Ce n’est un secret pour personne, le Centre national de tennis a développé plusieurs espoirs depuis l’émergence des célèbres Félix et Bianca.  

Nombre de nos juniors se signalent dans les tournois internationaux avant de s’attaquer à leur rêve ultime, une carrière internationale, sinon à un séjour hautement compétitif sur le circuit américain de la NCAA. 

Comme vous le constaterez au bas de ce texte, le Canada place actuellement quatre de ses joueuses dans le Top 100 mondial junior alors qu’un seul y trouve refuge chez les garçons, Jaden Weekes. 

Et, sans égard aux classements respectifs, force est d’admettre que le Montréalais fait écarquiller bien des paires d’yeux. 

Actuellement classé 24e mondial chez les juniors, Jaden vient de compléter un séjour de cinq semaines en Europe, principalement en Italie, avant de s’attaquer à l’épreuve junior de Roland-Garros, à Paris.  

Sa campagne préparatoire s’est soldée par un excellent dossier de 10 victoires et 4 défaites en cinq tournois, avec une demi-finale et un titre au passage. En double, avec trois partenaires différents, sa fiche est de 8 gains et 4 revers, ce qui comprend une finale et un titre en cinq tournois également, titre acquis à Salsomaggiore, en Italie, avec l’Américain Aidan Kim. 

Je l’ai joint à Milan, avant son départ pour la France, et j’ai discuté avec lui tout en recueillant quelques observations du vétéran entraîneur Martin Laurendeau, qui l’accompagne depuis trois ans au Centre national. 

« Je suis très content de cette séquence, surtout que la terre battue n’est pas une surface où je suis très à l’aise, normalement », reconnaît le Québécois. « Ça m’a pris un peu de temps à m’ajuster et j’ai perdu mon premier match de simple à Beaulieu-sur-Mer (Côte d’Azur), mais je me suis rendu en finale du double, ce qui m’a donné confiance. Ensuite, quart de finale en simple et victoire en double à Salsomaggiore (Italie) alors que je trouvais peu à peu mon rythme. Puis, victoire en simple à Prato où j’ai joué mon meilleur tennis depuis longtemps. » 

Un constat que partage son mentor, et même plus. 

« Cette tournée s’est déroulée un peu mieux qu’on pensait », avoue d’emblée Laurendeau qui fait allusion à la terre battue rouge, différente de celle (grise) sur laquelle il s’est entraîné au Centre National, à l’intérieur. « Face à plusieurs adversaires beaucoup plus habitués que lui à cette surface, il a tout de même accumulé d’excellents résultats, tant en simple qu’un double, lors de cette tournée ou les tournois étaient relevés. En incluant Roland-Garros, ça lui aura fait une séquence de près de deux mois sur la terre battue. » 

Comme le souligne l’entraîneur d’expérience, cet apprentissage rendra son jeu plus complet et l’aidera lorsqu’il amorcera la séquence sur surface dure.  

« Son jeu d’attaque et de contre-attaque y gagne, tout comme ses changements de vitesse, sa patience dans les échanges et son jeu en subtilité également. » 

Weekes en sera à sa première expérience dans le temple français de la terre battue.  

« Je suis très excité de me retrouver là. Juste le fait d’y jouer me rend fier… même si, bien sûr, je vais tout essayer pour gagner chaque match. » 

Il s’agira également du deuxième tournoi majeur pour le Canadien de 17 ans. En Australie, il avait atteint le deuxième tour du simple et la demi-finale du double.  

Photo : Martin Sidorjak 

On le sait, l’objectif en début de carrière reste le simple. Mais, on l’a vu depuis longtemps, le double constitue un ajout vital pour ces athlètes, même lorsqu’ils sont devenus professionnels. Doit-on rappeler à quel point le double a fait de Denis Shapovalov un joueur plus complet et lui a permis d’acquérir une maestria impressionnante au filet ? Et ces aspects sont les mêmes pour lesquels Jaden voit une nette amélioration dans son jeu… sans oublier un aspect important, le plaisir. 

« Ça m’aide beaucoup, surtout lorsque je perds tôt en simple dans un tournoi et ça me permet de rester compétitif. Et surtout, c’est plaisant de pouvoir évoluer avec un partenaire, d’être détendu et même de rigoler. » 

Martin Laurendeau confirme : « Félix et Shapo n’étaient pas fervents du double, au début. Mais on a vu tout ce que ça leur a apporté… »

Photo : Martin Sidorjak  

À Paris, c’est avec l’Américain d’origine turque Ozan Colak (30e) qu’il a choisi d’évoluer en double. Même s’ils se connaissent depuis longtemps et qu’ils faisaient le projet de jouer ensemble, il s’agira d’une première pour ce duo. 

Il est Canadien, il est gaucher, il adore le tennis d’attaque, et il est encadré par Martin Laurendeau pour sa transition vers la vie professionnelle. 

Ça vous rappelle quelqu’un ?  

En effet, à l’incontournable question « À quelle vedette de l’ATP peux-tu t’identifier quant à ton style et ton jeu ? », le Montréalais répond d’emblée : Denis Shapovalov. 

« On a un peu le même style de jeu, on aime être agressif et monter au filet pour finir le point. On est “all in” (le tout pour le tout). Et on a eu le même coach (rires). » 

Photo : Martin Sidorjak  

En guise de comparaison, Laurendeau se rappelle la première saison sur terre battue de Shapovalov. « Ce n’était pas la séquence la plus fructueuse… il avait beaucoup à apprendre. Mais là, vous voyez la différence. Ce sont des passages obligés difficiles au début, mais qui portent leurs fruits quelques années plus tard. Et Jaden est dans ce même processus et présentement, il va au-delà de mes attentes », de conclure l’analytique Laurendeau. 

Weekes et Laurendeau sont à pied d’œuvre depuis le 22 mai, soit une semaine exactement avant le début des activités du tableau principal. Peu importe le résultat à Paris, ou dans les deux autres épreuves du Grand Chelem auxquelles il pourrait participer avant la conclusion de son stage junior, Jaden Weekes présente plusieurs caractéristiques nous permettant de croire qu’il pourrait faire carrière chez les pros. 

Et plus tôt… que tard. 

Photo : Martin Sidorjak  

En terminant, à titre informatif, voici qui étaient les leaders des classements mondiaux juniors (et les Canadiens les mieux classés) avant la tenue de Roland-Garros :  

Garçons

RangNomPaysÂge
1Bruno KuzuharaUSA18
2Daniel VallejoPAR18
3Jakub MensikCZE16
4Mili PoljicakCRO17
24Jaden WeekesCAN17
159Duncan ChanCAN16
225Junghee YouCAN17

Filles 

RankingNameCountryAge
1Petra MarcinkoCRO16
2Sofia CostoulasBEL17
3Linda FruhvirtovaCZE17
4Brenda FruhvirtovaCZE15
13Victoria MbokoCAN15
24Kayla CrossCAN17
36Annabelle XuCAN18
51Mia KupresCAN18

Jo & Gilles : les adieux à RG

Photo : Eurosport.fr 

Tsonga, Simon. 

Ils faisaient tous deux partie de ces « Quatre Mousquetaires » du tennis contemporain français. En compagnie de Richard Gasquet et Gaël Monfils, ils ont grandi ensemble, sur et hors courts, et donné à leurs compatriotes de grandes émotions au cours des deux dernières décennies et près d’une soixantaine de titres ATP. 

Cette édition de Roland-Garros marque le baisser de rideau pour Gilles Simon et Jo-Wilfried Tsonga. 

Vétérans de 37 ans, ils avaient annoncé leurs couleurs il y a quelque temps déjà. Et c’est dans le sanctuaire vénéré du tennis français qu’ils ont choisi de tirer leur révérence. 

Coup de fil à Paris, chez Louis Borfiga, qui a fait exploser le tennis chez nous entre 2006 et 2021, mais SURTOUT, qui était à l’origine d’une percée similaire dans les 15 années précédentes, chez lui, en France. 

Retourné chez lui à la fin de l’été 2021, Borfiga travaille à temps partiel à la FFT, mais n’est plus investi dans le développement. Il appuie notamment les directeurs Nicolas Escudé et Paul-Henri Mathieu, deux ex-joueurs, dans le dossier de la politique sportive et des orientations d’avenir. 

Photo : La Presse 

Celui qu’on appelle affectueusement Luigi se promet d’aller encourager Tsonga et Simon au moment de ces matchs d’adieux. Et, bien évidemment, il se sent nostalgique.  

« C’est pas mal d’émotion, quoi. Car ça ranime des souvenirs… et de beaux souvenirs. Jo et Gilles avaient tous les deux 15 ans lorsque je les ai rencontrés en 2000, à l’INSEP » (Institut du Sport, de l’Expertise et de la Performance), rappelle le vénérable dépisteur de talents. « Il y a de quoi être fier puisqu’ils ont tous deux atteint le Top 10. Et ils ont réussi leur vie en tant qu’individus. » 

En voyant le résultat du tirage, on aurait pu parler de malchance. Car, pour leur dernier RG, Tsonga et Simon auraient pu tomber sur de moins grosses pointures que les Casper Ruud et Pablo Carreno Busta, respectivement 8e et 18e joueurs mondiaux. 

« Je ne suis pas d’accord », réplique Borfiga. « Finalement, ce n’est pas plus mal de jouer de très bons joueurs d’entrée. Ce sera plutôt une belle fête. Et d’autant plus agréable si l’un des deux ou les deux créent des surprises. »

Et le public a cru en Tsonga, lors des deux premières heures, alors que lui et son rival avaient enlevé chacun manche en bris d’égalité. Mais c’était une question de temps avant que le Norvégien ne fasse respecter la logique, l’emportant 6-7 (8), 7-6 (4), 6-2, 7-6 (0), en 3h49m. 

Photo : NouvelleFR. Com

Puis, le Français a eu droit à une longue et émouvante cérémonie d’adieu de plus de 20 minutes, par le tournoi, ses collègues, ses amis et sa famille.

Quant à Simon, quelques heures après son compatriote, il a donné raison à Borfiga, surprenant Carreno Busta en cinq manches, 6-4, 6-4, 4-6, 1-6, 6-4.

Photo : NouvelleFR. Com

Au sujet du tennis français en général, Louis Borfiga est confiant pour l’avenir. De la génération actuelle, il aime bien les performances des Ugo Humbert, Benjamin Bonzi et Arthur Rinderknech. Mais c’est dans la suivante qu’il perçoit l’avenir le plus rose.  

« Arthur Fils, principalement. Il est en tête d’un contingent exceptionnel. Également, Luca Van Assche, Sasha Wayenburg, Gabriel De Bru. C’est très prometteur. » 

Photo : ITF 

Impossible de le quitter sans lui demander ce qu’il pense de son « œuvre canadienne », près d’un an après son départ. Sans vouloir montrer de préférences sur le quatuor qui fait la fierté du Canada dans les deux circuits, il réitère son admiration pour ce retour à la forme de Bianca Andreescu, qui a montré une progression constante sur la terre battue.  

« Bianca, je n’ai pas changé d’avis depuis son sacre de 2019. Pour moi, c’est une des meilleures joueuses du monde. »

Photo : WTA

Il persiste et signe. « Le tennis féminin a besoin de Bianca ! Et comme je pense la même chose de Iga Swiatek, ce serait merveilleux qu’il y ait une rivalité Bianca-Swiatek qui s’installe. » 

Peut-être bien dès la prochaine finale de Roland-Garros, monsieur Borfiga. Pourquoi pas ? 

Dans le tableau, en couple 

Photo : Yahoo Sports Australia 

Denis Shapovalov pouvait compter sur la présence de quatre autres compatriotes dans les tableaux principaux de Roland-Garros. Mais également de sa conjointe.

Mirjam Björklund, 150e mondiale, a traversé plutôt facilement la phase qualificative pour accéder à son premier grand tableau. La Suédoise de 23 ans a battu coup sur coup l’Espagnole Andrea Lazaro Garcia (183e), 6-3, 6-4, l’Australienne Lizette Cabrera (181e), 6-2, 6-2 ainsi que la Roumaine Mihaela Buzarnescu (118e), 6-1, 6-3

Photo : Roland Garros

Et, bien sûr, son amoureux n’a rien raté de cet exploit personnel.

Photo : Tom Tebbutt

Il s’agit d’une première présence au tableau principal d’un tournoi majeur pour la Suédoise. À Melbourne, en janvier, elle avait été éliminée au dernier tour des qualifications.  

Elle compte deux victoires dans un tournoi de catégorie WTA 250 (Bogota) en 2022 et une dans un WTA 125 (Prague) en 2020. 

Photo : Swedish Tennis Association  

Cette euphorie a été de courte durée, toutefois. Dès le premier dimanche de compétition, Bjorklund s’est inclinée 7-6 (6) et 6-2 face une autre qualifiée, la Croate Donna Vekic, 100e à la WTA. 

À la française

Image : Canal Plus

Je conclus cette édition avec un amusant montage de la chaîne Canal Plus qui s’est servie de clichés souvent associés aux Français pour modifier quelques objets courants du tennis (raquettes, balles, et bouteilles d’eau) pour les remplacer par des bouteilles de vin, du fromage et des pains baguettes. 

Comment ont-ils réussi ce tour de force ? 

Facile. Rappelez-vous cette maxime célèbre : « Impossible, n’est pas français. »   


Courriel : privard@tenniscanada.com 

Twitter : @paul6rivard 

Pour suivre tous nos Canadiens à la trace, c’est ici.

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