Félix AugerAliassime stretches to hit a forehand in the Tokyo Olympics

Photo : Kopatsch/Sato/Sidorjak

Le 25 juillet, la première expérience de Félix Auger-Aliassime aux Jeux olympiques, tant rêvée et tant chérie, s’est rapidement transformée en cauchemar.

Le Canadien devait livrer bataille au vétéran — et double médaillé d’or — Andy Murray, mais le forfait de ce dernier a créé une place au repêché australien Max Purcell. Et, comme ça, en moins de deux heures, le 15e mondial s’est fait montrer la sortie par un joueur classé au 190e rang de l’ATP.

Il est évident que lorsqu’on se prépare à une confrontation qui nous stimule, nous excite, nous passionne, ce type de changement de dernière minute a un effet négatif et déstabilisant. Et Félix, malgré son professionnalisme, a inconsciemment pensé que l’étape Purcell ne serait qu’une formalité.

Félix Auger-Aliassime tosses the ball to serve.
Photo : Kopatsch/Sato/Sidorjak

C’est le point que soulevait d’ailleurs l’entraîneur Frank Dancevic, à Radio-Canada :

« Ce n’est pas facile pour quiconque de changer d’adversaire à la dernière minute. Vous pensez faire face à un gars et vous en affrontez un autre, qui a un style de jeu complètement différent d’Andy. Il faut s’ajuster mentalement. »

Frank Dancevic

Résultat, 23 fautes directes et un premier service en panne, assorti de 9 doubles fautes plus tard, il s’inclinait 6-4 et 7-6 (2).

« Parfois, quand tu perds un match comme celui-là, tu ressens des choses. Tu as de la difficulté à être constant. Et même à trouver des solutions lorsque tu ne joues pas bien. C’est ce que je dois améliorer », de déclarer Auger-Aliassime au journal montréalais La Presse. « Il y a beaucoup de parties (dans une saison). Tous les joueurs connaissent de bonnes et de mauvaises séquences. Sauf que les meilleurs trouvent une façon de s’en sortir lorsqu’ils connaissent une mauvaise journée », résumait le Québécois de 20 ans, avec sagesse.

Se faire battre par un rival classé 175 rangs plus bas dans l’échelle tennistique, ça marque les esprits. C’est possible, mais tu ne veux pas faire partie de cette liste.

Et pourtant, son compatriote et ami Denis Shapovalov a vécu le même cauchemar, trois jours plus tôt, sur la terre battue de Gstaad, en Suisse. Battu par un gars dont on ne se souvient plus du nom cinq secondes après l’avoir lu ou… écrit.

Que s’est-il donc passé ???

Après sa demi-finale de Wimbledon, le numéro 10 mondial et première tête de série, qui a fait l’impasse sur Tokyo, disputait son match initial face à un illustre inconnu (sauf dans sa famille), le Tchèque Vit Kopriva.

Classé 249e mondial, Kopriva se fait briser deux fois et perd la première manche 6-2. Jusque-là, c’était pure routine. Puis, il renverse le gaucher canadien et enlève les deux manches suivantes, 6-3 et 6-2, après avoir pris le service de Shapo deux fois dans chaque manche.

Se faire battre par un gars classé 239 échelons plus bas, ce n’est pas banal. C’est même totalement incompréhensible. Félix pourrait presque s’en consoler.

Je l’ai dit souvent, il y a beaucoup de talent dans le Top 100… et même dans le Top 200 ou 300. Ces surprises ne doivent pas totalement nous faire tomber en bas de notre chaise puisqu’un jour donné, toutes les étoiles semblent alignées pour un athlète et le contraire se produit pour le gars ou la fille en face de lui ou d’elle.

C’est, semble-t-il, ce qui s’est produit le 21 juillet, en Suisse.

Mais Vit Kopriva a continué sa route le lendemain. Il a battu… non pardon… il a atomisé le Suédois Michael Ymer, 96e mondial, 6-1 et 6-0, en 52 minutes. Ymer était le même gars qui a éliminé Jo-Wilfried Tsonga au premier tour de Wimbledon, avant de donner la frousse à l’autre Canadien, Félix Auger-Aliassime. Il a ensuite été ramené sur terre (littéralement) en demi-finale par Casper Ruud, 6-3 et 6-0.

Des inconnus qui surgissent de nulle part, comme un lapin sort du chapeau d’un magicien, il y en a toujours, chaque année, WTA ou ATP confondus.

D’ailleurs, parmi les surprises les plus phénoménales des dernières années, l’une n’est-elle pas justement venue de Denis Shapovalov ? En août 2017, classé 143e mondial, il avait fait exploser le stade montréalais en battant le taureau en espadrilles qui le devançait de… 142 places à l’ATP. Le numéro un mondial Rafael Nadal ?

Eh oui… chacun son tour, pourrions-nous dire.

Félix peut se consoler. Il était loin d’être le seul à se faire faire le coup à Tokyo. 

Quelques heures avant de subir ce revers gênant, la numéro un mondiale et grande favorite des J.O., Ashleigh Barty s’est fait jouer le même tour par la pugnace Espagnole Sarah Sorribes Tormo, 48e mondiale, en deux manches. Dans les rondes suivantes, Naomi Osaka, 2e, tombait aux mains de Marketa Vondrousova, 42e tout comme Aryna Sabalenka, 3e, devant Donna Vekic, 50e ainsi que Karolina Pliskova, 7e, face à Camila Giorgi, 61e.  

Chez les hommes, Andrey Rublev, 6e, a été sorti par Kei Nishikori, 69e alors que Hubert Hurkacz, 12e, se faisait montrer la sortie des Jeux par Liam Brody, 169e… 

J’arrête ici. CQFD

Des surprises d’anthologie

Et comme vous connaissez ma propension à trouver des exemples pour appuyer mes dires, voici une courte liste de ce qu’on peut appeler les plus impressionnantes surprises du tennis au cours des 35 dernières années.

  • Daniel contre Stefan

Je commencerais d’ailleurs par nos Canadiens, dont le très respecté Daniel Nestor, retraité depuis peu. En 1982, l’Ontarien de 19 ans, 238e mondial, avait créé un tsunami de bouches bées lorsqu’il avait battu le numéro un mondial de l’époque, le Suédois Stefan Edberg, dans un match de simple (oui, vous avez bien lu) de la Coupe Davis, à Vancouver. Le score : 4-6, 6-3, 1-6, 6-3, 6-4.

  • Helen contre Helena

Le 25 août 1985, Helen Kelesi était âgée de 15 ans. Classée 72e à la WTA, « Hurricane Helen » avait surgi des qualifications pour retrouver en demi-finale la Tchécoslovaque Helena Sukova, 7e mondiale, qu’elle avait battue, 7-6, 7-6, atteignant la première finale de sa carrière.

  • Vasek contre Tomas

Impossible de ne pas se souvenir du match de quart de finale de 2013, à Montréal, quand Vasek Pospisil s’était farci le 6e joueur mondial, le Tchèque Tomas Berdych, devant un stade en délire. Le Canadien, 71e à l’ATP, avait disposé de Bertych 7-5, 2-6 et 7-6 pour ainsi créer une demi-finale toute canadienne (contre Milos Raonic).

  • Bianca contre… les autres

La première semaine de 2019 a été démentielle pour Bianca Andreescu, classée 152e. Celle qui avait été surnommée la « Tueuse de géantes », cette semaine-là, avait liquidé dans l’ordre les Goerges (14e), Hsieh (28e) Venus Williams. (39e), Wozniacki (3e) et Babos (59e) pour lever son premier trophée de la WTA. Le reste de l’année, vous vous en souvenez, elle l’avait terminé au 5e rang, avec un premier titre du Grand Chelem à la clé.

Photo : Jared Wickerham/BNP Paribas Open

Sur la scène mondiale, maintenant, certains de ces résultats seront pour vous des souvenirs indélébiles, d’autres vous surprendront peut-être.

  • Sergiy contre Roger

En 2013, Roger Federer s’est présenté à Wimbledon comme champion en titre et fort de six triomphes au cours des dix éditions précédentes du prestigieux tournoi. Au deuxième tour, le Suisse semble incapable de solutionner le problème que représente l’Ukrainien Sergiy Stakhovsky, alors 116e joueur mondial, et ce dernier l’emporte 6-7, 7-6, 7-5 et 7-6. Federer, avant ce rarissime revers au deuxième tour, présentait un dossier de 65-3, dans la décennie londonienne, avant de trébucher ainsi.

  • George contre Pete

En 2002, Pete Sampras s’apprêtait à céder le titre d’Empereur du gazon à Roger Federer qui l’avait surpris en huitième de finale l’année précédente. Mais aucun parieur n’aurait été assez fou pour miser un seul dollar sur la possibilité que George Bastl, 145e au classement de l’ATP, puisse même inquiéter l’Américain. Mais « Pistol Pete » commençait à avoir moins de cartouches dans le barillet et Bastl, qui avait accédé au tableau principal comme joueur repêché des qualifications (« lucky loser »), a connu son moment de gloire en éliminant Sampras, alors sixième tête de série, 6-3, 6-2, 4-6, 3-6 et 6-4.

  • Robin contre Rafa

L’un des événements de cette liste dont beaucoup se souviennent probablement est survenu en 2009 quand le Suédois Robin Soderling, alors 25e mondial, a éliminé Rafael Nadal au quatrième tour de Roland-Garros, chasse gardée de l’Espagnol qui venait de gagner les quatre éditions précédentes avant de remporter… les cinq suivantes ! Soderling venait de mettre un frein à une séquence de 31 victoires de Nadal sur l’ocre parisienne. Le Suédois avait atteint la finale, cette année-là, avant de s’incliner devant Roger Federer, pour qui ce titre aura été le seul de sa carrière, à Paris.

  • Roberta contre Serena

Dans la même catégorie, personne ne peut oublier le discours si charmant de la vétérane Roberta Vinci, en septembre 2015, lorsqu’elle a ébranlé la planète tennis grâce à sa victoire en demi-finale des Internationaux des États-Unis aux dépens de la grande reine du moment, Serena Williams. Classée 45e mondiale, l’Italienne avait disposé de la superstar américaine 2-6, 6-4 et 6-4 et, innocemment, s’excusa auprès du public pour l’avoir privé d’une victoire de sa favorite. Pour vous donner une idée, Williams était au milieu d’une séquence de 186 semaines en tête du classement et elle venait de gagner les quatre tournois majeurs précédents. Vinci la privait donc du fameux Grand Chelem dans la même année civile.

  • Kathy contre Martina

Martina Navratilova présente le total de victoires et de titres le plus élevé de tout le tennis, femmes ou hommes confondus. Mais l’ex-Tchécoslovaque s’est révélée humaine, ce printemps de 1983, lorsqu’elle a été battue par Kathy Horvath, au quatrième tour de Roland-Garros, 6-4, 0-6, 6-3. Pour situer l’exploit de Horvath, rappelons que Navratilova venait de gagner 39 matchs d’affilée et, après cette défaite surprise, allait aligner 54 autres victoires pour compléter cette année-là avec un dossier extraterrestre de 86-1. Vous savez maintenant contre quelle joueuse Martina avait subi cette seule défaite de TOUTE l’année.

Félix et Shapo à la Coupe Laver

Le Canada sera bien représenté à la quatrième édition de la Coupe Laver, cet automne à Boston. Félix Auger-Aliassime et Denis Shapovalov, actuellement classés 15e et 10e à l’ATP, ont été choisis par le capitaine John McEnroe, pour faire partie de l’Équipe Monde, en compagnie de l’Argentin Diego Schwartzman.

Créée il y a quatre ans, la Coupe Laver est devenue dès son lancement le tournoi de démonstration le plus original et spectaculaire du tennis. Comme les instigateurs en sont Roger Federer et son fidèle partenaire d’affaires, Tony Godsyk, l’originalité et le professionnalisme de l’organisation n’ont surpris personne dès le départ.

Gradins dans l’ombre et terrain de couleur charbon, seuls les rivaux vêtus de bleu (Europe) et de rouge (Monde) brillent dans l’arène. Le système de pointage, dont la bonification grandit au fil des trois journées, permet à l’équipe qui tirerait de l’arrière après les deux tiers du tournoi d’effectuer un retour ultime. C’est là qu’on a inséré une caméra dans le filet, un ajout technique qui a depuis été repris par de nombreux tournois… y compris Wimbledon.

Quant à la récente Coupe ATP, on y retrouve certains éléments de convivialité institués par la Coupe Laver, soit la présence du « banc des joueurs » où tout le monde se donne des conseils et… s’amuse.

Denis Shapovalov jokes around with the Team Canada group at the ATP Cup during a match
Photo : Tennis Photo Network/ATP Tour

Si Shapovalov a déjà goûté aux plaisirs de cette compétition (en 2017, l’année de sa spectaculaire émergence), ce sera une première pour son compatriote et ami Auger-Aliassime.

« Je me sens tellement privilégié de pouvoir représenter Équipe Monde à la Coupe Laver », a déclaré Félix lors de l’annonce de sa participation.

« Ce sera fantastique de pouvoir évoluer dans un amphithéâtre comme le TD Garden, rempli à pleine capacité. Et, bien sûr, je suis excité d’avoir une légende comme John McEnroe dans mon coin. Je suis sûr que j’apprendrai beaucoup! »

Félix Auger-Aliassime

Quant au coloré capitaine, voici ce qu’il mentionnait sur le site Web du tournoi.

« Cette édition 2021 est très importante pour moi, personnellement, ainsi que pour le groupe », précise-t-il d’entrée. « Nous sommes passés si près de gagner à Genève que ça fait encore mal. Nous nous rappellerons cette défaite pendant longtemps. Nous savons que ce ne sera pas facile de battre Équipe Europe, mais je suis confiant. Ces trois joueurs, Félix, Denis et Diego sont de durs compétiteurs, ils sont au sommet de leur art et ils ont déjà battu plusieurs des meilleurs. Leur dossier et leur classement en sont la preuve et je n’ai aucun doute qu’ils seront à la hauteur des attentes. Bjorn et son équipe sont mieux d’être prêts ! », de lancer « Big Mac » en guise d’avertissement à ses rivaux.

Du côté des bleus européens, la participation de l’Autrichien Dominic Thiem a été confirmée en novembre dernier et celle de l’Italien Matteo Berrettini, récent finaliste à Wimbledon, s’y est ajoutée il y a quelques semaines.

Cette quatrième édition de la Coupe Laver, tenue après un an de pause, aura lieu du 24 au 26 septembre au TD Garden de Boston.

Rappelons qu’Équipe Europe avait enlevé les trois premiers titres, en 2017 à Prague, 2018 à Chicago et 2019 à Genève. Pour un résumé des tournois précédents et des règlements de cette compétition, vous en trouverez les détails sur le site de la compétition.

Courriel : privard@tenniscanada.com

Twitter : @paul6rivard

Pour suivre tous nos Canadiens à la trace, c’est ici.

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