Emma Raducanu (left) and Jannik Sinner look down in frustration.

Plusieurs d’entre vous auront reconnu la célèbre expression d’un discours prononcé par « Bob » (Marc Messier), dans le vestiaire des « Boys », ce film culte pour tant de Québécois. Cette expression a été utilisée à profusion par beaucoup de gens, dans beaucoup de situations associées au sport au cours des trois décennies suivantes, afin de justifier des périodes difficiles pour certains athlètes.

Il est question ici de l’importance de l’aspect mental dans la prestation d’une personne, tous sports confondus.

Bien sûr, la « dureté du mental » n’est pas un concept unique, mais plutôt une façon pour le profane de décrire différentes qualités importantes, dont la confiance, la bonne gestion de la pression et du stress et autres dispositions dont les psychologues sportifs maîtrisent les nuances.

Au tennis, sport solitaire s’il en est un, cet aspect prend toute son importance. Et on le voit chaque jour lorsque des joueuses ou des joueurs s’écroulent littéralement après avoir frôlé la victoire. Ou lorsqu’ils dégringolent dans le classement, sans raison… apparente.

J’ai voulu en savoir un peu plus long sur cet aspect vital de la compétition. Difficile de trouver meilleure source d’information que celle de la Canadienne Dana Sinclair, une sommité internationale en matière de psychologie sportive.

Photo : watershedmagazine.com

Elle dirige Human Performance, une entreprise qui aide des athlètes dans d’innombrables disciplines, au pays et ailleurs. Je résumerai ses propos un peu plus bas dans ce texte, mais d’abord, voici une mise en contexte qui vous expliquera le pourquoi de ce carnet.

UN CLASSEMENT… DÉCEVANT !

À la fin de 2022, le quotidien français L’Équipe a publié un classement que la majorité des amateurs de tennis ont trouvé douteux. Pour ne pas dire injustifié et… injuste.

Ce classement plaçait le tennisman italien Jannik Sinner en tête des athlètes les plus décevants de l’année. Les Français Gaël Monfils et Ugo Humbert suivaient dans l’ordre. La jeune Britannique Emma Raducanu fermait la marche.

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Il fallait voir la levée de boucliers qui a immédiatement suivi cette publication. Avec, en tête, la Polonaise Daria Abramowicz, la psychologue sportive qui conseillait Iga Swiatek lors de son émergence vers les sommets de la WTA, ainsi que l’Australienne Renee Stubbs, ex-joueuse, entraîneuse et commentatrice.

Personne ne peut nier qu’Emma Raducanu, souvent blessée, a connu une dégringolade après sa surprenante conquête des Internationaux des États-Unis, en septembre 2021. En 2022, ses 34 matchs se sont soldés par une fiche de 16-18.

Mais la sélection de Sinner a estomaqué le public, qui a qualifié cette démarche de « honteuse ».

Photo : beinsports.com

Après tout, l’Italien n’était-il pas le premier joueur né dans le 21e siècle à avoir atteint les quarts de finale des quatre tournois du Grand Chelem ? Et en 2022, n’a-t-il pas joué en quarts dans trois des quatre tournois majeurs ?

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Et son dossier annuel de 41-15 ? Dont 15-4 en tournois du Grand Chelem ?

Décevant… vraiment ?

CONFIANCE, PERFORMANCE, STRESS

Revenons à Dana Sinclair. Dès ma première question sur le sujet, j’ai senti un sourire sarcastique dans le ton de sa voix.

« Les médias font ce qu’ils doivent faire pour rendre leurs articles intéressants. Mais, ultimement, on comprend que l’objectif est de démontrer que des individus extrêmement talentueux ont déçu, car ils n’ont pas obtenu le résultat escompté. Mais je crois que les gens ne comprennent pas très bien quelles sont les notions de confiance et de performance lorsque les athlètes sont sous pression. »

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« Les gens doivent apprendre à gérer leur état d’esprit. Le talent n’a jamais garanti le succès. C’est l’état d’esprit qui mène au succès. »

Ces athlètes ont de formidables habiletés. Mais l’objectif est d’obtenir le meilleur de vous-même et de le faire plus souvent que la moyenne des rivaux.

J’ai demandé à madame Sinclair si elle adhérait à ce cliché utilisé régulièrement par des entraîneurs, tous sports confondus : « Ne jamais trop s’exciter, ne jamais trop se décourager. »

Photo : AP

« Je n’ai pas de problème avec les athlètes qui se retrouvent dans ces deux extrêmes. Du moment qu’ils peuvent retrouver un équilibre ou se recentrer rapidement en plein milieu d’une compétition. Dans le moment. Et ce n’est pas si facile si on ne vous a jamais enseigné à le faire quand la pression augmente. »

Dana Sinclair y va même d’une assertion aussi surprenante qu’intéressante. Selon elle, la confiance n’est pas la seule variable dans tout ça.

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« Parlons de la confiance. Je crois que la confiance est surévaluée. Vous pouvez la vouloir, mais vous n’en avez pas besoin. Tout est en fonction de vos habiletés. Elles ne vous quittent pas du jour au lendemain ou d’une manche à l’autre. Elles sont toujours là et c’est à vous d’y avoir accès à nouveau au moment opportun. C’est l’approche mentale que vous devez contrôler. C’est l’état d’esprit. »

Photo : AFP

Bien entendu, lorsqu’est venu le temps de commenter la chute brutale d’Emma Raducanu, Sinclair s’est gardé de vouloir analyser une joueuse qu’elle n’a jamais rencontrée, et c’est tout à son honneur. Elle pouvait toutefois avancer ceci :

« Ces athlètes talentueux peuvent être dérangés par un tas de distractions… les blessures étant l’une d’elles. Ce peut aussi être une intense focalisation sur les résultats. Les gens s’en font avec les attentes des autres, ils s’inquiètent des erreurs potentielles, etc. Vous devez apprendre comment vous recentrer sur le moment. C’est ce que je dis à mes clients : “Je ne m’intéresse pas à ce que tu ressens, je m’intéresse à ce que tu fais.” Amener les gens à cet état d’esprit est très important. »

Photo : Mike Frey/Tennis Photo Network

C’est sans compter le fait que la célébrité et les dollars submergent ces jeunes personnes.

« On ne leur enseigne pas nécessairement comment gérer cette nouvelle réalité. L’augmentation de la pression vous fait penser à différentes choses… vous commencez à penser différemment. Et si vous pensez à ces distractions, nous ne pensez plus à exécuter correctement et votre jeu change parce que nous n’êtes plus concentré sur ces choses importantes que vous devez faire sur le terrain afin de réussir. Et les gens ne savent pas reconnaître le problème quand ils sont plongés dedans. »

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On entend souvent dire que le sport, c’est 80 pour cent mental et 20 pour cent habiletés. Qu’en pense notre psychologue de la performance ?

« Ah ! Un jour, Wayne Gretzky m’a dit que c’était plutôt 90-10… » déclare-t-elle en souriant.

DANA SINCLAIR, MULTISPORTS

En conclusion, si c’est le tennis qui vous fait découvrir cette psychologue renommée, dites-vous qu’elle a conseillé des athlètes de plusieurs domaines.

Il y a les joueurs de la filiale des Nationals de Washington, aussi bien que le pilote canadien de la série Indy, Dalton Kellett, ou encore les joueurs des Sea Dogs de Saint-Jean, NB, en route vers la conquête de la Coupe Memorial 2021.

Dana Sinclair encadrée de Trevor Georgie (Sea Dogs), à gauche, et de Marc-Anthony Ashfield (Deloitte) à droite. (Photo : Instagram)
Dana Sinclair en compagnie de deux joueurs des Nationals de Fredericksburg, en Virginie (Photo : Instagram)
Dana Sinclair et Dalton Kellett (Photo : Instagram)
Billie Jean King et Dana Sinclair (Photo : Instagram)

En décembre dernier, Dana Sinclair est allée prodiguer ses conseils aux joueuses de la relève de Tennis Canada. On la voit ici, à l’extrême droite du groupe supervisé par Sylvain Bruneau, sur un court floridien.

Photo : Vesna Stakusic

Il y a quelques décennies, peu de psychologues de la performance se trouvaient dans l’environnement des entraîneurs, qu’il s’agisse de sports collectifs ou individuels.

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Mais maintenant, chaque équipe des ligues majeures ou chaque athlète aspirant au sommet de son sport ne peut faire autrement que de compter un spécialiste de cette trempe dans son environnement.

Car, comme Dana Sinclair le rapportait un peu plus haut, l’aspect mental lié à la réussite est énorme, et peut empêcher les plus grands talents de se justifier.

Est-ce dans un ratio de 90-10 ? 80-20 ? Peu importe.

Ne partez pas en compétition sans votre psy…

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