Photo : Tennisworldusa.org
C’est la saison des impôts, dit votre comptable.
Pourquoi ne pas en profiter pour aborder ce sujet, non pas les VÔTRES, mais plutôt ceux des joueuses et des joueurs de tennis professionnel ? Car, tout comme vous, les millionnaires du sport doivent aussi verser une portion de leurs gains au gouvernement.
Et, dans leur cas, à deux gouvernements !
Le mot « apatrides » dans le titre n’est évidemment pas pris au sens propre puisque les globe-trotteurs du tennis n’ont pas « perdu » leur patrie, mais ont décidé de s’en éloigner pour adoucir les effets de la fiscalité de leur pays respectif sur leurs imposants revenus.
Prenons l’exemple du sommet, Novak Djokovic, vainqueur de trois des quatre tournois du Grand Chelem en 2021.
Le Djoker a engrangé plus de neuf millions (en dollars américains) au terme d’une année marquée d’un dossier de 49 victoires et 6 défaites. Mais, selon vous, Djokovic a-t-il déposé le même montant dans ses comptes bancaires ?
Pas vraiment, vous vous en doutiez.
Pas plus que les deux joueurs qui le suivent, Daniil Medvedev (7,4 M$) et Alexander Zverev (6,3 M$) ou encore les membres restants du Top 10 qui ont totalisé plus de deux ou trois millions pour leur année sur les terrains. Car, comme vous, que vous soyez travailleurs journaliers ou contractuels, les vedettes du tennis doivent payer l’impôt sur le revenu.
À la différence près qu’ils le font dans chaque pays visité au gré du calendrier de tournois.
Vous jouez à Wimbledon, vous retournez une partie de ce que vous gagnez au trésor britannique. Vous jouez à Melbourne, vous payez l’impôt australien. Vous disputez des matchs à Cincinnati, vous devrez abandonner une partie de vos gains au gouvernement américain. Vous gagnez à Kitzbühel, vous êtes taxés comme les Autrichiens.
Vous jouez à Monaco, vous… n’aurez rien à verser.
Chaque montant remporté par les athlètes de la WTA ou de l’ATP est imposé sur la base des règles fiscales du pays où l’argent a été gagné.
Par exemple, en Angleterre, si vous empochez une bourse de plus de 150 000 £ (256 000 $ CA), un peu moins de l’équivalent de l’accession au quatrième tour, vous devrez en abandonner 45 % au fisc britannique avant de reprendre l’avion. Djokovic, par exemple, a dit adieu à 765 000 livres (1,3 M$ CA) sur la bourse de 1,7 M£ (2,9 M$ CA) versée au vainqueur du simple masculin.
Bien évidemment, vous ne pleurerez pas sur le sort du Serbe qui pourra tout de même subvenir aux besoins pressants de sa famille ainsi qu’aux dépenses d’épicerie hebdomadaire. Mais ces chiffres nous permettent de diviser par deux ou par trois ces montants astronomiques qui frappent notre imaginaire lorsque nous jetons un coup d’œil aux statistiques des bourses remises aux athlètes professionnels.
Et ce principe ne s’applique pas qu’au tennis, mais bien à la majorité des sports professionnels.
À la fin de la dernière année, le site perfect-tennis.com a publié un dossier intéressant sur le sujet. Tout en expliquant ce principe, fort logique, avouons-le, on y recensait une centaine de joueurs de l’ATP, leur lieu de résidence ainsi que le taux maximal d’impôt auquel ils sont assujettis.
Ainsi, après avoir laissé une partie de leurs gains dans le pays où ils se sont enrichis, ils ont devoir d’allégeance monétaire au pays où ils ont élu résidence, car leurs revenus totaux annuels comprennent également des cachets reliés aux multiples contrats de commandites. Et, dans le Top 10 de la WTA ou de l’ATP, on sait tous qu’ils font plus d’argent hors du terrain qu’entre les lignes du court.
Vous ne serez donc pas surpris de voir plusieurs de vos idoles habiter à Monaco, à Dubaï dans les Émirats arabes unis, à Nassau aux Bahamas ou même en Floride ou au Texas, où ils sont sujets à un maximum d’imposition de… 0. Oui, ZÉRO pour cent de taxation.
En suivant cette logique fiscale, on comprendra les joueurs d’être moins excités lorsqu’ils évoluent en Espagne, qui trône au sommet des pays gourmands avec un taux d’imposition de 54 pour cent. Admirons en passant un Rafael Nadal qui a gardé sa résidence principale dans son ile espagnole de Majorque.
Les autres gros pays « imposeurs » sont la Suède (52 %), la France et les Pays-Bas (49 %), la Norvège (46 %), l’Angleterre, l’Allemagne, l’Australie, l’Afrique du Sud et le Japon (45 %), l’Italie (43 %), la Corée du Sud (42 %).
Finalement, pour toutes ces raisons, vous comprendrez pourquoi nombre d’athlètes choisissent d’élire domicile ailleurs que dans leur pays d’origine. Du fait de revenus plus élevés, tant en bourses qu’en commandites, il n’est donc pas surprenant de voir que quatre des cinq premiers joueurs mondiaux habitent à Monte-Carlo. En fait, on parle de 8 des 11 joueurs en haut du classement ATP qui ont leur pied-à-terre dans la Principauté de Monaco.
Même si cet article n’a tenu compte que de l’élite masculine, le phénomène existe aussi chez les joueuses de la WTA, mais dans une proportion moins élevée. Ainsi, cinq joueuses du Top 15 ont leur résidence dans un pays moins gourmand, fiscalement parlant, que leur pays d’origine.
C’est le cas de la Biélorusse Aryna Sabalenka (5e/Floride), la Tchèque Karolina Pliskova (8e/Monaco), l’Espagnole Garbine Muguruza (9e/Suisse) et la Russe Anastasia Pavlyuchenkova (14e/Dubaï). Quant à l’Ukrainienne Elina Svitolina, 20e mondiale, elle partage sa vie entre ses résidences à Londres, en Angleterre, et Odessa, en Ukraine.
Une partie de l’explication vient du fait que la proportion de contrats majeurs de commandites est moins élevée au tennis féminin. Un constat malheureux qu’il faut faire, même si de plus en plus de têtes d’affiche de la WTA récoltent leur part du gâteau, depuis quelques années.
Certains pays ont des règles tellement strictes et compliquées que certains joueurs évitent d’y disputer trop de tournois compte tenu des énormes sommes qui leur sont prélevées. C’est le cas de la Grande-Bretagne, par exemple, comme le mentionne l’article suivant. Avec un exemple concernant nul autre que Rafael Nadal.
Vous devinez qu’en plus de l’équipe de soutien (entraîneur, physiothérapeute et psychologue), les vedettes du tennis doivent avoir un groupe tout aussi imposant du côté de la gestion financière.
Les tournois du Grand Chelem se modernisent
Le tennis vient de faire un autre pas vers la modernité… et la logique.
Dorénavant, dans les quatre tournois majeurs, c’est par un super jeu décisif de 10 points que sera décidée l’issue d’un match en cas d’égalité 6-6 dans la cinquième et ultime manche. Et il faudra deux points d’avance (ou plus) pour déterminer l’athlète gagnant.
Ce décret touche toutes les épreuves, simple et double, femmes et hommes.
Les Internationaux d’Australie utilisaient déjà cette formule tandis qu’à Flushing Meadows, il s’agissait d’un jeu décisif de sept points.
À Wimbledon, on avait instauré un jeu décisif de 7 points lorsque le pointage de la cinquième manche atteignait 12-12. Enfin, à Roland-Garros, il n’y avait aucun jeu décisif pour décider du vainqueur, une tradition qui perdurait depuis 51 ans.
Comme on peut le constater, il était temps que tout ce beau monde règle ses horloges à la même heure.
Mais, comme il fallait s’y attendre, ces changements ne plaisent pas à tous et une majorité d’amateurs restent accrochés à la fameuse différence de deux jeux pour déterminer un vainqueur. Quitte à ce que le match s’étire pendant des heures.
L’exemple du match historique opposant John Isner à Nicolas Mahut, à Wimbledon en 2010, n’est certes pas le bon. Ce duel s’était terminé 70-68 à la cinquième manche — après trois jours de débats — et il représente le record absolu.
Que dire de cette demi-finale de Wimbledon en 2018 quand les puissants serveurs que sont John Isner et Kevin Anderson ont étiré leur matraquage pendant six heures et 36 minutes ?
Le problème, c’est qu’en 2010, John Isner était complètement à plat pour son match suivant et il avait été éliminé en 74 minutes seulement par Thiemo de Bakker. Quant à Anderson, il n’était plus l’ombre de lui-même dans la finale de Wimbledon de 2018 face à Novak Djokovic qui l’emportait en trois manches et 2 h… 18 min.
Car, ultimement, ce sont les athlètes (et leurs supporters) qui paient le gros prix pour ces matchs si épuisants.
Nombre de rencontres interminables ont ainsi meublé les livres de statistiques et malgré leur aspect folklorique, ces résultats de cirque appartiennent à une autre époque.
D’après ma dernière phrase, vous constatez à quelle enseigne je loge. Depuis des années, j’ai été en faveur de tout ce qui pouvait raccourcir les matchs de tennis, un des seuls sports où il n’y a pas de durée prédéterminée, sinon l’atteinte du score final.
Qu’il s’agisse du compte à rebours ou de la séance d’échauffement réduite jusqu’à l’instauration des jeux décisifs partout. J’ai applaudi l’imposition d’un super jeu décisif à la manche ultime pour les matchs de double. J’ai même suggéré l’abolition des duels disputés au meilleur de cinq manches.
Je ne représente toutefois pas la majorité, comme l’indique ce sondage éclair lancé sur Twitter, les 16 et 17 mars dernier. Pendant 24 heures, plus de 2 500 personnes ont fait connaître leur préférence et c’est par près de 60 % que l’on a voté en faveur du statu quo, soit la bonne vieille méthode des deux jeux de priorité.
Quelle était l’opinion des deux récents finalistes du tournoi d’Indian Wells ?
« Honnêtement, je ne suis pas sûr. Je ne suis ni pour, ni contre », mentionnait Nadal. « Franchement, je ne crois pas que ça fera une grande différence. Ce sera la même chose pour les quatre tournois. En un sens, c’est positif. Il n’y aura pas de gros impact à Roland-Garros. À mon avis, l’impact le plus important se fera sentir à Wimbledon », concluait le Majorquin en pensant à la vitesse des services.
Quant à Fritz, qui a eu besoin d’un jeu décisif à la troisième manche pour disposer d’Alex de Minaur à Indian Wells, il comprend que les joueurs apprécieront. « Je pense que si je me trouve dans une telle situation à l’avenir, je serai bien content qu’ils aient mis cette règle en place. »
Mais Fritz a tout de même dit regretter la fin d’une tradition. « Des pointages de 20-20 ou 14-14 dans la cinquième manche, ça me manquera. Cela représente des batailles épiques. »
Fritz, l’espoir américain
Taylor Fritz serait-il l’espoir tant attendu ? Celui qui pourrait enfin permettre aux Américains de voir à nouveau leur drapeau flotter dans le Top 10 de l’ATP, une situation qui ne s’est pas produite trop souvent au cours de la dernière décennie.
En surprenant Rafael Nadal en finale du tournoi d’Indian Wells, Fritz est devenu le premier américain depuis Andre Agassi (2001) à triompher dans ce tournoi, hommes ou femmes confondus.
Fritz, maintenant 13e au classement de l’ATP, tentera d’être le premier Américain des dix dernières années, autre que John Isner et Jack Sock, à se hisser dans le groupe des dix meilleurs du monde. En 2018, ces derniers ont atteint le huitième échelon pour de très courtes périodes. Avant, il faut remonter au septième rang de Mardy Fish, en 2011.
Quant à Nadal, soulignons qu’il aura réussi à inscrire le troisième meilleur début de saison de l’histoire en alignant 20 victoires en 2022. De retour au troisième rang du classement, l’increvable Espagnol aura-t-il encore un peu de réserves pour reconquérir son trône ?
Difficile à croire, mais si le passé est garant de l’avenir, le (vieux) Taureau de Manacor pourrait bien encore gagner quelques corridas et se draper dans l’uniforme de la fameuse « chèvre » (G.O.A.T. – Greatest Of All Time)…
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