Au cours de la dernière décennie, plusieurs joueurs canadiens ont atteint les plus hauts échelons du tennis masculin. Milos Raonic s’est hissé au 3e rang en 2016, Denis Shapovalov était 10e en 2021 et Félix Auger-Aliassime occupe maintenant la 6e place. Vasek Pospisil était 25e en simple en 2014 et 4e en double en 2015.

Après la victoire historique du Canada contre l’Australie en finale de la Coupe Davis dimanche, à Malaga, on a demandé à Félix Auger-Aliassime si ce succès représentait l’apogée de la récente évolution du tennis canadien. « C’est en quelque sorte l’apogée, une sorte de destinée, a-t-il répondu. Tennis Canada et la fédération (québécoise) ont investi beaucoup d’énergie, beaucoup de temps et beaucoup d’argent pour qu’un jour nous puissions être un pays qui se démarque au tennis, qui a beaucoup de bons joueurs et qui pourrait un jour gagner la Coupe Davis. Aujourd’hui, c’est un peu le point final des plans de l’équipe ici et de tous ceux qui, à la maison, espéraient nous voir gagner un trophée comme celui-ci un jour. Je suis tellement fier de tout le monde à la maison, de tous ceux qui nous ont aidés pendant de nombreuses années à nous développer et à devenir de meilleurs joueurs. Gagner ce trophée pour eux est donc très spécial. »

Photo: Martin Sidorjak

Ces remarques ont été faites lors qu’une conférence de presse très animée où tout le monde était d’humeur joyeuse, y compris les deux joueurs suppléants, Alexis Galarneau et Gabriel Diallo. On a demandé au Lavallois Galarneau, 23 ans, si Diallo et lui étaient des porte-bonheur qui encourageaient les Canadiens depuis le banc. Riant à gorge déployée, il arrivait à peine à prononcer un mot tant il avait la voix rauque. Un peu plus loquace, le Montréalais Diallo, 21 ans, a répondu : « Nous n’avons plus de voix, nous avons tout laissé sur le banc. Évidemment, je suis super reconnaissant de faire partie de cette équipe. Nous sommes très fiers de Vasek, Denis et Félix qui ont tout donné sur le terrain. La façon dont ils ont concouru est une grande source d’inspiration. »

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Voici ce qu’a répondu le capitaine Frank Dancevic lorsqu’on lui a demandé comment ils allaient célébrer : « Nous n’y avons pas encore pensé, mais je peux vous assurer que ce sera une grande fête — et NOUS NE NOUS COUCHERONS PAS AVANT NOTRE VOL DE 6 h DEMAIN MATIN. Ce sera un effort d’équipe. Nous nous donnerons à fond. Vous savez, ces grosses bouteilles de champagne sur le terrain ? Nous en prendrons de plus grosses ce soir. »

Dancevic et son équipe méritent de faire la fête après avoir disputé trois rencontres en quatre jours — des victoires de 2-1 aux dépens de l’Allemagne et de l’Italie avant le coup de grâce de 2-0 de dimanche contre l’Australie.

Plus sérieusement, le capitaine a résumé ainsi leur semaine : « Nous avons surmonté beaucoup d’obstacles cette semaine : nous avons tiré de l’arrière dans plusieurs matchs. Mais nous avons gardé le moral et nous nous sommes battus jusqu’au bout. Nous sommes maintenant ici avec le trophée. C’est une sensation incroyable. »

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Il est impossible de parler de la victoire du Canada, qui est devenu le 16e pays à remporter le championnat en 123 ans d’histoire de la Coupe Davis, sans souligner le brio d’Auger-Aliassime. Dimanche, lors de sa victoire décisive de 6-3 et 6-4 face à Alex de Minaur, il a encore une fois fait preuve de sang-froid et de détermination sans faille. L’Australien est le compétiteur le plus tenace et le plus déterminé qui soit sur le circuit. Lui et ses coéquipiers avaient bénéficié d’une journée de repos samedi, tandis qu’Auger-Aliassime se battait en simple et en double face à l’Italie pour tenter de garder le Canada dans la course. Auger-Aliassime devait assurément jouer sur des vapeurs d’énergie de fin de saison contre un adversaire aussi rapide et persévérant.

Tirer de l’arrière contre de Minaur aurait été dangereux, mais Auger-Aliassime a réussi à éviter cela, en repoussant deux balles de bris dans le premier jeu du duel, puis une autre dans le troisième. En fait, il a effacé les huit balles de bris auxquelles il a fait face au cours du duel, dont trois à 0-40 lorsqu’il menait 3-2 dans la deuxième manche.

Auger-Aliassime n’a pas connu sa meilleure journée au service, mais son niveau de jeu a suffi à le faire gagner. « Je me sentais bien, a-t-il dit. Tu joues pour ton pays, tu joues pour ton équipe. Je me sentais bien physiquement — ce n’est pas comme si j’étais blessé ou quoi que ce soit. Pour ce qui est de la fatigue, je peux être fatigué demain, mais pas aujourd’hui. J’étais prêt à tout. Il faut être prêt à se battre, à prendre l’avantage et à le conserver. »

Photo: Martin Sidorjak

Shapovalov a été tout aussi impressionnant lors du premier match de simple, gagnant 6-2 et 6-4 contre Thanasi Kokkinakis. Il s’est forgé une avance de 4-0 dès le début et a conclu la première manche en 32 minutes. À la deuxième, il a brisé pour faire 2-1 et les choses se sont corsées après avoir mené par deux bris à 5-2. Kokkinakis a brisé son service pour faire 5-3 et a tenu bon jusqu’à 5-4. C’est alors que Shapovalov a mis un point d’exclamation sur une performance impressionnante et mesurée, en gagnant son service à zéro et en terminant avec un enchaînement service-coup droit gagnant. Il a notamment freiné certaines de ses impulsions les plus ambitieuses, mais a tout de même réalisé 23 coups gagnants comparativement à cinq pour l’Australien.

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En faisant un retour sur l’ensemble de la semaine, Shapovalov a mentionné que sa victoire de jeudi de 2-6, 6-3 et 6-3 avec Pospisil contre les Allemands Tim Puetz et Kevin Krawietz, faisait partie de ses moments forts. « Le double avec Vasek contre les Allemands a été une énorme victoire. Combler un écart d’une manche comme nous l’avons fait contre un duo invaincu (à la Coupe Davis), c’était fou. Pendant un moment, nous n’avons pas raté une seule balle. C’était comme une expérience extra-corporelle. C’est vraiment dingue. »

Shapovalov a également révélé qu’il continuera de travailler avec son entraîneur Peter Polansky en 2023.

Du côté de l’Australie, après la défaite de dimanche, Kokkinakis a suggéré que Jordan Thompson, qui a bien joué avec Max Purcell dans une victoire cruciale de double contre la Croatie, vendredi, aurait pu être un meilleur choix.

Et lorsqu’on a demandé au capitaine Lleyton Hewitt et à de Minaur pourquoi Nick Kyrgios ne jouait pas pour l’Australie, ils ont récité le même texte : « Vous devrez lui demander », a dit Hewitt, puis de Minaur a ajouté « J’ai bien essayé de le convaincre, mais cela n’a pas fonctionné. »

Il y a eu beaucoup de discussion sur la question de savoir si le Canada méritait sa place aux Finales de la Coupe Davis après sa défaite aux qualifications contre les Pays-Bas, en février dernier.

De toute évidence, le Canada a joué de chance lorsque la Russie a été bannie et qu’il a obtenu sa place (en raison de son 6e rang) au tournoi à la ronde des Finales en septembre. Auger-Aliassime et Shapovalov ne s’étaient pas joints à l’équipe contre les Néerlandais, cette défaite ne signifie donc pas que le Canada n’est pas une équipe à la hauteur. Cette deuxième chance ressemblait beaucoup à un joueur repêché (lucky loser) sur le circuit de l’ATP — et il arrive souvent que les joueurs repêchés s’illustrent. Le Canada a simplement profité pleinement de cette occasion.

Les pays hôtes obtiennent parfois des invitations à la Coupe Davis et à la Coupe Billie Jean King — une circonstance exceptionnelle. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et l’expulsion de cette dernière de la Coupe Davis sont également des circonstances exceptionnelles qui ont permis au Canada d’avoir une deuxième chance, une invitation qu’il ne pouvait pas refuser.

À l’heure actuelle, le Canada ne se classe probablement qu’après l’Espagne (Alcaraz et Nadal) et les Russes bannis (Medvedev et Rublev) pour ce qui est d’avoir une équipe puissante composée de joueurs de qualité. D’un autre point de vue, le Canada peut probablement remercier Jack Draper. En effet, sur le Britannique n’avait pas battu Auger-Aliassime au deuxième tour des Internationaux des États-Unis, le Montréalais aurait pu se rendre loin à New York et n’aurait peut-être pas choisi de participer au tournoi à la ronde de la Coupe Davis en septembre. Qui sait si le Canada se serait alors qualifié pour les quarts de finale à Malaga.

Photo: Martin Sidorjak

À la suite de ce triomphe, le Canada et l’Australie, finaliste, accèderont directement au tournoi à la ronde des Finales de septembre prochain et n’auront donc pas à participer à une rencontre de qualification en février après les Internationaux d’Australie.

Auger-Aliassime a confié qu’il n’avait pas encore finalisé ses plans pour les semaines précédant les Internationaux d’Australie. Mais une chose est sûre : lorsqu’il arrivera en Australie, il sera enveloppé d’une nouvelle aura après avoir mené son pays vers la gloire à la Coupe Davis.

On peut dire que le jeune homme de 15 ans qui a remporté la Coupe Davis junior aux côtés de Shapovalov et de Benjamin Sigouin, à Madrid, en 2015, a désormais une stature bien différente. Ces succès de cet automne — trois titres consécutifs qui l’ont conduit au 6e rang mondial et cette Coupe Davis — témoignent de sa progression en tant que personne et athlète professionnel.

Photo: Martin Sidorjak

REMARQUE : Malheureusement, la météo a empêché la réception par satellite de la retransmission du match d’Auger-Aliassime et de de Minaur au Canada, ce qui signifie que les téléspectateurs ont manqué les trois derniers jeux et demi de cette victoire historique.  

Photo de l’article : Martin Sidorjak    

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