Le Court central du Stade IGA a vu défiler son lot de champions : Serena Williams, Roger Federer, Steffi Graf, Rafael Nadal, Martina Navratilova, Ivan Lendl… Au fil des décennies, il a été le théâtre de triomphes déterminants, de remontées spectaculaires, d’adieux émouvants et de batailles intenses qui ont fait vibrer (et parfois déchirer) les foules montréalaises, réputées pour être férues de tennis. Des légendes qui ont gravé leur nom dans l’histoire aux étoiles montantes qui ont percé, c’est un terrain sacré pour la gloire.
Quelques semaines avant le début de l’Omnium Banque Nationale présenté par Rogers, le Court central a été l’hôte d’un moment de tennis d’un genre différent. Il ne s’agissait pas d’un affrontement, mais d’une conversation entre deux athlètes et dirigeantes sportives de haut niveau : la vedette du hockey Laura Stacey, de la Victoire de Montréal, et l’icône du soccer français Marinette Pichon, directrice sportive des Roses de Montréal.
Elles se sont réunies pour réfléchir à leur parcours, à l’évolution du sport féminin et au chemin qu’il reste à parcourir. Toutes deux sont les oratrices vedettes de la conférence HORS PAIR sur l’équité des genres dans le sport présentée par la Banque Nationale, le 6 août.
Leur message ? La visibilité crée des possibilités.
D’invisibles à incontournables
Pour Stacey et Pichon, le chemin vers le sport de haut niveau a commencé sur des patinoires et des terrains où les filles étaient à peine visibles. « J’ai dû obtenir une dérogation pour jouer avec les garçons, se souvient Pichon à propos de son enfance dans la région parisienne. Les gens devaient se battre pour que je sois autorisée à jouer. À l’époque, il n’y avait pas de clubs, pas de ligues organisées pour les filles. »
Stacey a vécu une expérience similaire dans la banlieue de Toronto. « J’ai commencé à jouer au hockey à l’âge de trois ou quatre ans, mais je devais jouer avec les garçons parce qu’il n’y avait pas d’équipes féminines. Ce n’est qu’au secondaire que le hockey féminin a commencé à devenir plus visible et plus accessible. »
Toutefois, ces premiers défis ne les ont jamais empêchées d’avancer. Au contraire, ils ont fait partie des moments décisifs qui ont alimenté leur motivation. « Lorsque vous ne voyez personne comme vous sur la glace ou sur le terrain, il est difficile de rêver grand, explique Stacey. En regardant à la télévision l’équipe canadienne de hockey féminin remporter la médaille d’or aux Jeux olympiques de 2002, j’ai senti pour la première fois que je pourrais être comme elle un jour. Cette visibilité a tout changé. »
Pichon ajoute : « Aujourd’hui, il y a plus de ressources, plus d’équipes et, surtout, plus de respect pour le sport féminin. Nous avons des ligues professionnelles, des émissions de télévision et des bases de partisans de plus en plus nombreuses. Ce n’est plus une question de savoir si les filles peuvent jouer, mais jusqu’où elles peuvent aller. »
Des progrès, mais pas de parité
Il ne fait aucun doute que le sport féminin a fait d’énormes progrès. Le lancement de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) en janvier 2024 a apporté une infrastructure et une reconnaissance attendues depuis longtemps, et la nouvelle Northern Super League (NSL), la toute première ligue professionnelle de soccer féminin du Canada, gagne rapidement du terrain, attirant les meilleurs talents et ralliant des communautés de partisans passionnés.
« Chaque année, nous progressons, mentionne Stacey. Il est important de prendre du recul et de se rendre compte du chemin parcouru, même s’il reste encore du travail à accomplir. Nous sommes à un moment charnière. Le hockey, le soccer, le basketball, le tennis, tous ces sports connaissent un nouvel essor. C’est vraiment formidable. »
Pichon acquiesce, soulignant que ce ne sont pas seulement les infrastructures qui évoluent, mais aussi les athlètes elles-mêmes. « Les femmes parlent plus fort que jamais. Nous sommes des modèles pour les générations futures et nous voulons inspirer les prochaines générations de Stacey et de Pichon ! C’est ça le combat. »
Les leçons du tennis
Pour Pichon et Stacey, le tennis a depuis longtemps établi la norme en matière d’équité des genres et sert d’exemple à d’autres sports qui n’ont pas encore rattrapé leur retard.
« Le tennis a eu une énorme influence sur le hockey et la création de la LPHF, explique Stacey. Billie Jean King est un facteur important, non seulement en matière d’investissement, mais aussi de leadership. Elle nous a incitées à rester unies et nous a aidées à construire quelque chose de durable en nous racontant ce qui fonctionnait au tennis. Cette influence a été considérable. »
Pichon sait que le combat continue. « J’admire les joueuses de tennis qui continuent d’exiger l’égalité des bourses, de couverture médiatique et d’accès. Le tennis a toujours été l’un des sports les plus favorables aux femmes qui défendent leurs droits en tant qu’athlètes de haut niveau. Je ne peux que les féliciter. »
Avancer ensemble
Bien qu’elles viennent de sports et de générations différents, Pichon et Stacey sont animées d’une volonté inébranlable de solidarité.
« Nous devons nous soutenir mutuellement dans tous les sports féminins, affirme Stacey. Ce qui se passe au soccer ou au tennis nous aide au hockey et vice versa. » Pichon acquiesce d’un signe de tête catégorique. « La lutte pour l’égalité n’est pas un effort individuel. C’est quelque chose que nous devons faire ensemble. »
Sur un ton plus léger
Les choses sérieuses ont fait place à des moments un peu plus légers sur le Court central. Laura Stacey et Marinette Pichon sont peut-être des militantes pour le progrès et l’équité, mais elles sont devenues un peu plus compétitives lorsqu’elles ont comparé leurs habiletés avec un bâton et un ballon (et une raquette de tennis, bien sûr).
À propos du sport de l’autre
- Laura : « J’ai joué au soccer toute mon enfance. C’était mon sport préféré après le hockey. J’aime beaucoup être à l’extérieur. J’aime être au soleil avec les gens que j’aime, et c’est exactement ce que l’on peut faire en jouant au soccer. C’est incroyable de voir à quel point ce sport a évolué, surtout au Canada. »
- Marinette : « Je vous envie de pouvoir jouer à n’importe quel moment. Au hockey, les amateurs sont toujours là, les lumières, l’ambiance… nous n’avons pas toujours cela au soccer. Cette énergie, j’adore ! Et les amateurs qui crient ton nom ? C’est ce qui m’a fait tomber amoureuse du hockey ! »
Les vêtements
- Marinette : « Oh, le maillot ! Elle (Laura) ne va pas partir avec. Le maillot est magnifique. Non, j’adore le maillot, un peu moins les shorts ! »
Prendre exemple sur les grandes du tennis
- Laura : « Je voudrais la puissance de Serena, c’est sûr. Elle a montré que la force est belle. Et aussi la résistance mentale des joueuses de tennis. Je veux dire que tu es seule sur le terrain, sans coéquipière ni entraîneur. Si tu commets une erreur, c’est ta faute. J’ai joué au tennis pour le plaisir et laissez-moi vous dire que je commence à blâmer ma raquette et à la balancer très vite quand les choses ne se passent pas comme je le souhaite ! »
- Marinette: « Moi, j’irais avec Steffi Graf. Sa patience, sa façon de rester calme et en contrôle en fond de terrain. Cette capacité de prendre le dessus sur l’adversaire psychologiquement. C’est une vraie force. »
Des souvenirs de tennis impérissables
- Marinette : « Aujourd’hui, jouer contre Laura Stacey ! »
- Laura : « L’un de mes meilleurs souvenirs est d’avoir vu Aryna Sabalenka à l’OBN de Toronto l’année dernière. Nous étions au premier rang, juste derrière la ligne de service. La puissance et les effets qui sortaient de sa raquette étaient incroyables ! J’avais déjà regardé du tennis, mais jamais d’aussi près. C’était inoubliable. »
HORS PAIR fera ses débuts à Montréal
La première conférence HORS PAIR, qui aura lieu le 6 août dans le cadre de l’Omnium Banque Nationale présenté par Rogers, mettra l’accent sur le rôle essentiel des alliés et de la solidarité dans la transformation durable du sport féminin.