Novak Djokovic crouching on the Wimbledon Centre Court with an approval expression on his face

Photo : Tennis Photo Network/ATP Tour

Ça m’a pris une bonne semaine avant de me décider à écrire cette question :

Sommes-nous sur le point de broder les lettres « G.O.A.T. » sur le chandail de Novak Djokovic ?

D’abord, une mise au point — et toutes mes excuses aux inconditionnels du Djoker et de Rafa Nadal. Bien que je reconnaisse totalement l’aura d’excellence qui entoure le Serbe et l’Espagnol, je suis de ces inconditionnels de Roger Federer et je le resterai jusqu’à la fin. Je souhaiterai toujours, secrètement, qu’il remporte un autre tournoi du Grand Chelem, même lorsqu’il aura 85 ans.

J’ai la même casquette depuis la création de ce logo… paRFait.

Paul RIvard wearing his ild Roger Federer hat

Voilà, c’est dit.

Maintenant, voyons les choses en face.

Cette édition 2021 de Wimbledon pourrait fort bien permettre à Djokovic de revendiquer ce fameux acronyme anglais G.O.A.T. (Greatest of All Time) dans l’histoire du tennis. Un titre qui semblait être tatoué sur la peau de Roger Federer lorsqu’il a amélioré à 20 le record du nombre de titres du Grand Chelem, jumelé à ce style classique, ce comportement irréprochable, cette personnalité sympathique et à tout le reste.

Mais voilà. Il y en avait deux autres, plus jeunes, qui étaient tapis en embuscade et qui ont comblé l’écart, lentement, inexorablement. D’abord Rafael Nadal (35 ans) avec ce 20e titre acquis à Roland-Garros, l’automne dernier, puis celui qui devrait fort probablement se joindre au duo « FE-DAL », Novak Djokovic (34 ans).

Vous me direz que l’Espagnol pourrait aussi revendiquer ce titre. Je ne crois pas. Et voici pourquoi.

Sauf mon respect pour l’œuvre de Rafa, 13 de ses 20 titres ont été acquis à la même place, sur l’ocre parisienne. Ceux de Djokovic sont répartis ainsi : 9-2-5-3 respectivement en Australie, en France, en Angleterre et aux États-Unis. Pour Nadal, c’est 1-13-2-4.

Mais ce n’est pas tout. À la fin de 2020, Djokovic rejoignait l’Américain Pete Sampras pour le nombre d’années complétées au premier rang mondial, soit six. En mars 2021, il devenait le joueur ayant passé le plus de semaines au sommet de la hiérarchie. Et il ne cesse d’améliorer cette marque qu’il a portée à 326, le lundi 21 juin, s’éloignant de son plus proche poursuivant, Federer (310).

Et ce qui ne nuit pas, il domine les bilans « victoires-défaites » face aux deux autres, par 30-28 sur Nadal et 27-23 sur Federer.

Il ne lui manquerait que la réalisation du quasi utopique Grand Chelem dans la même année de calendrier que seuls Rod Laver (1968), chez les hommes, et Steffi Graf (1988) chez les femmes, ont réussi. Et s’il fallait qu’il y ajoute le titre des Jeux olympiques pour le « Chelem en Or » (« Golden Slam »), ce que Graf a réalisé, Novak Djokovic serait inévitablement le G.O.A.T. ou, si vous préférez, le P.G.J.H. (Plus grand joueur de l’histoire).

Mais d’abord, maîtriser l’inégale et ultrarapide surface de Wimbledon.

La quête utopique de Serena

S’il est question dans le segment précédent du G.O.A.T. du tennis masculin, qu’en est-il de la détentrice de cet acronyme chez les dames ?

Martina Navratilova et Steffi Graf ont des bilans à vous donner le vertige, tant au niveau du nombre de titres que du nombre de semaines passées en tête du classement féminin. Mais aucune de ces deux légendes ne revendique autant de victoires en Grand Chelem que Serena Williams.

Avec 23, l’Américaine n’en a besoin que d’un autre pour égaler le record de Margaret Court, un record qui, selon moi, n’a pas de crédibilité pour les raisons étalées dans ce blogue, le 12 mai dernier et que je reproduis ici.

Quand Margaret Court a remporté ses 24 titres de Grands Chelems, le nombre d’athlètes et les talents planétaires de ce sport étaient à des années-lumière de ceux d’aujourd’hui. Australienne, Margaret Court a remporté « son » tournoi majeur à 11 reprises, dont sept fois de suite de 1960 à 1966, inclusivement. Le mot « Internationaux » n’avait alors que très peu de sens si on tient compte que, chaque année en moyenne, les joueuses australiennes y formaient… 83 pour cent du total des inscriptions. À ceux de 1960, 1961 et 1964, il n’y avait que deux joueuses étrangères. En 1962 et 1963, trois seulement.

Paul Rivard

Mais on comprendra Serena de vouloir à tout prix rejoindre et dépasser Court. On croyait bien qu’elle y parviendrait, en 2017, lorsqu’on l’a vue remporter un titre (ENCEINTE !) dans le pays même de Margaret Court.

Depuis, plus rien !

Et la COVID-19 n’explique pas tout.

Car, peu importe les raisons invoquées, Serena Williams ne joue presque plus. Et dans ce sport si exigeant, envahi par des tas de jeunes prétendantes, le manque d’entraînement ou de matchs ne pardonne pas.

Les membres du Top10 disputent en moyenne de 55 à 75 matchs, annuellement. Tout comme Serena le faisait avant 2017.

Serena WIlliams hold the Wimbledon trophy
Photo : Wimbledon

Voyez son emploi du temps des quatre dernières années. Et en tenant compte du fait que les années 2020 et 2021 ont été « spéciales » pour toutes, notez le pourcentage de matchs en tournois majeurs par rapport à ceux qui servent à les préparer. De 2018 à 2021, inclusivement, les moyennes de matchs disputés de Williams « hors GC » sont respectivement de 35,5, 50, 29 et 29 pour cent, annuellement.

Inévitablement, le manque d’action lui est fatal alors qu’elle tente de remporter cet insaisissable 24e sacre.

Stats table with Serena Williams' tournaments played by year since 2018
Source : coretennis.net

En quatre saisons, vous me direz que quatre finales et deux demi-finales sur un total de 12 tournois majeurs, ce n’est pas si mal. Et vous avez raison… pour d’autres que Serena.

Après sa défaite au carré d’as à Melbourne, Williams a passé près de trois mois sans compétition. Après une sortie au quatrième tour à Paris, elle a décidé de faire l’impasse sur les tournois préparatoires sur gazon, misant probablement sur son expérience et ses sept titres à Londres.

Si elle y triomphe, malgré le peu d’activité, elle méritera peut-être qu’on lui brode, à elle aussi, les lettres G.O.A.T. sur ses vêtements.

Mère et… entraîneuse

Entretemps, Serena continue de se consacrer son rôle de mère, ce qui a manifestement contribué à la réduction de ses déplacements dans les stades de la planète. Et personne ne pourra le lui reprocher.

Mais la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre et son enfant a, de toute évidence, le goût d’imiter maman.

Car outre le fait que la petite Olympia a quasiment fait ses premiers pas dans des stades de tennis ou sur des courts d’entraînement, elle peut avoir des conseils de premier ordre si elle aime suffisamment la balle et la raquette pour s’y adonner souvent.

Et à quel autre endroit que l’Académie de celui qui est l’entraîneur de maman ? Oui, celle de Patrick Mouratoglou.

Pas de J.O. pour Shapo

Le Canada sera privé d’un atout de taille aux Jeux olympiques de Tokyo puisque Denis Shapovalov a décidé de passer son tour.

Le nom de Shapovalov s’ajoute à une liste de vedettes qui, pour toutes sortes de raisons, ont décidé de faire l’impasse sur les Jeux. Cette annonce est survenue après celles de Naomi Osaka et de Rafael Nadal, sans oublier Dominic Thiem.

« C’était vraiment un choix difficile. J’ai toujours rêvé de représenter mon pays aux Olympiques. Je pense que tous les athlètes en rêvent en grandissant — surtout moi. À cause des restrictions dues à la COVID et de ce qui se passe en ce moment, mon équipe et moi avons décidé que c’était mieux de ne pas y aller. Mais c’est vraiment dommage », a expliqué Shapovalov, cité par le site Open Court, après son triomphe en quart de finale du Queen’s Club de Londres, le 17 juin.

Malgré l’absence de son joueur numéro un, le Canada peut se targuer d’avoir une grande profondeur dans son équipe. Il devrait être représenté par Félix Auger-Aliassime, Vasek Pospisil et Milos Raonic — à la condition que le grand Ontarien soit remis, bien évidemment, puisqu’il s’est retiré de Wimbledon en raison d’une blessure au mollet.

Ainsi, en simple comme en double, l’unifolié aura tout de même des chances de flotter au-dessus d’un podium tokyoïte. Qui sait ?

« ONSTOPPABLE ! »

Que de chemin parcouru pour Ons Jabeur au cours de la dernière décennie ! En 2011, elle était sacrée championne des épreuves juniors de Roland-Garros. Une première pour une joueuse arabe.

Depuis, Jabeur a enchaîné les performances inédites jusqu’à son triomphe au tournoi WTA500 de Birmingham, en Angleterre, alors qu’elle a vaincu Daria Kasatkina en finale.

Jabeur a traversé le tableau en signant cinq victoires, dont quatre ont été acquises avec une relative facilité, en deux manches. Une seule joueuse l’a poussée à la limite des trois manches et d’un jeu décisif… la jeune Canadienne Leylah Annie Fernandez.

Une réalisation qui lui a valu, par la WTA, l’excellent jeu de mots — ou néologisme — « Onstoppable »

Dorénavant 24e mondiale, sa prochaine mission, vous le devinez, sera d’être la première joueuse arabe à dominer la quinzaine à Wimbledon.

Matteo… César ?

Et puisque nous sommes dans les grandes premières, c’est une observation intéressante qu’a relevée le champion des statistiques, Andras Ruszanov, de db4tennis.com, quant au triomphe de Matteo Berrettini aux Championnats cinch, à Londres.

Le Romain a eu à vaincre trois gloires locales (Murray, Evans et Norrie) pour remporter le titre.

Berrettini devenait ainsi le tout premier Italien, homme ou femme, à triompher dans ce club aussi prestigieux que pittoresque depuis qu’on y bataille à coups de raquette, soit 1881 !

Le colosse de 1,96 m imitait ainsi, 2 076 ans plus tard, l’invasion d’un autre Romain en terre britannique, passablement connu lui aussi.

Son nom, Jules César.

Et contrairement, à Matteo, Jules n’avait pas réussi à conquérir les Britanniques malgré deux invasions. Mais il s’en était fait des partenaires commerciaux.

Ne soyons pas surpris si quelques entreprises britanniques songent à offrir un contrat ou deux à Berrettini s’il remporte Wimbledon.

On respire par le nez !

Les vidéos de joueurs de tennis qui détruisent leur raquette sont faciles à trouver sur le Web. Mais on ne peut en dire autant de ceux qui réussissent à se contenir et à garder l’objet intact.

C’est pourtant ce qui circule depuis la finale du tournoi de Halle (Allemagne) lorsqu’Andrey Rublev a fait montre d’une belle retenue. Il peut être sanguin à l’occasion, mais ici, il a réussi à préserver son outil de travail et la qualité de ce qui reste de surface gazonnée.

Et deux fois plutôt qu’une !

À moins qu’il ne dispose d’un dispositif aimanté dans ses poignets et sa raquette… !

Courriel : privard@tenniscanada.com

Twitter : @paul6rivard

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