Leylah Fernandez smiles with her arms open towards the crowd at the US Open

Photo : camerawork usa/Tennis Canada

Une nouvelle génération d’adolescents a volé la vedette depuis le début de cette édition des Internationaux des États-Unis.

Leylah Annie Fernandez (19 ans depuis le 6 sept.), Carlos Alcaraz (18 ans) et Emma Raducanu (18 ans) étaient déjà connus, mais leurs spectaculaires réalisations ont fait les manchettes de cette première semaine.

Le public se prend toujours d’affection pour ces surdoués qui arrivent à tenir tête aux vedettes de leur sport. Difficile de dire quel ado a le plus charmé la planète tennis au cours du tournoi, mais soyons chauvins et votons pour notre représentante, Leylah.

Le principal fait d’armes de Fernandez aura été de surprendre la troisième joueuse mondiale, championne en titre et quatre fois titrée en tournois du Grand Chelem, la Japonaise Naomi Osaka, au troisième tour, grâce à une éclatante victoire de 5-7, 7-6 (2) et 6-4, sur l’immense scène du Stade Arthur Ashe devant plus de 20 000 personnes.

C’était le 3 septembre.

Avec sa candeur — mais aussi une grande confiance en ses moyens — Fernandez a tenu ces propos rafraîchissants sur le terrain, quelques minutes après sa victoire. Lorsqu’on lui a demandé comment elle se sentait quand, à 6-5 dans la deuxième manche, Osaka servait pour le match et que la Canadienne, 73e à la WTA, n’avait pas encore eu une seule balle de bris.

« Je crois que je voulais rester sur le court un peu plus longtemps. Et je voulais donner un spectacle pour les gens ici », mentionnait-elle dans un mélange de nervosité et de satisfaction. « Une heure sur le terrain, ce n’était pas suffisant pour moi. »

Puis, lorsque l’intervieweuse et ex-joueuse Mary-Jo Fernandez (aucun lien de parenté…) lui a demandé à quel moment de cette rencontre la Canadienne a cru qu’elle pouvait l’emporter sur sa rivale. « À partir du début, juste avant le match. Je savais que je pouvais gagner ! »

Arrogance ? Inconscience ? On pourrait le penser, en effet, si on ne connaît pas Leylah Annie Fernandez.

Mais sa confiance n’a d’égal que sa détermination. Et les lecteurs de ce blogue se rappelleront d’un passage, en mars dernier, lorsque Séverine Tamborero, du Centre national de tennis de Tennis Canada à Montréal, nous avait parlé d’une préado, toute menue, qui ne semblait avoir aucune limite à son ambition, il y a de ça près d’une décennie.

« Je me souviens. À 10 ans je lui avais demandé ce qu’elle voulait faire plus tard. Elle a clairement indiqué qu’elle voulait être une joueuse professionnelle. “Et si ça n’arrive pas” ? lui avais-je répondu… “C’est impossible que ça n’arrive pas parce ce que c’est ce que je veux !” Alors tout est parti de là. Cette fille a une détermination comme j’en ai rarement vu et c’est à la base de son succès. »

– Séverine Tamborero, à propos de Leylah Annie Fernandez.

Dans les jours suivants, elle refaisait le coup à deux autres grosses pointures, l’Allemande Angelique Kerber (17e mondiale) et à l’Ukrainienne Elina Svitolina (5e) pour faire un bond de quelques 37 rangs au classement et s’assurer d’intégrer le Top 40 de la WTA, la semaine prochaine. Rien de banal! 

Même sourire, même candeur en entrevue… et toujours cette attitude de gladiatrice.

Photo : camerawork usa/Tennis Canada

Quelques heures avant l’exploit de Leylah Annie survenait celui de Carlos.

Oui, l’Espagnol de 18 ans, Carlos Alcaraz, 55e à l’ATP, venait de surprendre le troisième joueur mondial, Stefanos Tsitsipas, dans un « thriller » de plus de quatre heures et conclu au jeu décisif de la manche ultime, 6-3, 4-6, 7-6 (2), 0-6 et 7-6 (5). Une prestation au terme de laquelle Tsitsipas a avoué n’avoir jamais vu une telle démonstration de puissance sur les coups droits d’un de ses rivaux.

Et, en remportant son match suivant (également en cinq manches) contre l’Allemand Peter Gojowczyk, il ajoutait à sa (très) récente légende en devenant le plus jeune athlète à atteindre les quarts de finale d’un Grand Chelem depuis Michael Chang à Roland-Garros, en 1990.

Le 13 septembre, il intégrera le Top 40, occupant la 38e position.  

La barre reste haute quant à le qualifier de prochain Nadal, mais disons que ça commence bien pour le surdoué de Murcia.

Infographie : blazetrends.com

Quant à Emma Raducanu, l’adolescente britannique et coqueluche de la dernière édition de Wimbledon, elle a continué sa montée fulgurante au classement grâce à une autre présence inspirante à Flushing Meadows, son deuxième tournoi majeur seulement.

En atteignant les demi-finales, l’athlète de 18 ans présente un dossier de 21-6 depuis le 7 juin. Qualifications comprises.

Emma Raducanu of the UK smiles and lifts her hands to her head
Photo : US Open

Pourquoi, le 7 juin ? Tout simplement parce que cette date marquait le début du tout premier tournoi WTA de sa carrière. À ce moment, elle occupait le 366e rang du classement de la WTA. Au début des Internationaux des États-Unis, elle se situait au 150e échelon. 

À N.Y., elle a coup sur coup éliminé la Suissesse Stefanie Voegele (128e), la Chinoise Shuai Zhang (49e), l’Espagnole Sarah Sorribes Tormo (41e), l’Américaine Shelby Rodgers (43e), celle qui venait d’éliminer la favorite, Ashleigh Barty, et la championne olympique de Tokyo, la Suissesse Belinda Bencic (12e). 

Cette autre série de brillantes prestations l’assure de grimper au 51e échelon, un bond de 99 places supplémentaires et de… 315 rangs en trois mois ! 

Ah oui… vous avais-je dit qu’elle avait disputé trois matchs de qualification avant le tableau principal ? Devrais-je ajouter qu’en huit rencontres à N.Y., elle N’A PAS PERDU une seule manche sur 16 ? Et qu’elle a gagné chacune de ces 16 manches par la moyenne impressionnante de… 6-3 ? 

Surréaliste! 

Emma aura 19 ans en novembre.

Mine de rien, les comparaisons commencent à fleurir. Et pas les moindres…

Voilà qui n’est pas sans rappeler la poussée météorique d’une certaine Bianca Andreescu, en 2019, à l’âge de 19 ans.

FAA c. RBA: DATE À RETENIR

Vous étiez nombreux, devant votre écran, en ce dimanche soir du 5 septembre pour suivre le duel canado-américain, sur la plus grande scène tennistique de la planète, en heure de grande écoute.

Et quelques minutes après cette autre victoire inspirante de sa jeune compatriote Leylah Annie Fernandez.

Malgré tout le mérite de cette réussite par Félix Auger-Aliassime, ce n’est pas ce match qui me permet de croire qu’un déclic important vient de se produire dans son cas.

Dans ce match de 3 h 55 min, le Québécois a justifié toutes les belles attentes placées en lui depuis des années en matérialisant ses atouts dans une même rencontre.

Le vétéran espagnol n’est pas un client facile, c’est peu dire. Il peut faire durer un échange toute la nuit si vous lui renvoyez la balle. Et même si vous le poussez dans ses retranchements, sa muraille défensive peut venir à bout de la patience la plus inébranlable.

Félix a tenu tête. Et il a tenu bon.

Auger-Aliassime roars US Open

De longs échanges… de très longs échanges — dont un de 34 coups d’où le Québécois est ressorti gagnant tout en invitant la foule à l’applaudir dans un stade Louis-Armstrong survolté.

Et les aces. Son total de 27 aces (vous avez bien lu) lui a permis d’ajouter la couche nécessaire à une résistance exceptionnelle face au tenace Bautista-Agut.

Après deux manches et demie, il avait limité les fautes directes au minimum, dans les circonstances. Après un passage à vide quasi prévisible, il a repris le contrôle dans la dernière, au moment où ça comptait le plus.

Parlons-en, de cette réaction à l’adversité. Après avoir multiplié les fautes directes et cédé les manches trois et quatre à son pugnace adversaire, le jeune homme de 21 ans a retrouvé ses marques dans la manche décisive pour remporter ce qui pourrait être une des victoires les plus marquantes de sa jeune carrière.

Il aura peut-être accumulé 74 fautes directes, mais il a surtout dominé son rival par 77-17 au chapitre des coups gagnants, ce qui en dit long sur : 1) sa propension à jouer du tennis offensif par rapport au jeu de prudence (dans lequel il se complaisait trop souvent) et 2) le fait qu’un Bautista Agut use la patience de ses adversaires en retournant la balle indéfiniment.

Félix a déjà eu le mérite de battre des gros noms au cours de la dernière année. Mais, avec tout mon respect et mon admiration, il faut admettre que plusieurs de ses victimes mieux classées avaient disputé soit de (très) mauvais matches (Shapovalov à Madrid… Schwartzman à Rome… Federer à Halle… Matteo Berettini à Cincinnati).

Cette victoire contre Roberto Bautista Agut est peut-être ce déclic qu’on attendait pour Félix. Et elle survient un mois après son 21e anniversaire de naissance.

Serait l’âge de la majorité… tennistique ?

Felix Auger Aliassime holds his fists up after a awin
Photo : camerawork usa/Tennis Canada

Toujours est-il qu’il a probablement été encore meilleur dans son match suivant, en huitième de finale, face à Frances Tiafoe. Car il opérait dans un environnement extrêmement hostile.

Un mauvais départ et des millions de balles de bris non concrétisées ne l’ont pas empêché de changer un déficit d’un set à zéro en une victoire de quatre manches aux dépens de l’Américain.

Et de plus de 20 000 personnes hurlant de satisfaction à chacun des points de leur favori.

Voilà qui promet.

Poche étroite, balles vivantes

Comme si le match des deux « F » n’était pas suffisamment intense et dramatique, un incident très inhabituel s’est produit pendant le duel. Et deux fois plutôt qu’une. Incident qui aurait pu avoir une incidence sur le résultat final, même s’il était infiniment banal.

Pendant deux échanges, assez rapprochés, la balle qu’Auger-Aliassime gardait dans sa poche gauche est sortie. Entraînant chaque fois un appel de l’arbitre de chaise qui devait juger si l’un des deux joueurs avait été dérangé et méritait qu’on rejoue le point.

« Ça m’est arrivé, une fois, à Cincinnati et c’était la première fois de ma vie. Maintenant, deux fois ici… c’est fou ! (…) À un certain moment, je tenais la balle, frappant des coups droits et tenant la balle dans ma poche parce que je sentais qu’elle allait sortir. C’était fou. J’y pensais vraiment avant chaque service. »

Après le deuxième incident, Félix n’avait plus le choix. Il devait changer sa routine de service et demander une deuxième balle aux chasseurs comme le font, notamment, Bianca Andreescu et Serena Williams. Ce faisant, ce changement d’une routine que le joueur, comme tous ses semblables, effectue depuis qu’il est enfant risquait aussi de faire déraper sa concentration.

« J’ai été capable de rester concentré. Et je suis content d’avoir réussi parce que ç’aurait pu devenir compliqué », de conclure le Québécois en ajoutant qu’il allait probablement changer de short pour le prochain match…

De nouveaux visages…

L’entrevue de Félix Auger-Aliassime, au pupitre d’ESPN, s’est conclue sur une note sociosportive des plus positives lorsque le commentateur (et ex-joueur) James Blake, un Afro-Américain, a souligné au jeune Montréalais que ce match spectaculaire venait de réunir deux joueurs noirs, dans le plus gros stade de tennis de la planète et qui porte le nom d’un modèle et précurseur, le défunt Arthur Ashe.

« Je suis content que vous me posiez la question », dit Félix qui l’attendait, visiblement. « Nous venons de loin, Frances et moi. Nos familles ont des histoires difficiles. Alors, juste le fait d’être ici aujourd’hui pour apporter de nouveaux visages au tennis et d’inspirer des enfants à New York et partout dans le monde… j’espère que nous verrons beaucoup de nouveaux visages à l’avenir, au tennis. Je suis heureux que Frances et moi puissions faire partie de ce groupe pour en inspirer d’autres. »

Auger-ALiassime and Tiafoe handshake US Open
Photo : camerawork usa/Tennis Canada

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