Rafael Nadal bites the trophy.

Photo : Martin Sidorjak

Ça faisait 12 ans et demi que Roger Federer était le meneur des titres conquis en tournois du Grand Chelem. Et même s’il n’était plus que co-meneur après que Rafael Nadal l’eut rejoint en juin 2020 suivi, un an plus tard, de Novak Djokovic, le Maître suisse occupait une partie du trône.

Mais cette impasse a été rompue le 30 janvier quand, contre toute attente… ou presque, le Taureau de Manacor a réussi à remporter le 21e tournoi majeur de sa carrière à Melbourne.

Infographie : Australian Open

Et, vous aurez compris que l’expression « contre toute attente… ou presque » faisait référence à un athlète qui, il y a quelques semaines encore, commençait à parler de retraite avec sa garde rapprochée et sa famille. Car cette blessure au pied droit, qui le hantait depuis plusieurs années, l’avait mis à l’écart depuis le mois de juillet dernier et la pente lui semblait de plus en plus dure à remonter.

Mais, tel l’animal blessé qui vend chèrement sa peau, le Nadal vieillissant et grimaçant des dernières semaines n’était pas encore prêt à jeter l’éponge.

Et voilà que le Majorquin a puisé dans toutes ses ressources et toutes ses réserves pour réaliser l’impensable. Sans avoir disputé de tournoi régulier entre le 5 août 2021 (Washington) et le 5 janvier 2022 (Melbourne Summer Set), voilà qu’il remporte un tournoi préparatoire et le premier majeur de l’année en signant une séquence de 11 victoires.

Une véritable conquête, par un être d’exception.

Photo : Australian Open

Par ailleurs, ce n’est pas tous les jours qu’on couronne un NOUVEAU meneur dans la colonne des titres de grands chelems.

Bien sûr, c’est particulièrement vrai chez les dames, puisque c’est la même personne qui occupe le haut de l’affiche depuis septembre 1970 — Margaret Smith Court a remporté un 20e tournoi majeur, devançant l’Américaine Helen Willis (19e).

On pourra toujours contester le fait que le total de 24 trophées de l’Australienne a été gonflé par 7 titres australiens — consécutifs — à une époque où il n’y avait… que des Australiennes, ou presque, qui participaient à ce premier tournoi majeur de l’année.

Mais passons. Chez les hommes, il n’y a pas eu beaucoup de passations de pouvoirs au cours des cinq dernières décennies alors que quatre hommes seulement ont pu se targuer d’être en tête de liste.

Voici d’ailleurs les données des 55 dernières années.

Joueur Titres Meneur pendant…
Roy Emerson (AUS) 12 33 ans, 1 mois (de 1967 à 2000)
Pete Sampras (USA) 14 9 ans (de 2000 à 2009)
Roger Federer (SUI) 20 12 ans, 6 mois (de 2009 à 2022)
Rafael Nadal (ESP) 21 ???

Combien de temps l’Espagnol de 35 ans pourra-t-il occuper seul cette position de tête, surtout avec un compétiteur de la trempe de Novak Djokovic, d’un an son cadet ?

À moins que ces deux hommes, à la mi-trentaine, ne soient rejoints par un quadragénaire bien connu. Mais compte tenu de ses absences à répétition, de l’état de ses genoux et… de son âge, un 21e titre par Roger Federer relèverait plutôt du miracle.

En conclusion à cette quinzaine remarquable, voici un des meilleurs tweets publiés quelques minutes après la conclusion de la finale, dimanche matin. Celui de WeAreTennis, alors qu’une photo d’archives, illustrant Djokovic et Federer, semblait effectivement montrer les deux autres champions en train de regarder un téléviseur, sur le bord d’un court, tout en acquiesçant la grandeur de leur déjà légendaire collègue qui venait de les dépasser.

Les deux hommes ont d’ailleurs fait parvenir leurs félicitations d’usage au vainqueur par le biais des réseaux sociaux.

Novak Djokovic sortant de son silence de plus de deux semaines pour lui rendre hommage…

Et Roger Federer, par un message touchant et amical…

Lady Ashleigh

Photo: Australian Open

Déjà qu’on l’aimait beaucoup.

Déjà qu’elle avait, selon moi, remplacé une Serena Williams sur le déclin comme « visage de la WTA », une opinion exprimée en juillet dernier dans ce blogue.

Déjà qu’elle était une des icônes sportives de sa nation.

Voilà qu’Ashleigh Barty a cimenté le tout bien solidement, le 29 janvier 2022, en remportant le titre des Internationaux d’Australie, à Melbourne. La sympathique Australienne de 25 ans a mis fin à une disette de 44 ans, devenant la première athlète de ce pays, femmes ou hommes confondus, à gagner ce tournoi.

Aussi renommés soient-ils — et forts de deux titres du Grand Chelem chacun, ses distingués compatriotes Lleyton Hewitt et Patrick Rafter n’auront jamais connu cette joie.

Et la championne l’a fait avec style. Alors que sa rivale Danielle Collins servait pour la deuxième manche, à 5-1, l’idole locale a réussi un retour spectaculaire pour compléter la victoire au jeu décisif. Pointage final : 6-3, 7-6.

Tout ça après s’être accordé une pause de quatre mois de la compétition. De retour le 5 janvier, à l’instar de Rafael Nadal, elle a enchaîné un tournoi préparatoire (Adélaïde) et ce majeur avec 11 victoires de suite.

Il s’agit de son troisième titre du Grand Chelem en moins de deux ans et demi. Elle trône au sommet de la WTA avec une avance de plus de 2 600 points.

Aussi bien dire qu’elle trône au sommet… du monde.

Photo : AusOpen.com

Il n’y a que quatre villes dans le monde où se tiennent ces prestigieuses compétitions. Il n’y a donc que les joueuses ou les joueurs de quatre pays qui peuvent offrir un titre aussi important à leurs compatriotes. Dans un sport individuel comme le tennis, et où les tournois du Grand Chelem ne déménagent que très rarement, le mot exploit prend tout son sens.

Rappelez-vous en 2013, quand les Britanniques ont ressenti ce grand frisson. Andy Murray venait de mettre fin à une traversée du désert encore plus longue. En remportant le tournoi de Wimbledon, l’Écossais devenait le premier joueur du pays, en 77 ans, à triompher lors de ce mythique tournoi sur l’herbe londonienne.

Pour ce fait d’armes (suivi d’un autre titre à Wimbledon et de ses deux médailles olympiques), il a été ennobli trois ans plus tard, étant fait Chevalier, la plus haute distinction que l’on puisse attribuer à un citoyen du Royaume-Uni. On peut désormais l’appeler « Sir Andy ».

Si Ahsleigh Barty était née à Ipswich, au Pays de Galles, plutôt qu’à Ipswich, dans l’état du Queensland (en banlieue ouest de Brisbane), peut-être recevrait-elle aussi la noble appellation de « Dame Ashleigh » ?

Sinon, j’aime bien « Lady Ashleigh ». Cette petite joueuse — mais grande dame — vient d’entrer dans la légende du sport australien.

Et n’en ressortira jamais.

Photo : WTA

Le jeu des prédictions

Infographie : Australian Open

Appelez ça comme vous voulez. Prédictions, « Fantasy », « Poll », etc.

Les amateurs (et même les professionnels) ont toujours du plaisir — ou de l’angoisse — à se prêter au jeu des prédictions avant les tournois. Et pas seulement parce qu’il y a un montant d’argent, mais bien pour l’honneur.

Certains résultats sont plus faciles à prédire quand les adversaires sont au nombre de… deux. Mais lorsqu’un tournoi de golf démarre avec 144 participants ou encore qu’un tournoi tennis du Grand Chelem présente 128 joueurs, disons que ça prend de bonnes connaissances et… un peu de chance pour viser dans le mille.

Mais on l’a dit, c’est un jeu.

Et celui auquel Tennis Canada avait soumis huit représentants des médias était aussi amusant que difficile. Certains sont passés bien près et d’autres… un peu moins. Surtout quand il s’agissait des négligés ou des contes de fées.

D’abord, chapeau à trois de mes distingués collègues pour avoir misé juste sur les champions des tableaux féminin et masculin du simple. Carolyn Cameron (SportsNet), Mark McMasters (TSN) et Mike McIntyre (balado Match Point Canada) ont joué la carte de la logique avec Ashleigh Barty et la carte de la légende (ou de la nostalgie, c’est selon) avec Rafael Nadal. Certains, dont je fais partie, sommes toujours tentés d’y aller avec l’air du temps (Medvedev ou Osaka) ou l’élément de surprise (Sabalenka, Kontaveit).

Sans succès.

Voici quels étaient les choix de départ des huit participants.

Quelques réflexions, maintenant, sur les autres catégories.

Vous aurez noté que la majorité avait indiqué que Félix Auger-Aliassime serait le Canadien à se rendre le plus loin. Et, non seulement avons-nous vu juste, mais il a été accompagné par son compatriote et ami Denis Shapovalov jusqu’en quart de finale.

En ce qui concerne les « négligés » (Dark Horse) et les « contes de fées » (Cinderella Story), il y avait quelques suggestions intéressantes.

Évidemment, le nombre de négligés dans un tournoi est forcément plus grand que celui des favoris aux titres. Et, comme il faut s’y attendre, peu de ces prédictions se sont avérées.

Deux mentions fort honorables. D’abord, Ben Lewis (balado Match Point Canada) a vu juste pour son « conte de fées » quand l’Américaine Danielle Collins s’est pointée en finale.

Âgée de 28 ans, celle qui n’a atteint le Top 50 qu’en avril 2018 et dont le meilleur rang à vie était le 23e échelon il y a 3 ans (27 janv. 2019), a connu le tournoi de sa vie, n’étant battue que par la favorite locale et numéro un mondiale qu’au tout dernier match de la compétition.

D’ailleurs, pour en apprendre un peu plus sur cette Danielle Collins qui semble être, non seulement une personne aussi particulière que fascinante, mais également l’incarnation de l’athlète qu’on qualifie de « late bloomer », celle qui arrive à maturité sur le tard, je vous suggère cette intéressante lecture de la journaliste Lili Anolik dans la plus récente édition du magazine Racquet.

Et, comment ne pas féliciter Hugues Léger qui avait nommé Rafael Nadal comme son négligé du tournoi ? Car, entre vous et moi, avec la possibilité de voir Novak Djokovic décrocher un 10e titre en Australie ou de voir un Daniil Medvedev enchaîner ses succès de la fin de 2021 jusqu’à Melbourne, peu d’entre nous (ou d’entre vous) avaient prédit que Nadal l’emporterait, surtout après une absence de compétition de cinq mois.

Et, pourquoi pas, on pourrait alléguer que Ashleigh Barty mérite AUSSI de s’avérer le conte de fées, ayant décroché son premier titre du Grand Chelem, en carrière, chez elle. Un exploit qui n’avait pas été accompli par une fille ou un fils du pays depuis… 44 ans, quand, en 1978, sa compatriote Chris O’Neill l’avait emporté.

Infographie : AusOpen.com

Et la tradition continue…

Image : TSN

Ils ont pour prénoms Félix et Denis…

Elles ont pour prénoms Victoria et Kayla

Dans ce qui est maintenant convenu d’appeler une « tradition » canadienne chez les juniors, Victoria Mboko et Kayla Cross ont atteint la finale d’un tournoi du Grand Chelem. Elles ne l’ont peut-être pas remporté, mais comment ne pas se réjouir de cette réussite par deux membres de notre relève.

Deux adolescentes qui, au cours de la dernière décennie, ont vu triompher sur la grande scène des duos canadiens composés de Shapovalov et Auger-Aliassime ainsi que de Bianca Andreescu et Carson Branstine. Sans oublier celles qui ont obtenu du succès avec des partenaires d’autres pays comme Eugenie Bouchard, Carol Zhao et Leylah Annie Fernandez. Tout comme un duo de Sébastiens (Lareau et LeBlanc), sans oublier les Greg Rusedski, Jocelyn Robichaud et Frank Dancevic.

Une bien belle tradition, en effet.

Elles ont franchi la première étape, celle du rêve d’enfant à celui du passage dans les grands stades de tournois majeurs. Cette année, sans connaître l’euphorie du triomphe, elles ont cogné à la porte à l’issue d’un impressionnant parcours dont vous pourrez relire les détails sur ce compte-rendu.

Voilà présage à un bel avenir.

Une raquette, six roues, des tonnes de trophées

Photo : Australian Open

S’il y a congestion au sommet des plus grands joueurs de simple en Grand Chelem masculin, le monde du tennis masculin en fauteuil roulant possède son dieu.

Il s’appelle Shingo Kuneida et il a ajouté un onzième titre à Melbourne. Pas un 11e en tournois du Grand Chelem… un 11e à Melbourne seulement !!!

Maître incontesté du sport, Kuneida totalise en fait 26 titres du Grand Chelem. Et ça, c’est en simple. En incluant le double (21), il en compte 47 au total.

Dès sa première participation, en 2007 à Melbourne, le Japonais de 37 ans avait remporté consécutivement ses cinq premiers titres. Il a soulevé le trophée huit fois en neuf ans.

Notons qu’il a réussi le Grand Chelem calendaire en 2014… et qu’il est champion olympique des Jeux de 2008, 2012 et 2020.

Si ce palmarès ne vous donne pas le vertige, il vous confirme sans nul doute que l’acronyme anglais G.O.A.T. (Greatest Of All Time) lui appartient dans son domaine.

Depuis longtemps… et pour encore très longtemps.

Photo : Australian Open

Pendant ce temps, Vasek…

Photo : Le Télégramme

Loin des projecteurs de Melbourne, un vétéran canadien continuait de se battre dans l’un des rares tournois à être tenus pendant un majeur. Et il a triomphé !

Vasek Pospisil, 138e mondial, a battu le Français de 28 ans Grégoire Barrère (167e) en finale du Challenger intérieur de Quimper, dans la Bretagne française. Pospisil a prévalu en trois manches de 6-4, 3-6, 6-1.

En voici les faits saillants :

Photo : TennisActu.net

Pospisil remportait donc son premier titre en 35 tournois, soit en deux ans et demi. Le Britanno-Colombien avait soulevé deux trophées consécutifs sur le circuit Challenger, à La Vegas et à Charlottesville, entre le 14 octobre et le 3 novembre 2019.

Il s’agissait du dixième titre Challenger de sa carrière.

À 31 ans, le joueur de Vernon amorce l’année du bon pied — et du bon dos — lui qui a obtenu un dossier de 9-2 en trois tournois. Vasek a retranché 17 places à son classement ATP pour occuper le 121e échelon.

Incidemment, Pospisil n’est qu’à trois rangs de Milos Raonic (118e) qui n’a toujours pas donné de nouvelles d’un éventuel retour. En 2021, le vétéran ontarien n’a disputé que 10 matchs en cinq tournois (6-4). Sa blessure au talon l’a obligé à faire l’impasse sur la campagne australienne et pour la première fois depuis 2011, il se retrouve en dehors du Top 100.

Courriel : privard@tenniscanada.com

Twitter : @paul6rivard

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