
Photo : Martin Sidorjak
Capitaine Félix.
Ça sonne bien.
Et c’est entièrement mérité.
Tel un capitaine de navire, Félix Auger-Aliassime a montré l’exemple (victoires) et pris les bonnes décisions aux moments opportuns pour entraîner à sa suite tout un équipage vers la terre promise afin d’y cueillir le Saint Graal.
Le Saladier d’argent.
La COUPE DAVIS
Pour la première fois de son histoire, le Canada a remporté le trophée de la plus vieille compétition sportive — et une des plus prestigieuses — du monde. Un tournoi vieux de 122 ans !

La première présence de notre pays à ce tournoi remonte à 1913 et il lui a fallu 106 ans pour accéder à la finale (2019) une première fois. Mais seulement trois années de plus pour confirmer cet avertissement fait au reste de la planète, soit qu’il faille compter sur le Canada pour être un aspirant sérieux.
Quant à celui qui a le titre officiel de capitaine, Frank Dancevic, il ne nous en voudra pas, car il doit être très, très heureux de compter dans ses rangs un talentueux guerrier tel FAA, celui dont les performances répétées lui permettent de revendiquer un tel statut de leader.

Oui, Capitaine Félix. Comme avant lui, Capitaine Milos (Raonic) ou Capitaine Daniel (Nestor), des prédécesseurs dont les victoires importantes, le premier en simple et le second en double, ont permis aux nôtres de se signaler et, ultimement, de se retrouver régulièrement parmi les pays de l’ancien Groupe mondial.
Qui plus est, Auger-Aliassime a contribué dans les deux aspects du jeu à la Coupe Davis : en simple et en double.
D’autres Canadiens comme les Daniel Nestor, Grant Connell et Sébastien Lareau ont démontré une belle polyvalence et c’est en associant une telle polyvalence à ses victoires dans des matchs cruciaux — et ses titres — qu’on mérite ce titre de Capitaine Canada.

À Valence, son jeu en simple et en double avait permis à l’unifolié de se qualifier, et ce, sans la présence de Shapovalov. Puis, à Malaga, dans les deux premiers matchs contre l’Allemagne et l’Italie, c’est lui qui a permis aux siens de renverser la vapeur pour ensuite l’emporter chaque fois deux victoires à une.
Par la suite, face au toujours dangereux Alex de Minaur, et malgré un service moins dominant que d’habitude, il a trouvé le moyen d’effacer plusieurs balles de bris et de réussir de formidables coups gagnants au terme d’échanges interminables.

La marque d’un champion.
La marque d’un… Capitaine Canada !
Qui plus est, Félix n’a pas manqué de souligner à quel point ses coéquipiers ont été une source d’encouragement, passant six ou huit heures sur les lignes de côtés à applaudir chaque point ou jouer les motivateurs lors des moments difficiles. Il a rappelé que tout le monde avait laissé son égo au vestiaire pour le bien commun.
Voilà la marque d’un grand leader.
Un leader de… 22 ans.
Ils refont le coup… sept plus tard

Auger-Aliassime et Shapovalov ont fait du Canada un des rares pays à avoir réalisé le doublé à la Coupe Davis.
Une petite chez les juniors et une grande chez les professionnels.
Deux fois en sept ans.
Nos deux jeunes loups, qui ont permis au Canada de devenir le 16e pays à inscrire son nom sur l’immense trophée, avaient déjà apposé leur griffe sur celui de la Coupe Davis junior, initiée par la Fédération internationale de tennis (ITF) en 1985. C’était en 2015. Alors dirigés par Oded Jacobs, Félix et Denis étaient accompagnés de Benjamin Sigouin lors de cette conquête à Madrid.

Et, sept ans plus tard, toujours en terre ibérique, ils ont refait le coup.
Et ce doublé, seulement 10 pays peuvent le revendiquer.
Titres de la Coupe Davis
Grande | Petite | |
États-Unis | 32 | 3 |
Australie | 28 | 6 |
France | 10 | 4 |
G.-Bretagne | 10 | 1 |
Espagne | 6 | 6 |
Russie | 3 | 3 |
Rép. tchèque | 3 | 3 |
Allemagne | 3 | 3 |
Italie | 1 | 1 |
Canada | 1 | 1 |
Si le plus jeune des deux s’est révélé le leader de cette quête, il faut parler de l’apport de Shapovalov.
Sa victoire dans le premier simple de la finale face à l’Australien Thanassi Kokkinakis a été un appui inestimable pour son coéquipier, qui pouvait enfin respirer un peu pour la tâche qui l’attendait. Un baume, également, sur l’ensemble de ses propres matchs de simple.
Car Shapovalov devait être malheureux comme les pierres à l’issue de ses deux premières sorties. Les défaites en trois manches contre l’Allemand Jan Lennard Struff et l’Italien Lorenzo Sonego ont été des batailles longues et ardues, au cours desquelles il a été trahi par son service (19 doubles fautes) et par son manque d’opportunisme (3 bris en 21 occasions).

Cependant, il pouvait être particulièrement fier de sa contribution en double avec Pospisil devant la paire allemande formée de Kevin Krawietz et de Tim Puetz, jusque-là invaincue à la Coupe Davis.
Sans oublier cette dernière victoire contre Kokkinakis.
De quoi savourer pleinement le triomphe de l’équipe à laquelle il aura apporté une contribution des plus importantes.
Une année FAA.BULEUSE

L’expression « un repos bien mérité » s’applique parfaitement dans le cas d’Auger-Aliassime.
Après 11 mois de compétition qui se sont soldés par un bilan formidable, le Canadien pourra se faire oublier dans les rues enneigées de Montréal ou de Québec ou encore sur une plage dorée sous des latitudes plus chaudes.
Sur le plan individuel, il a récolté quatre titres en cinq finales et terminé l’année au 6e rang mondial en plus de participer aux Finales de l’ATP.
Sur le plan collectif, ce fut tout aussi éclatant. En quatre occasions, il s’est révélé le chef de file qui a influencé le résultat positif obtenu par l’équipe qu’il représentait.

De la Coupe ATP, en janvier, à la Coupe Laver, en septembre, alors qu’il a battu Novak Djokovic et amorcé un retour en force pour permettre à équipe Monde d’être couronnée championne pour la première fois depuis la création du tournoi.
Puis, les deux étapes de la Coupe Davis à Valence et à Malaga qui l’ont consacré… Capitaine Canada.

87 matchs, toutes scènes confondues, et une moyenne de victoires de près de 70 pour cent (60 victoires et 27 défaites).
Il est devenu un des serveurs les plus craints du circuit. Cette arme, développée lentement, mais sûrement à force de travail acharné lui a permis d’amasser 890 as (en 81 matchs ATP) au cours de la saison, seulement cinq de moins que le détenteur du premier rang, le géant américain John Isner. Et avec cette moyenne de 11 as par match, il a également repoussé 67 % des balles de bris auxquelles il a fait face (6e de l’ATP).

En guise de conclusion, il a mené son pays à l’ultime conquête, celle de la Coupe Davis. Et, comme c’était souvent le cas au cours de cette inoubliable année 2022, Sam Aliassime était sur place. Quel moment touchant d’avoir pu assister à cette séquence où Félix va voir son père et de dire, tout simplement : « On l’a fait, papa ! ».
Frank l’avait bien dit…

Le capitaine de l’équipe canadienne était confiant en vue de ces Finales de la Coupe Davis.
Et il me l’avait bien dit lors d’une entrevue précédant son départ pour l’Espagne et dont j’avais publié le compte-rendu la veille de leur première rencontre contre l’Allemagne.
Tout se trouvait dans le titre…
tenniscanada.com/fr/news/paul-rivard-nous-sentons-que-nous-pouvons-gagner-la-coupe-davis-dancevic/
Outre l’habituel discours d’un dirigeant qui ne peut se permettre autre chose que de viser le triomphe ultime, Dancevic avait insisté sur la profondeur qui caractérisait son équipe.
Il nommait ses cinq joueurs, bien sûr, même si les deux réservistes Gabriel Diallo et Alexis Galarneau avaient bien peu de chance de voir de l’action. C’est clair qu’il faisait plutôt son allusion en pensant aux trois autres, tous membres du Top 100.

Car en cas de blessure à l’une de nos deux jeunes vedettes du simple, il était clair que Vasek Pospisil avait suffisamment d’expérience et de talent pour rivaliser avec des Struff, Otte, Musetti, Sonego ou Kokkinakis. À la Coupe Davis, doit-on le rappeler, tout est possible.
ET, en double, comment ne pas être confiant lorsque vous comptez sur trois combinaisons nommées Vasek-Denis, Vasek-Félix ou Félix-Denis ? En voyant le rôle qu’ont joué deux de ces trois combinaisons de double lors des rencontres successives face aux Allemands et aux Italiens, force est d’admettre que « profondeur » était le mot clé.
Ses paroles du 19 novembre dernier résonnent encore plus fort.
« Que Vasek joue avec Denis ou avec Félix, ce sont d’excellentes combinaisons. Alors nous avons plusieurs choix. Il suffit de nous placer dans une bonne position et… qui sait ? Nous sentons que nous pouvons gagner ça, que c’est la prochaine étape. » Avec le résultat qu’on connaît.

Sur place, aux abords du terrain, le grand manitou de l’élite masculine à Tennis Canada, Guillaume Marx, était un homme heureux, lui aussi.
À peine débarqué de l’avion, il avait peine à résumer ce qu’il ressentait.
« Je suis impressionné, très fier et ému de voir ce que l’équipe a réalisé. Remporter la Coupe Davis pour la première fois est un exploit tennistique et sportif pour le sport canadien. Menés par notre capitaine, Frank, et un FAA énorme dans son rôle le de leader, nos joueurs ont tous su donner le meilleur d’eux-mêmes dans cette compétition. »

Pour Marx, cette performance restera longtemps gravée dans leurs mémoires.
« Cette équipe est déjà dans l’histoire ! »
Et terminons avec celui qui, il y a 17 ans, a amorcé ce travail de développement, Louis Borfiga.
La génération des Raonic, Pospisil, Shapovalov et Auger-Aliassime, c’est son système de développement qui les a détectés, ciblés, développés et préparés pour ces brillantes carrières professionnelles et leurs prestations à la Coupe Davis. Ce système qui comprenait l’arrivée de ses hommes de confiance tels les Guillaume Marx, Frédéric Fontang, Martin Laurendeau et autres mentors de notre élite masculine actuelle.

Joint chez lui, près de Paris, il a dit n’avoir rien raté des trois sorties canadiennes à Malaga.
« Tout le monde connaît mes réticences face à ce nouveau format de la Coupe Davis, mais je n’allais pas laisser mes p’tits joueurs tout seuls et j’ai tout regardé », dit-il d’entrée.
« Félix m’a impressionné en tant que leader en assumant son rôle et il a mené l’équipe au succès. Vasek a encore une fois démontré ses qualités à la Coupe Davis. C’est un grand joueur de double et un grand joueur sous la pression. Si un joueur méritait bien de la gagner, compte tenu de sa fidélité à la Coupe Davis, c’est bien Vasek. »
Et de conclure ce vétéran qui a lui-même disputé le prestigieux tournoi il y a plusieurs décennies : « C’est un véritable exploit qu’ont accompli nos joueurs. Avoir son nom sur le Saladier d’argent, c’est définitivement s’inscrire parmi les nations fortes sur la scène internationale. »
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