On utilise le mot « contre-performance » pour décrire un résultat nettement inférieur à celui qu’on attendait.

Malheureusement pour les partisans de Denis Shapovalov, le Canadien de 23 ans a connu l’une de ces contre-performances au premier tour de Roland-Garros, mardi, en s’inclinant 6-3, 6-1 et 7-6(4) face à l’étoile montante Holger Rune.

Qui sait, les choses auraient pu tourner autrement si Shapovalov avait concrétisé une balle de bris contre le Danois au quatrième jeu. À 30-40, les joueurs se sont engagés dans un échange en fond de terrain et Rune a osé frapper à fond, terminant l’échange en prenant Shapovalov à contre-pied avec un coup droit gagnant.

C’était un signe des choses à venir, car il a joué de façon agressive en commettant très peu de fautes directes, tandis que Shapovalov était totalement désorganisé, ratant notamment une volée haute du revers dans le jeu suivant pour donner à Rune le bris et une avance de 3-2.

Il a conservé cette avance jusqu’à une balle de match, au service à 5-4 dans le troisième acte. Puis, il a envoyé un coup droit facile dans le filet. Il a sans aucun doute ressenti la pression du moment — signer sa première victoire dans un tournoi du Grand Chelem.

Après avoir peiné pendant si longtemps, Shapovalov avait enfin une ouverture pour prolonger le match. Le vent a commencé à tourner en sa faveur et il en a profité pour briser le Danois — sur sa première balle de bris depuis le quatrième jeu de la manche initiale — pour niveler la marque à 5-5.

Il a ensuite remporté son service à zéro pour faire 6-5 et a soudainement semblé avoir une nouvelle vie et prendre le contrôle. Il s’est même approché d’une balle de manche qui aurait pu changer l’allure du match au 12e jeu, mais Rune a réalisé un amorti audacieux que Shapovalov n’a pas réussi à remettre en jeu. Les joueurs se sont dirigés vers un jeu décisif, et lorsque Shapovalov a réussi deux smashs acrobatiques au cours d’un même échange pour prendre les devants 1-0, on a cru qu’il avait retrouvé son rythme. Mais Rune a rapidement joué les trouble-fête. Le mini-bris qu’il a eu pour mener 3-1 était amplement suffisant pour conclure le duel de deux heures lorsque Shapovalov a sorti un coup droit sur la deuxième balle de match.

Photo: Martin Sidorjak

Le Danois mérite amplement cette victoire. Il a été solide en fond de terrain durant tout le match, terminant avec 17 coups gagnants et 19 fautes directes, comparativement à 27 coups gagnants et 53 fautes directes pour le Canadien.

Une statistique hautement improbable ressort de ce match : Shapovalov a réalisé six aces et a commis six doubles fautes, alors que Rune n’avait aucun ace et aucune double faute. Il est rare que dans un match disputé au meilleur de cinq manches, un joueur n’ait pas d’ace, mais ce qui est remarquable est le fait qu’il n’a commis aucune double faute. Cela montre à quel point Rune est constant et comment il se comporte sous pression.

Photo: Martin Sidorjak

Une question subsiste concernant Shapovalov (on voit son groupe de soutien ci-dessus) sur la terre battue. Il a l’une des meilleures constitutions du circuit — il ne semble jamais se fatiguer. Il est également fort comme un bœuf. On peut donc se demander pourquoi il ne dispute pas — surtout sur la terre battue — de plus longs points, qu’il ne reste pas dans les échanges et ne met pas son adversaire au défi d’avoir plus d’endurance que lui.

« Quand je me sens comme ça, j’ai habituellement un plan B ou quelque chose que je peux changer pour m’aider », a-t-il mentionné candidement à propos de sa performance de mardi. « Mais je joue un tennis très agressif, donc quand je ne suis pas sur la coche, je ne suis vraiment pas sur la coche. C’est tel que tel. »

Photo: Martin Sidorjak

Il n’y a pas de honte à perdre contre Rune, 40e mondial, qui était considéré comme l’un des deux ou trois joueurs dangereux (non classés) du tableau.  

Pourtant, Shapovalov lui a offert trop de cadeaux — un smash complètement raté dans le filet pour concéder son service à 4-4 dans la troisième manche ainsi que deux doubles fautes consécutives pour donner à Rune le bris à 2-0 dans le deuxième acte à un moment où il voulait faire savoir qu’il s’était ressaisi et qu’il revenait dans le match.

Il y a cent ans, dans les années 1920, le meilleur joueur canadien était Jack Wright, de la Colombie-Britannique. Il était également médecin. Le Dr Wright avait une devise qui est intemporelle dans son application au tennis : « Ne jamais manquer un coup facile ». C’est évidemment plus facile à dire qu’à faire, mais cela montre bien que les joueurs doivent se concentrer sur la balle à chaque coup, jusqu’à ce que le point soit terminé.

Photo: Martin Sidorjak

Après le match, Shapovalov a félicité Rune, tout en déclarant « Je ne me suis pas présenté sur le terrain, aujourd’hui » et en mentionnant le fait que l’ATP n’accorde pas de points de classement pour Wimbledon l’a préoccupé ces derniers jours. Il doit défendre 720 points (sur 2 531) obtenus lors de sa demi-finale de l’an dernier et pourrait passer du 15e au 20e rang s’il n’est pas en mesure de défendre une partie ou la totalité de ces points au tournoi de 2022.

Tout en déclarant qu’il n’était pas d’accord avec la décision de Wimbledon d’exclure les joueurs russes et biélorusses ou avec le fait que l’ATP Tour n’attribue pas de points de classement en conséquence, il a mentionné : « Les joueurs les plus touchés sont ceux qui sont les mieux classés. Novak, évidemment, moi, Hubi (Hurkacz), Berrettini, qui ne joue pas ici. Nous allons dégringoler au classement.

« C’est donc difficile. Je pense qu’ils auraient pu faire les choses différemment — peut-être garder 50 pour cent des points comme ils l’ont fait dans le passé ou une sorte d’équité. Mais même un gars comme Marton Fucsovics (57e) va sortir du Top 100.

« C’est donc difficile pour les joueurs quand tu n’as pas la possibilité de défendre tes points, et surtout sur une surface comme le gazon. La saison sur l’herbe est déjà très courte et les joueurs qui excellent sur cette surface n’ont pas tellement d’occasions de faire des points. Là, ils enlèvent une grande partie. C’est super difficile pour les joueurs. »

Après le match, il ne s’est pas prononcé sur sa participation à Wimbledon.  

Photo: Martin Sidorjak

Le match vedette de la quatrième journée devrait être celui de Bianca Andreescu et Belinda Bencic (14e). Les deux joueuses se sont affrontées au carré d’as des Internationaux des États-Unis en 2019, l’année où Andreescu a conquis le titre. Il s’agit de leur seule rencontre précédente.

Des interrogations sur leur condition en 2022 persistent. Bencic a contracté une forme sévère de la COVID-19 lors d’un tournoi de démonstration à Abu Dhabi en décembre. Puis, en février, on lui a diagnostiqué un problème pulmonaire qui devait mettre trois mois à se résorber. Cette année, sur la terre battue, elle a atteint la finale à Charleston (Ons Jabeur), les huitièmes de finale à Madrid (Jabeur) et le deuxième tour à Rome (Amanda Anisimova), tout en essayant de retrouver la forme.

Quant à Andreescu, elle a pris une pause de six mois avant d’effectuer un retour au jeu à Stuttgart le mois dernier, et a accumulé une fiche de sept victoires et trois défaites aux tournois de Stuttgart, Madrid, Rome et au premier tour de Roland-Garros. Elle a vaincu de très bonnes joueuses — Emma Raducanu (12e), Danielle Collins (8e) et Alison Riske (42e) — et s’est bien battue contre Aryna Sabalenka (4e), Jessica Pegula (14e) et Iga Swiatek (1re). Il est évident qu’elle s’améliore progressivement, et une lutte acharnée de plus de deux heures pour venir à bout de la puissante Ysaline Bonaventure, lundi, est peut-être ce dont elle avait besoin pour être fin prête pour affronter Bencic.

Photo: Martin Sidorjak

L’autre Canadienne en action mercredi est Leylah Fernandez, la 17e tête de série. Elle croisera le fer avec la 56e mondiale Katerina Siniakova. La Tchèque est une spécialiste du double et occupe d’ailleurs le premier rang mondial. Elle semble toutefois avoir trouvé une nouvelle vigueur en simple depuis que sa partenaire de longue date, Barbora Krejcikova, a été couronnée championne de Roland-Garros l’an dernier.

Siniakova peut être impétueuse sur le terrain, mais elle a fait prendre de courage en battant Rebecca Marino et Emma Raducanu à l’Open de Miami, en mars. Sa fiche est de dix victoires et sept défaites à la porte d’Auteuil.

Il s’agira d’un premier duel entre Siniakova et Fernandez, qui participe à son troisième tableau principal de Roland-Garros (4-2) depuis son triomphe chez les juniors en 2019.

Photo: Martin Sidorjak

Félix Auger-Aliassime (9e) sera également au programme de mercredi. Trois jours après avoir signé sa première victoire sur la terre battue parisienne, il sera opposé au qualifié Camilo Ugo Carabelli. Il y a un peu plus de trois semaines, l’Argentin de 22 ans a remporté un tournoi Challenger à Buenos Aires, après avoir eu raison du Péruvien Juan Pablo Varillas en demi-finale, le même Varillas qui a donné du fil à retorde à Auger-Aliassime, dimanche.

Ce sera le premier duel entre les deux joueurs.

RIEN N’ÉGALE ROLAND-GARROS ET PARIS

Il y a des panneaux d’affichage à divers endroits sur le site de Roland-Garros, dont celui-ci qui décrit l’origine de la terre battue utilisée sur les courts du tournoi — Pontpoint, dans le département de l’Oise.

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