1. Prenez 64 joueurs de l’élite du tennis – dont 16 font partie du Top 20.
  2. Saupoudrez 17 de ces gars dans un autre tableau, celui du double.
  3. Ajoutez la loi tacite du tennis qui veut qu’un joueur ne dispute JAMAIS un match de double avant un match de simple la même journée.
  4. Mettez plusieurs litres de pluie au début de votre mélange.

Et vous obtenez la recette d’un plat très compliqué. Ou pourrait-on dire, un véritable casse-tête des plus difficile à résoudre.

C’est pourtant le lot des organisateurs de l’Omnium Banque Nationale. Année, après année, après année.

Et même si on connaît la recette par cœur, pas facile de faire lever ce beau gâteau tennistique. Parlez-en au maître queux du tournoi, un « chef » de réputation mondiale qui n’en est pas à son premier festin.

Eugène Lapierre.

La plupart du temps, le chef et son équipe doivent se tourner sur un dix cents pour satisfaire tout le monde. Tâche difficile s’il en est une.

FÉLIX : JOUR OU SOIR ?

D’abord, il y a l’ATP, un circuit qui est maître après Dieu. Puis, les vedettes mondiales que le tournoi est choyé de recevoir, même si l’épreuve fait partie des neuf « Masters 1000 ». Et enfin, le public.

Et à Montréal, par exemple, on n’en avait que pour Félix Auger-Aliassime au début de la semaine. Avec raison, puisqu’il est devenu le tout premier Québécois à atteindre les quarts de finale du tournoi canadien.  

Photo : Paul Chiasson / La Presse Canadienne

Même si le tournoi attire des dizaines de milliers de spectateurs dans les gradins, ils sont des centaines de milliers de ses compatriotes à suivre Félix à la télé. En fait, ils sont des millions.

Et qui dit télé, dit heure de grande écoute, donc le soir. Et à part le match initial du mercredi 10 août, c’est en après-midi qu’on a programmé Auger-Aliassime, ce qui a entraîné de l’insatisfaction chez plusieurs amateurs.

Si Eugène Lapierre et son équipe ont encaissé les critiques, le directeur du tournoi a tenu à justifier cette décision par le fait qu’il doit suivre les recommandations de l’ATP et que, peu importe s’il est chez lui, il n’a pas le dernier mot.

RÈGLE IMMUABLE

« Il y a une convention en tennis. Les joueurs de simple qui sont aussi inscrits en double doivent jouer leur match de simple AVANT celui du double si les deux sont programmés la même journée », précise M. Lapierre d’entrée. Tout en sachant que cette gestion était très technique, il a tenté de vulgariser le tout.

« Bon, je sais que Félix ne joue pas en double ici. Mais dans le haut du tableau où il se trouve, il y avait beaucoup de joueurs de simple qui prenaient également part à l’épreuve du double. Et ils doivent disputer obligatoirement ces matchs de double après leur simple. Le même jour. C’était donc automatique, jeudi, qu’on devait placer majoritairement les joueurs du haut du tableau pendant le jour, et ceux du bas en soirée. »

Et lorsque ces éléments de programmation surviennent, ça définit carrément la tendance pour le reste de la semaine. Certains joueurs évolueront le jour, d’autres le soir. Et ce jusqu’à la finale où, forcément, le demi-finaliste gagnant, ayant évolué en soirée lors des trois journées précédentes, se retrouvera en journée pour la finale.

« Tout de même, comme la finale est programmée à 16 h, le finaliste qui aura joué la veille en soirée aura eu un repos appréciable », de préciser M. Lapierre.

Le vice-président de Tennis Canada a souvent tenté de sensibiliser les dirigeants du circuit mondial quant à ce problème. Car il reçoit la pression de son public et des réseaux de télévision pour qui la soirée est la période de grande écoute. Et vous pouvez ajouter les multiples commanditaires qui veulent voir leur marque briller devant le plus de paires d’yeux possible.

« Moi, j’aimerais beaucoup que ça change. J’en parle depuis des années à l’ATP, mais j’ai l’impression de prêcher dans le désert. Selon ma perception, je pense que c’est l’Association des joueurs de l’ATP qui reste réticente et qui verrait un tel changement comme une “gifle” pour les joueurs de double », explique M. Lapierre.

« Parce que si on changeait cette loi tacite, plusieurs joueurs de simple délaisseraient le double. Jouer un match de double avant celui du simple pourrait nuire à leur chance en simple, principal objectif de leur carrière. Ils invoquent le risque de blessures avant une rencontre vitale dans le tableau du simple, etc. »

Devant ce constant, et malgré ses tentatives de faire changer cette convention, Eugène Lapierre semble résigné.

« Ce n’est pas la tradition du tennis… depuis toujours, et je ne pense pas que c’est près de changer », conclut-il avec sagesse, en espérant que les amateurs auront pu comprendre ces choix déchirants auxquels sont confrontés des organisateurs.

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