Photo : Shahida Jacobs
« Cirque — débarrassez-vous du clown »
C’est cette note, sur les réseaux sociaux, qui m’a interpelé la semaine dernière. Et ça ne m’a pas pris beaucoup de temps pour comprendre de qui il s’agissait.
Et comme j’étais justement branché sur l’affrontement opposant Nick Kyrgios à Stefanos Tsitsipas, deuxième tête de série du tournoi de Halle, c’était encore plus évident comme déduction. Sans oublier que, comme c’est malheureusement le cas, Kyrgios faisait du Kyrgios. Pas sur le plan du tennis… mais sur le plan du comportement, ce qui continue de mettre un frein à l’invraisemblable potentiel de ce joueur.
Et pourtant…
L’utilisation des mots « cirque » et « clown », manifestement négative, est souvent utilisée par celles et ceux qui exècrent l’attitude de ce joueur. Et ils sont nombreux.
Nick Kyrgios est polarisant. Il y a les pro-Kyrgios et les anti-Kyrgios.
Il y a ceux, tant chez des profanes que parmi les aficionados, qui apprécient ses performances. Je suis l’un d’eux.
Et il y a les autres qui ne peuvent supporter de voir ainsi bafouer les règles de bienséance de ce sport et qui n’en peuvent plus de voir ses sempiternelles sautes d’humeur et sa façon d’abandonner la lutte dans un match lorsqu’il est déconcentré.
Et pourtant, chaque fois qu’on croit le voir disparaître dans l’oubli, le grand enfant revient jouer. Au propre comme au figuré.
Après avoir perdu face à Daniil Medvedev au début des Internationaux d’Australie, Nick s’est retrouvé à la 137e place mondiale. Puis, il a aligné 16 victoires dans ses 21 derniers matchs pour se hisser au 45e échelon après deux demi-finales consécutives en Allemagne (Stuttgart et Halle), un saut de 92 rangs.
Au passage, il s’est payé, entre autres, Casper Ruud, Andrey Rublev, Tommy Paul, Stefanos Tsitsipas et Pablo Carreno-Busta.
Sa demi-finale de Halle contre Hubert Hurkacz a été un feu d’artifice alors que les deux joueurs ont totalisé 57 as (30-27 en faveur de N.K.) et quelques échanges fulgurants à fond de terrain. Dans les deux matchs précédents, Kyrgios a réalisé plusieurs de ces coups de canon typiques en fond de terrain en plus de saupoudrer au passage un coup gagnant frappé derrière le dos, un coup entre ses jambes et un service cuillère.
Le vilain garnement du tennis valait assurément le prix d’entrée.
Et tel un talentueux incompris, tous sports confondus, il peut en quelques coups de raquette, deux ou trois sourires et des victoires nettes séduire n’importe quel fervent du tennis.
Même celles et ceux qui se méfient toujours un peu de ce « Dr Jeckill et Mr Hyde ».
Il s’est écrit des tas d’articles sur le potentiel de cet athlète de 27 ans. Et encore des kilomètres de textes sur son comportement d’ado insupportable, son incapacité à respecter ce sport si traditionnel, sa propension à gâcher le spectacle et le plaisir de ses supporters, son besoin de tenter des coups impossibles juste pour se faire plaisir ou pour plaire aux amateurs, etc.
Je ne serais pas surpris que Nicholas Hilmy Kyrgios soit un sujet de thèse dans quelques facultés de psychologie un peu partout sur le globe. Avouons que l’idée fait sourire, sans être totalement ridicule.
Nick Kyrgios, s’il parvient à garder un intérêt pour le tennis de compétition, pourrait bien être là pour plusieurs années encore et, qui sait, remonter dans le Top 20 ou le Top 15. Il en serait capable.
Je l’ai toujours clamé bien haut (et écrit en majuscules) : TROP DE TALENT DANS UN SEUL CORPS.
Et, lorsqu’il en aura fini avec l’ATP, il recevra des tas d’invitations pour toutes sortes de matchs de démonstration.
Au risque de m’attirer sarcasmes et quolibets de la part des puristes, je reste convaincu que Kyrgios est bon pour le tennis, même s’il faut malheureusement vivre avec son côté sombre.
C’est un artiste dont le talent est quasi sans limites. Mais qui, comme beaucoup d’artistes, s’avère un électron libre.
Et être son pire ennemi.
Félix : bons états de service
Au fil des ans, Félix Auger-Aliassime peaufine son jeu et, surtout, sa constance.
S’il est reconnu comme un des joueurs les plus méthodiques, athlétiques et rapides de l’ATP, il a certes ajouté la puissance et la précision à son service depuis un an et demi.
En 2021, Félix avait conclu l’année au neuvième rang du classement général, tout comme au neuvième rang des cogneurs d’as. Avec une moyenne de — ça ne s’invente pas — NEUF par match.
En 2022, il pointe déjà au quatrième rang du tennis masculin et frôle la moyenne de 10 as par rencontre. Avec 45 matchs de disputés, 17 de moins que l’an dernier seulement, il semble en voie de dépasser son total, s’il ne subit aucune blessure. Il ne lui en manque que 113 pour égaler cette marque.
Voici ce classement, avant les derniers tournois préparatoires à Wimbledon, une épreuve disputée au meilleur de cinq manches, ce qui devrait lui permettre de faire bonne provision s’il atteint la deuxième semaine de la compétition.
Les francs-tireurs de l’ATP (20 juin 2022)
As | Matchs | Moy./ Match | ||
1 | J. Isner | 539 | 25 | 21,56 |
2 | R. Opelka | 478 | 30 | 15,93 |
3 | H. Hurkacz | 452 | 39 | 11,59 |
4 | F. Auger-Aliassime | 447 | 45 | 9,9 |
5 | S. Tsitsipas | 381 | 49 | 7,78 |
16 | D.Shapovalov | 257 | 29 | 8,86 |
Intrusion
On peut en rire, sur le coup, mais ce n’est pas drôle.
Comme si le drame vécu par Monica Seles, il y a près de trois décennies, n’avait pas livré une leçon suffisamment inquiétante, le laisser-aller des services de sécurité dans les stades de tennis pourrait un jour mener à des blessures, ou pire encore.
Les incursions d’individus sur les terrains de tennis professionnel ont connu une recrudescence inquiétante au cours des dernières semaines.
Quelques semaines après un incident semblable à Roland-Garros, la dernière en date s’est produite lors de la finale du tournoi sur gazon de Halle. Une femme a tenté de s’attacher au filet — une nouvelle mode — pour donner du temps à bien du monde de voir le message inscrit sur son chandail et qui avait trait à l’urgence quant aux changements climatiques. « Il reste trois ans ».
L’incident s’est produit alors que Hubert Hurkacz menait 5-0 dans la manche initiale de cette finale l’opposant à Daniil Medvedev. On peut voir l’incident, ici, à la 25e seconde de cette vidéo résumant le match.
Dix-sept jours plus tôt, sur le court central de Roland-Garros, Casper Ruud s’apprêtait à servir dans la troisième manche de son duel l’opposant à Marin Cilic. Tout à coup, il s’aperçoit qu’une spectatrice est adossée au filet et s’y est attachée par un lien relié à son cou. Cette personne portait un message semblable concernant les changements climatiques : « Il nous reste 1028 jours ».
Il faut noter le nombre de secondes qui s’écoulent avant que tous les préposés à la sécurité s’aperçoivent de sa présence et, ultimement, ne finissent par réagir. Inquiétant et presque gênant.
Cette vidéo d’un spectateur montre les différentes étapes de l’étude du problème, d’abord, avant que les préposés trouvent finalement une solution pour expulser la délinquante.
Paris semble avoir été le théâtre récurrent de ce type d’incident, comme en fait foi ce partisan espagnol qui a réussi à se rendre jusqu’à Roger Federer, en 2009.
Sans conséquences négatives, toutefois. Mais sur le coup, on aurait pu craindre que le meilleur joueur au monde ne puisse être blessé si l’intrus avait eu des intentions plus belliqueuses.
Son éternel rival et ami, Rafael Nadal, s’est retrouvé dans la même situation, quatre ans plus tard, au même endroit.
Quant au pire moment du genre survenu au tennis, rappelons qu’il s’agissait de l’attaque à l’endroit de celle qui était alors la numéro un mondiale, la Serbe Monica Seles.
En avant 6-4, 4-3 dans un quart de finale qui l’opposait à la Bulgare Magdalena Maleeva, à Hambourg, Seles venait de s’assoir sur sa chaise quand un ouvrier en chômage, Günter Parche, a surgi des gradins pour la poignarder près de l’omoplate.
Parche, qui était un admirateur de sa compatriote Steffi Graf, voulait voir son idole reprendre le premier rang mondial. Ce qu’elle fit, d’ailleurs, cinq semaines après l’attaque.
Cette agression ne laissa qu’une cicatrice superficielle à Seles, mais provoqua chez elle une longue dépression de laquelle elle ne sortit que 28 mois plus tard.
Bien sûr, lorsqu’il s’agit d’invasion de court, plusieurs sourient en se remémorant l’incident survenu lors de la finale de 1996, à Wimbledon, alors que Richard Krajicek et Malivai Washington se prêtaient à la photo officielle précédant leur confrontation. C’est à ce moment qu’est apparue une spectatrice en… tenue légère.
Et, au lieu d’entendre ce cliché souvent attribué aux Britanniques, « Shocking! », c’est plutôt un sourire amusé qu’on apercevait sur le visage de la majorité des occupants de ce stade, incluant les deux finalistes et même du Duc et de la Duchesse de Kent.
C’était certes la plus rigolote et moins dramatique des perturbations d’événements.
Personne n’a été inquiété et cette serveuse de 23 ans, Melissa Johnson, a obtenu ce qu’elle voulait, impressionner ses amis et remporter son pari.
Courriel : privard@tenniscanada.com
Twitter : @paul6rivard
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