Il y avait cinq Canadiens en action lors de la première journée des Internationaux d’Australie, et trois d’entre eux ont atteint le deuxième tour.

En France, on les appelle les « Franco-Français » et au Canada, on pourrait bien utiliser le terme « Canado-Canadien » pour décrire un affrontement entre deux joueurs du pays. Et ce fut le cas lundi soir alors que Félix Auger-Aliassime, 6e tête de série, a mis trois heures et 58 minutes pour se débarrasser d’un tenace Vasek Pospisil en des comptes de 1-6, 7-6(4), 7-6(3) et 6-3.

Dans les autres matchs, Denis Shapovalov a signé un gain de 6-4, 4-6, 6-4 et 6-1 aux dépens de Dusan Lajovic, tandis que Bianca Andreescu a surpris la 26e tête d’affiche, Marie Bouzkova, en deux petites manches de 6-2 et 6-4.

Quant à Rebecca Marino, elle a frappé un mur, perdant 6-2 et 6-4 aux mains de la Chinoise Zhu Lin.

Felix Auger-Aliassime follows through on a forehand.
Photo : Martin Sidorjak

Quel choc de voir le tableau d’affichage de la John Cain Arena indiquer 5-0 après 26 minutes du duel entre Auger-Aliassime et Pospisil. « Je me suis rapidement retrouvé en déficit de 4-0 [5-0], a confié Auger-Aliassime. C’est difficile à expliquer, mais je n’avais qu’à rester positif pour pouvoir me ressaisir à la deuxième manche.

« Je savais que je jouais en dessous de mon niveau. Je n’étais pas inquiet, car c’est un long match et je savais que si je corrigeais certaines choses avec mon service et mon coup droit, cela irait mieux. »

C’est ce qui s’est produit, mais pas aussi rapidement qu’il l’aurait souhaité. Dans la deuxième et la troisième manche, il menait par un bris, mais Pospisil a réussi à créer l’égalité forçant la tenue de jeux décisifs. « C’est dommage que j’aie dû me rendre jusqu’au jeu décisif au deuxième et au troisième acte, a admis Auger-Aliassime. Je pense que je pourrai faire mieux un autre jour. Si j’avais joué mon meilleur tennis, je ne me serais pas retrouvé dans cette situation. Mais je suis heureux d’avoir pu bien jouer quand il le fallait. »

Felix Auger-Aliassime stands on the court by the net.
Photo : Martin Sidorjak

Quant à savoir s’il a apprécié le match, il a ajouté : « c’est vrai qu’à certains moments de la troisième manche, ce n’était pas plaisant. Il y avait tellement peu d’échanges que lorsque je devais m’engager dans un échange, je ratais tout de suite. C’est difficile de trouver ses repères. Vasek a bien servi et n’a pas étiré les points. Puis j’ai servi, et il n’y avait pas d’échanges. C’était donc difficile d’apprécier ces moments. Toutefois, à la quatrième manche, je me sentais beaucoup mieux — c’est bien d’avoir pu terminer comme ça. Si je réussis à conserver cette dynamique, cela ira beaucoup mieux pour les prochains tours. »

Auger-Aliassime a également mentionné que le fait d’être un compatriote et un ami de Pospisil n’avait pas influencé son jeu, mais qu’il a éprouvé de la difficulté quand il s’est aperçu que son coéquipier de la Coupe Davis était ennuyé par des crampes dans la troisième manche, car il est difficile d’anticiper les réactions d’un adversaire qui tente le tout pour le tout sur ses coups.

Vasek Pospisil pumps his fist.
Photo : Martin Sidorjak

Pospisil était amèrement déçu après la défaite. « De mon point de vue, c’était purement physique, a-t-il mentionné à propos du résultat. J’aurais aimé faire les choses mieux et je pense que je jouais suffisamment bien pour ça. J’ai dû changer de chandail neuf fois aujourd’hui. Et commencer à avoir des crampes à 5-4 dans la deuxième manche, ça ne met pas les chances de ton côté. Il faisait un peu plus frais à partir de la troisième manche, ce qui m’a donné mon deuxième souffle (même si la journée n’était pas excessivement chaude). Mais rendu là, mes jambes étaient déjà fatiguées. C’est un problème que je dois régler. Je travaille fort, je travaille malgré la douleur. C’est décevant de perdre à cause de quelque chose qui n’est pas liée au tennis.  

« Ce serait plus facile à accepter si j’avais l’impression que mon rival a simplement mieux joué que moi. C’est beaucoup plus facile que quelque chose comme aujourd’hui même si Félix a bien joué. Je ne veux pas lui enlever quoi que ce soit. C’est un bon ami et c’est un joueur du Top 10. Mais à un moment donné, ça devient frustrant. J’ai 32 ans et j’ai dû faire face à beaucoup d’embûches. Je n’ai pas l’impression que mon tennis est inférieur à celui des gars du Top 10 ou du Top 20, pas du tout. J’ai l’impression que la plupart du temps, quand je perds ces matchs, c’est pour des raisons physiques. Leur condition physique est extraordinaire et ce n’est pas parce qu’ils travaillent plus que moi. »

Vasek Pospisil hits a forehand volley.
Photo : Martin Sidorjak

En partie faussées par la première manche à sens unique, les statistiques de Pospisil étaient excellentes : son ratio coups gagnants/fautes directes était de 46/45 comparativement à 31/36 pour Auger-Aliassime et son taux de réussite sur ses balles de bris était de 4/5 contrairement à 3/12 pour Auger-Aliassime.

Pospisil travaille avec un nouvel entraîneur, l’ancien joueur professionnel tunisien Malik Jaziri, et prévoit participer à un tournoi Challenger à Quimper, en France, la semaine prochaine.

Quant à Auger-Aliassime, il croisera le fer avec le 53e mondial Alex Molcan. Il a perdu 6-4, 2-6 et 7-6(7) contre le Slovaque en avril dernier sur la terre battue de Marrakech. Il affirme toutefois avoir tiré des leçons qui seront précieuses pour leur prochain affrontement.

Bianca Andreescu follows through on a backhand.
Photo : Martin Sidorjak

Andreescu s’est rapidement mise en marche lundi, frappant notamment son revers croisé avec vélocité et en angle. Elle a brisé son adversaire pour prendre les devants 3-1, puis a poursuivi sur sa lancée pour empocher la manche 6-2 en 46 minutes.

Il y a eu un bref moment d’inquiétude à la deuxième manche lorsque Bouzkova a eu deux occasions de bris à 3-3, mais Andreescu les a repoussées grâce à un service gagnant et à une faute directe de la 25e tête de série. Elle a retrouvé ses repères et a mis fin à la bataille quatre jeux plus tard sur une faute directe de la Tchèque.

« J’ai été constante tout au long du match, a commenté Andreescu. Il n’y a pas eu de hauts et de bas, comme je peux en vivre parfois. Je suis donc très, très satisfaite de la façon dont j’ai joué (23 coups gagnants, 13 fautes directes et aucun bris). »

Même si elle est restée vague quand on lui a demandé si elle savait qu’elle pourrait affronter la favorite Iga Swiatek au troisième tour, on sentait qu’elle le savait, mais que cela ne lui causait pas trop d’appréhension.  

« J’ai vraiment travaillé très, très fort et je sais de quoi je suis capable. Alors que ce soit contre Iga ou contre une joueuse de la même trempe, c’est motivant et inspirant parce que c’est difficile au tennis d’être aussi constante. Je la respecte beaucoup.  

« Cela me motive, et comme je l’ai dit, je sais que je peux revivre ce que j’ai réalisé en 2019 et, espérons-le, faire encore mieux. »

Bianca Andreescu pumps her fist
Photo : Martin Sidorjak

Elle est à l’aise avec son nouvel entraîneur, Christophe Lambert, un Français qui a travaillé avec elle lorsqu’elle était junior ainsi que pour Tennis Canada à Toronto, à Halifax et à Vancouver. Il a récemment laissé son poste de directeur de l’élite de Tennis Nouvelle-Zélande.    

Lambert, dont la femme est néo-zélandaise, a une personnalité extravertie avec un charme folklorique. Il a parlé d’Andreescu qui a perdu 12 jeux d’affilée après avoir mené 4-0 au deuxième tour d’Adélaïde il y a deux semaines contre Veronika Kudermetova. « Ce qui est étrange est qu’on peut soit dire qu’elle a joué les quatre premiers jeux de façon exceptionnelle, ou qu’elle était proche les 12 jeux suivants. Elle a pris les bonnes décisions, mais elle a aussi pris trop de risques. De plus, elle recommençait à prendre part à des tournois — elle venait de battre (Garbine) Muguruza au tour précédent. Avant cela, il y a eu trois mois de repos et un tournoi de démonstration à Dubaï (en décembre). Ce qui est bien avec Bianca, c’est qu’elle a vraiment muri l’année dernière. Elle nous a dit qu’il y a un an, elle serait restée dans sa chambre et n’aurait voulu parler à personne.

« Mais là, nous sommes retournés à l’hôtel pour ses traitements et nous avons parlé de tout, et pas seulement du match. Et elle était de retour sur le terrain le lendemain. Bianca a un immense talent et l’envie de bien faire. J’espère que nous irons loin avec elle. Nous avons tout mis en place pour cela. »

Cela comprend le physio Jean-Pierre Bruyère, également un Français, qui a déjà travaillé avec Lambert.

« Christophe est génial, a confié Andreescu. Il est hilarant. Jean-Pierre aussi. La communication est donc très bonne, et c’est vraiment ce que je recherche dans une équipe. Et ils font en sorte que tout soit détendu, car le tennis peut être très stressant. »

Au prochain tour, Andreescu sera opposée à l’Espagnole Cristina Bucsa, une joueuse issue des qualifications. « J’ai regardé certains de ses matchs. C’est une dure à cuire. Elle court toutes les balles. Elle se bat pour chaque point. Je vais faire des recherches supplémentaires ce soir et demain avec mon entraîneur. »

Denis Shapovalov reaches for a backhand.
Photo : Martin Sidorjak

Shapovalov a connu des hauts et des bas contre Dusan Lajovic (86e), mais s’en est sorti avec une victoire en quatre manches. Le Canadien tirait de l’arrière 3-1 au troisième engagement, mais a brisé le Serbe pour créer l’égalité à 3-3, puis a donné le coup de grâce — un retour gagnant du revers — sur une balle de manche. La quatrième manche s’est déroulée à sens unique et n’a duré que 27 minutes.

« Je pense que l’intensité et le niveau ont été très élevés pendant deux manches et demie. J’ai ensuite remarqué qu’il avait perdu environ cinq à dix pour cent de son énergie et j’ai essayé d’en profiter. »

Comment se sent-on de l’autre côté du filet quand Shapovalov produit des coups gagnants à la tonne (52) devant un nombre important de ses partisans ?

« Ce n’est pas amusant, il n’y a pas beaucoup de rythme, a admis Lajovic. Quand tu peines à trouver un rythme, les moments de pression semblent encore plus importants qu’ils ne le sont — surtout quand je tirais de l’arrière 4-5 dans la première manche. Quand il est sur son x, il est l’un de ceux qui peuvent se rendre loin dans un tournoi du Grand Chelem. »

En quoi le jeu de Shapovalov est-il différent de celui des autres ? « Je pense que le fait qu’il soit gaucher fait une bonne différence, a expliqué le Serbe. Il a une grande préparation et il effectue une plus grande rotation des épaules que les autres joueurs. C’est difficile de cerner où il frappe la balle. Et si tu es une fraction de seconde en retard, tu es foutu. C’est ce qui le distingue le plus. »

Mercredi, Shapovalov se mesurera à Taro Daniel. Le 22e mondial possède une fiche parfaite de deux gains contre le Japonais, l’ayant battu à Dubaï en 2022, et aux Internationaux d’Australie de 2019.

Rebecca Marino follows through on a backhand.
Photo : Martin Sidorjak

Rebecca Marino est la deuxième Canadienne de la journée à avoir été éliminée. Elle a tout simplement été dominée par Zhu, qui a mis de la pression dès les premiers instants pour imposer son jeu.

« Elle a commis beaucoup moins d’erreurs que moi et a mieux géré le bruit et les conditions, a avoué Marino. J’avais l’impression que la balle arrivait tellement vite que je ne parvenais pas à dicter les points. Elle contrôlait la balle et c’est pourquoi j’étais toujours à la course. Elle réduisait très bien mon temps de réaction. »

Les statistiques sont éloquentes : le ratio de coups gagnants et de fautes directes était de 15/12 pour Zhu, mais de 12/21 pour Marino.  

Marino n’a pas eu sa meilleure journée au service : elle n’a mis que 56 pour cent de ses premières balles en jeu et n’en a remporté que 52 pour cent. Fait étonnant, elle n’a pas réussi un seul ace durant cette bataille d’une heure et six minutes.

« Je ne suis plus dans les qualifications et je dois apprendre à évoluer à ce niveau, a expliqué Marino qui occupe le 67e rang mondial. Il faut que je m’habitue à être ici. Les joueuses savent à nouveau qui je suis, donc mon style de jeu n’est pas un mystère non plus. »

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