Le match entre Milos Raonic et Ryan Harrison se déroulait comme prévu. La première manche avait été serrée, Raonic l’emportant au jeu décisif — exactement comme un joueur qui a occupé le 4e rang mondial et qui est maintenant 6 devrait gagner contre le numéro 120, dont le meilleur classement a été le 43e rang (en 2012).
La façon dont Harrison a capitulé au jeu décisif — en commettant une double faute au point ultime — semblait confirmer que la feuille de route de Raonic serait un facteur déterminant dans ce duel de deuxième tour des Internationaux des États-Unis, mercredi.
Toutefois, personne n’aurait pu prédire ce qui allait se produire — comme le révélait Raonic un peu plus tard. Après avoir concédé la deuxième manche — comblant un écart de 2-5 pour niveler la marque à 5-5 avant de perdre 7-5, Raonic semblait avoir remis les pendules à l’heure au troisième acte après une longue pause-pipi de Harrison. Il avait ravi le service de l’Américain de 24 ans dès le premier jeu et filait avec une avance de 4-2.
Il avait reçu des soins pour son poignet alors qu’il menait 2-1, mais tout semblait être rentré dans l’ordre jusqu’à ce qu’il effectue un mouvement bizarre après une longue partie au service qui a permis à Harrison de faire 4-3.
Raonic a demandé une autre intervention du soigneur, cette fois pour sa cuisse gauche et c’est à partir de ce moment qu’il a fallu se rendre à l’évidence : il était un soldat blessé, il ne pouvait plier les jambes comme il le fait normalement et par le fait même, ne jouait pas au meilleur de ses capacités.
Il a persévéré, mais était vraiment pénible à regarder. Harrison a mis la main sur la troisième manche et a pris une vitesse de croisière contre une version affaiblie du sixième mondial. La marque finale était de 6-7(4), 7-5, 7-5 et 6-1.
Durant sa conférence d’après-match, Raonic a expliqué que les crampes étaient survenues au milieu de la deuxième manche.
Il a été très franc dans ses explications sur les causes possibles. « Un peu de stress », confiait-il. « Je ne pense pas que c’était un problème d’hydratation. Je m’assure toujours de bien boire. Sans doute la nervosité et le stress — un genre surexubérance mentale. »
Il a également expliqué que les crampes ne se limitaient pas à la cuisse gauche. « Le bras gauche, l’avant-bras droit vers la fin de la troisième (manche), les quadriceps des deux jambes et un peu dans les fléchisseurs de la hanche gauche. »
Quand on lui a demandé s’il aurait pu aller à la limite des traitements ou essayer autre chose pour aider, il a répondu : « les plus grosses crampes ont diminué d’intensité au cours de la troisième manche, mais j’ai commencé à en ressentir des petites qui m’empêchaient de bien tenir ma raquette, de changer ma prise d’un coup à l’autre. À un certain moment, je tenais ma raquette de la main gauche en essayant d’étirer la droite entre les coups — ça n’allait pas fonctionner. »
Quant à des antécédents de crampes, Raonic a insisté : « Je ne me souviens d’aucun match perdu à cause de crampes. »
Il ne pouvait également penser à rien qu’il aurait pu faire pour combattre ces crampes. « Tout ce que je fais est, autant que faire se peut, soigneusement calculé », expliquait-il. « Je compte le nombre de verres d’eau que je bois. Je fais attention à ce que je mange, ce que je consomme, ce qui est bon pour moi. La quantité que je dois manger. Toutes ces choses. »
Plusieurs hypothèses seront sûrement émises sur le fait que Raonic se met peut-être trop de pression sur les épaules — à commencer par l’embauche très médiatisée de John McEnroe en tant que consultant avant et durant Wimbledon.
Lundi dernier, Raonic a rédigé un article dans The Players’ Tribune — un site fondé par l’ex-vedette de baseball Derek Jeter — dans lequel on peut lire :
Et c’est pour cela que les Internationaux des États-Unis de cette année est l’un des plus importants tournois de ma carrière.
Je dois faire preuve de force mentale dès le premier match. Lorsque j’ai regardé la reprise de la demi-finale (de Wimbledon) contre Federer, je sentais que j’avais investi chaque once d’énergie dans le match et cela paraissait dans mon jeu. J’ai constaté une grande différence d’intensité entre la finale et la demi-finale — contre Murray, j’étais absent pendant les grands moments. J’ai gardé toutes ces émotions en dedans, sans les laisser sortir. C’est mon plus grand regret, autrement c’était un très grand moment de ma carrière.
Il semble qu’il aurait peut-être besoin de réévaluer après sa déception de mercredi dans le nouveau Grandstand, qui n’était qu’à moitié plein (plus de 8 000 sièges) au début du match, mais qui débordait à la fin (ci-dessus).
Un peu plus tôt cette semaine, je parlais de Dalibor Sirola, l’entraîneur physique de Raonic, avec quelqu’un qui suggérait qu’il était le meilleur dans son domaine — mettant l’accent sur des exercices axés sur les déplacements de Raonic sur le terrain. Et plusieurs observateurs seront d’accord avec le fait que le jeu de jambes et la vitesse de Raonic se sont considérablement améliorés cette année.
On doit ressentir de l’empathie pour Sirola – au milieu, ci-dessus, entre l’entraîneur Carlos Moya, à gauche, et le physio Claudio Zimaglia, à droite. Il a sûrement fait tout ce qu’il y avait à faire pour que Raonic soit en meilleure condition possible.
La saison 2016 de Grands Chelems est donc terminée pour Raonic et il réfléchira probablement à ce qui aurait pu être. En janvier, aux Internationaux d’Australie, il s’est déchiré l’adducteur droit lors de la troisième manche de la demi-finale alors qu’il menait deux manches à une avant de s’éteindre face à Andy Murray. Cette blessure a sans aucun doute ruiné son meilleur tennis de l’année.
À Roland-Garros, il s’est blessé à la hanche durant son duel de troisième tour contre le Slovaque Andrej Martin, puis est tombé en trois manches au tour suivant contre Carlos Ramos Vinolas.
Il était en santé à Wimbledon alors qu’il accédait à la finale contre Murray (éliminant Federer en demi-finale), mais les Internationaux des États-Unis sont maintenant chose du passé à cause d’un autre problème physique.
La bonne nouvelle pour le tennis canadien est qu’il devrait être prêt pour la rencontre de barrage du Groupe mondial de la Coupe Davis qui aura lieu du 16 au 18 septembre, à Halifax.
Dans son article du Players’ Tribune, Raonic se remémore la conversation qu’il a eue avec McEnroe lors d’une interruption par la pluie alors qu’il tirait de l’arrière deux manches à zéro face à David Goffin en huitième de finale, à Wimbledon :
« Montre-moi que tu as des couilles ! »
C’est ce que John McEnroe m’a crié au visage dans le petit vestiaire derrière le court 2, à Wimbledon.
Auparavant, je n’avais jamais entendu quelqu’un douter de mon intensité.
Mercredi, on lui a demandé si McEnroe aurait été une source d’inspiration dans sa bataille contre Harrison (qui, contre toutes attentes, a produit du tennis de très haut niveau) si la légende américaine avait pu lui parler.
« Je ne crois pas », a répondu Raonic. « Aujourd’hui, j’étais mon pire ennemi. J’ai essayé de m’en sortir, mais mon corps ne me l’a pas permis. »
Avec le recul, la contribution de Raonic au Players’ Tribune arrivait peut-être à un mauvais moment, principalement de la façon dont il terminait son article : « Je suis arrivé à New York et une chose me fait continuer : je déteste perdre. Je n’arrive jamais à trouver une façon d’accepter la défaite. Je peux être bon joueur, mais je ne peux trouver une façon de l’accepter. C’est le message que je vais envoyer. »