Leylah Fernandez et Félix Auger-Aliassime ont atteint les quarts de finale des Internationaux des États-Unis, dimanche, à la suite de magnifiques prestations dans les deux plus prestigieuses enceintes du tennis. Les deux ont dû combler un déficit d’une manche — Fernandez 4-6, 7-6(5) et 6-2 contre Angelique Kerber sur le Court Louis Armstrong, et Auger-Aliassime 4-6, 6-2, 7-6(6) et 6-4 face à Frances Tiafoe sur le Court Arthur Ashe.

La victoire de Fernandez est d’autant plus remarquable qu’elle n’avait que 18 ans (elle a eu 19 ans lundi) et a surpris la triple championne de Grands Chelems avec une exceptionnelle démonstration de puissance, de précision et de sang-froid.

Elle était en plein contrôle au début du match et était à un point de faire 5-2 à la manche initiale lorsqu’elle a soudainement vacillé, commettant deux doubles fautes sur une balle de jeu et permettant à Kerber de revenir à 3-4. L’Allemande de 33 ans a su tirer parti de cette situation pour remporter la manche 6-4 et prendre une avance de 4-2 au deuxième acte. Au moment où on pensait que son expérience et son pedigree allaient suffire pour signer le gain, Fernandez s’est réveillée, martelant diaboliquement ses coups de fond et dirigeant les échanges comme elle l’avait fait au début de la rencontre. Sa mentalité de battante et ses coups agressifs lui ont permis de revenir à 4-4 et elle a ensuite rapidement pris les devants 5-1 dans le jeu décisif qui a suivi avant de l’emporter 7-5, encouragée par le soutien enthousiaste du public.

Elle a surfé sur cette vague tout au long de la troisième manche, faisant tournoyer son bras en l’air pour orchestrer les amateurs surexcités.

« Les spectateurs ont été incroyables », a-t-elle dit plus tard. « C’est grâce à eux si j’ai pu gagner. »

Elle a poursuivi sur sa lancée au troisième acte et à la fin, Kerber, estomaquée, n’avait plus de réponse pour les attaques de Fernandez. Elle a été réduite à un rôle de soutien dans une scène où il n’y avait qu’une actrice principale.

Photo: camerawork usa

Un patron de jeu qui est souvent revenu dans ce duel est celui de Fernandez qui s’installait dans des échanges de coup droit à coup droit en croisé avec sa consœur gauchère et qui, grâce à son rythme supérieur et à sa maîtrise des angles, déportait de plus en plus Kerber — un exploit remarquable d’habileté et de géométrie.

Fernandez et Kerber ont eu un bref entretien sympa à la fin du match, Kerber la félicitant pour ses succès depuis le début de la quinzaine. On a eu l’impression que l’Allemande se comportait en perdante exemplaire après le faux pas qu’elle avait commis avec une autre Canadienne de 18 ans, Bianca Andreescu, après la finale d’Indian Wells de 2019. À cette occasion, elle s’était embourbée dans la controverse en traitant Andreescu de « drama queen ».

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Comme elle l’avait fait dans la troisième manche contre Naomi Osaka, Fernandez n’a pas bronché alors qu’elle se rapprochait de plus en plus de la victoire.

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Sa concentration et sa détermination presque surhumaines sont à l’origine de ses succès sur le terrain. La personne qui tire le plus de ficelles dans les coulisses de sa carrière depuis qu’elle a commencé à jouer à l’âge de sept ans est son père Jorge.

Il a exercé une influence importante et a raconté à TSN une anecdote révélatrice sur l’approche qu’il a adoptée avec sa fille après sa victoire aux dépens d’Osaka. Il lui a dit : « Ignore tous les gens sur ton téléphone qui ne te parlaient pas la semaine dernière. »

« C’était la règle numéro un », expliquait-il. « Et elle a répondu : “c’était facile, il n’y avait environ que cinq personnes”. J’ai dit “parfait”. Ensuite j’ai dit “Écoute, le tournoi est loin d’être terminé, nous devons nous concentrer sur le prochain match. Nous devons consolider cette victoire”. Pour moi, cela ne peut pas être que tu as gagné parce que Naomi Osaka avait une mauvaise journée. On doit consolider, on doit donner aux gens des raisons de croire en toi. Nous devons surfer sur cette vague pour que les gens commencent à y croire. Et la seule façon d’y parvenir, c’est de se remettre au travail et de gagner. C’est tout. »

Vaincre Svitolina au prochain tour après ses gains aux dépens des anciennes numéro un Osaka et Kerber, est envisageable pour Fernandez compte tenu de sa forme actuelle. Elles se sont affrontées une fois — en 2020, à Monterrey, au Mexique, l’Ukrainienne avait gagné 6-4 et 7-5 — un an avant que la Canadienne n’y remporte son premier titre de la WTA.  

Svitolina, qui aura 27 ans dans moins d’une semaine, sait que Fernandez fait partie d’un groupe d’adolescentes prodiges comprenant l’Américaine Coco Gauff (17 ans), la Britannique Emma Raducanu (18 ans), la Danoise Clara Tauson (18 ans) et l’Ukrainienne Marta Kostyuk (19 ans).

Elles ont aussi un frère d’armes : l’Espagnol Carlos Alcaraz (18 ans) qui se mesurera à Auger-Aliassime, mardi, en quart de finale.

Photo: 2021 United States Tennis Association

Fernandez et Alcaraz ont posé pour une séance de photos samedi. « Voir tous ces adolescents, ces jeunes qui réussissent si bien aux Internationaux des États-Unis et aux autres tournois, est aussi une révélation pour le monde, pour le monde du tennis », mentionnait Fernandez. « Il n’y a pas qu’un groupe de joueurs, mais bien une toute nouvelle génération qui arrive et qui essaie d’avoir un impact sur le tennis. »

Il n’y a pas eu de plus grand impact que le sien dans le cadre de l’édition 2021 des Internationaux des États-Unis. Kerber, qui a goûté à la médecine de Fernandez pendant deux heures et 15 minutes, a vu ce futur. Et ce n’était pas jojo pour elle, du moins pas dimanche sur le Court Louis Armstrong. 

Photo: camerawork usa

Dimanche soir, Auger-Aliassime a été hésitant en début de match face à Tiafoe, perdant son service dès le premier jeu et concédant la manche malgré huit occasions de bris contre le 50e mondial.

L’Américain de 23 ans est un compétiteur explosif, plein d’énergie, capable de frapper avec une puissance exceptionnelle. Auger-Aliassime est finalement parvenu à faire vaciller Tiafoe au deuxième acte, ravissant son service au sixième et au huitième jeu pour l’emporter 6-2.

La troisième manche a été cruciale pour l’issue de la rencontre, et on a senti que Tiafoe devait raffiner son jeu pour maintenir le rythme imposé par Auger-Aliassime.

Le Canadien a eu deux balles de manche à 5-4 et une à 6-5, mais Tiafoe s’est tiré d’affaire pour forcer la tenue d’un jeu décisif. Il a ensuite eu la première balle de manche à 6-5, mais Auger-Aliassime l’a repoussée grâce à un service gagnant. Deux points plus tard, il a conclu la manche sur un retour raté de Tiafoe.

Cela a semblé amortir l’Américain et Auger-Aliassime a brisé son service dès le premier jeu du quatrième engagement, s’est sorti d’un déficit de 0-40 sur son propre service, puis a conservé son avance jusqu’à la fin de la manche pour accéder à son deuxième quart de finale consécutif en tournois du Grand Chelem.

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Au moment de la victoire, Auger-Aliassime a fait preuve de compassion pour son ami Tiafoe, qui jouait devant son public, en se contentant de sourire et de lever discrètement le poing vers son équipe.  

« Je suis content de la façon dont j’ai réagi », a-t-il commenté. « De la façon dont je me suis ressaisi à la deuxième manche, d’avoir gagné une troisième manche serrée après avoir eu trois balles de manche. »

Le service d’Auger-Aliassime a été la clé du résultat — il a réalisé 24 aces et a remporté 83 pour cent de ses premières balles de service. « J’ai toujours pensé que je possédais les qualités physiques pour avoir un bon service », a-t-il dit. « Ma taille, ma puissance — je crois que j’ai amélioré mon rythme. Mon lancer est aussi plus régulier. »

Après été brisé à sa première présence au service, Auger-Aliassime a été parfait par la suite (19 en 19).

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Mardi, en quart de finale, il croisera le fer avec la révélation du tournoi, Alcaraz. « Carlos est un excellent joueur. Un bon gars aussi. Il mérite ce qui lui arrive. Je pense qu’il sera au sommet du sport pendant de nombreuses années. »

Il y a eu une conversation émouvante sur les ondes d’ESPN après le match lorsque l’ancien joueur James Blake, qui est un Afro-Américain, a demandé à Auger-Aliassime ce qu’il pendait du fait que deux joueurs noirs s’affrontent sur le Court Arthur Ashe, nommé en l’honneur du premier Noir à remporter un tournoi du Grand Chelem — les Internationaux des États-Unis de 1968.

« Nous avons fait du chemin, Frances et moi. Nos familles n’ont pas eu la partie facile (le père d’Auger-Aliassime vient du Togo et la famille de Tiafoe est originaire de Sierra Leone). Pouvoir être ici aujourd’hui et montrer de nouveaux visages au tennis, inspirer les enfants de New York et du monde entier est spécial. J’espère que nous verrons beaucoup de nouveaux visages dans les prochaines années.

« Nous jouons dans le stade Arthur Ashe, qui a été un pionnier. Mais maintenant, des jeunes comme Frances et moi prenons la relève et j’espère vraiment que ce sera une source d’inspiration pour plusieurs. »

PHOTO D’ARCHIVES

Pour tous ceux qui se demandaient la couleur du chandail que Rafael Nadal portait en 2017 lorsqu’il a remporté le troisième de ses quatre titres à New York. À l’arrière-plan, le Court Louis Armstrong en construction.

Photo de l’article : camerawork usa

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