 HE), Félix Auger-Aliassime croisera avec ce que les Internationaux d’Australie ont de mieux à offrir, soit le champion en titre des Internationaux des États-Unis, Daniil Medvedev, dans le Rod Laver Arena.

Le Russe sera heureux d’être de retour dans cette enceinte, car il n’a pas caché son mécontentement d’être affecté au Margaret Court Arena pour ses deux derniers duels contre Botic van de Zandschulp et Maxime Cressy.

Auger-Aliassime fera ses débuts dans le Rod Laver Arena après avoir dit combien il avait aimé jouer ses deux tours précédents — contre Dan Evans et Marin Cilic — dans le John Cain Arena (qui sert également de vélodrome).

Après le match de cette nuit, le seul court central sur lequel Auger-Aliassime n’aura pas encore évolué est le court Philippe Chatrier à Roland-Garros.

Photo: Martin Sidorjak

« Le match sera difficile », a mentionné Medvedev à propos de ce troisième affrontement en cinq mois avec Auger-Aliassime. « Les deux dernières fois, j’ai réussi à avoir l’avantage, mais c’est un joueur phénoménal et je devrai être au sommet de ma forme pour gagner. »

Photo de l’article : Martin Sidorjak

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