Sam Aliassime speaks to a group of students at his academy.

Photo : Paul Rivard

Sam Aliassime a d’abord été le père, puis l’entraîneur du tennisman professionnel Félix Auger-Aliassime.

Dans les deux cas, en voyant le joueur et l’être humain exceptionnel qu’est devenu FAA, on peut d’ores et déjà présumer que cet homme, originaire d’Afrique, a fort bien réussi à guider son rejeton pour les 22 premières années de sa vie.

Dans ce troisième volet consacré à l’homme, vous en apprendrez un peu plus sur sa philosophie de vie, comme parent et comme entraîneur, ainsi que sur ses relations avec son fils et l’immense projet qu’ils caressent, soit de créer leur propre académie de tennis, à l’image des célèbres établissements du genre portant les noms de Nadal et de Mouratoglou.

Mais d’abord, il importe de comprendre comment son esprit méthodique lui a permis de parcourir tout ce chemin.

Photo : Paul Rivard

En plus d’être calme et organisé, il faut dire que Sam a été un bon exemple d’autodidacte. Comme joueur de tennis et comme entraîneur.

Jeune, dans son Togo natal, il était fou de soccer avant qu’on lui fasse comprendre qu’il n’avait aucun avenir dans ce sport. Comme il nous l’expliquait dans le premier volet de cette série qui lui est consacrée, il s’est alors mis au tennis.

Puis, en feuilletant des magazines français qui lui étaient livrés, il s’est mis à transmettre son amour de la raquette à ses jeunes compatriotes. La suite, c’est un déracinement, la découverte de nouveaux pays, l’adoption du Québec – et vice-versa – et une Académie qui porte son nom et qui a maintenant une solide et enviable réputation. Chez nous et ailleurs.

Photo : Paul Rivard

GRAVÉS DANS LA STRUCTURE

Et c’est en arpentant les courts et les couloirs du Club Avantage de Québec que l’on comprend immédiatement sur quelles bases est construite cette institution.

À l’image de son fondateur et dirigeant, il y a une organisation structurée, de manière simple, mais efficace. Tout y est méthode.

La méthode Aliassime.

Déjà, les principes directeurs de ce modus operandi sont implantés sur les colonnes de son temple.

Photo : Paul Rivard

Le mot respect est le premier qu’on y aperçoit, suivi de tous les ingrédients nécessaires pour faire lever ce beau gâteau que sera une personne accomplie. Dans le sport comme dans la vie.

Ces qualités se suivent ainsi jusqu’à l’infini (ou presque) sur chaque pilier.

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Respect, plaisir, combativité, rigueur, concentration, engagement, passion, ambition, sourire, discipline…

Et pour se rendre sur les terrains, les jeunes n’ont pas le choix de les voir et de les laisser pénétrer leur esprit. Tel un mantra nécessaire.

Photo : Paul Rivard

Cela dit, l’académie évolue. D’ailleurs, Sam associe le fonctionnement de son entreprise à celui d’un athlète au tennis. « J’ai dit à mes entraîneurs, tous les jours il faut progresser. Il n’y a pas de top », dit celui qui a compris l’importance de déléguer. Et comme il voyage beaucoup, il visite d’autres académies et adapte à la sienne les bonnes idées qu’il trouve ailleurs.

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Ainsi, il a nommé un coordonnateur de l’académie, un directeur du programme récréatif ainsi qu’un directeur des 12 ans et moins sans oublier un conseiller spécial. Ce dernier se nomme Jacques Hérisset, celui-là même qui avait embauché Sam il y a une quinzaine d’années avant de devenir un ami personnel et de lui donner les clés de la bâtisse au moment de partir à la retraite.

Photo : Jean-François Desgagnés/Journal de Québec

PETITE SUCCURSALE DE L’ONU

Au détour d’un couloir, on aperçoit sur le mur les visages de tous ces entraîneurs et ce qui frappe, c’est la diversité de nationalités.

Photo : Paul Rivard
Photo : Académie Aliassime

Ils viennent du Québec, mais aussi de France, de Serbie, du Mexique, d’Italie, du Chili. Et si on a envie, à la blague, de comparer cette organisation à celle des Nations Unies, Sam Aliassime nous répond le plus sérieusement du monde qu’il y a un peu de cette idée.

« En voyageant, j’ai côtoyé des gens de plusieurs cultures. Chacune de ces cultures a ses forces et ses faiblesses. Je me suis dit que j’avais une chance de donner aux jeunes de l’Académie quelques brins de ces cultures et de leur manière de penser. »

 Sam, Doroteja Erić et Luca Cerin de l’Académie Aliassime. Photo : Paul Rivard

Chaque entraîneur a un rôle et la réunion de toutes ces cultures et expertises est à la base de la recette. « Ce que j’adore, vous allez le voir dans notre réunion, c’est la famille. Il y a l’engagement, aussi. Nos entraîneurs sont toujours prêts… sept jours par semaine. »

Et les enseignements se font en anglais. Pour deux raisons, explique le patron.

« Parce que c’est une langue commune à mes entraîneurs, même s’ils sont capables de s’exprimer en français et, SURTOUT, parce que ça facilitera l’éventuelle transition de ces jeunes vers des universités américaines. Car tant les jeunes que leurs parents ont cet objectif. »

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Et on ne joue pas qu’au tennis, dans cette académie. Si les ados sont plus concentrés sur leur raquette, la méthode diffère pour les plus jeunes. « Tout est planifié en fonction des âges. On a plusieurs programmes pour ces jeunes de 6 à 14 ans. À 8 ans, on met beaucoup l’accent sur la coordination, le jeu de mains et de jambes, et on le fait à travers le tennis, mais aussi d’autres sports… soccer, basket… et même patinage ! Et ça empêche qu’ils ne se lassent de toujours faire le même sport. »

Photo : Paul Rivard

Même s’il est conscient que les enfants doivent bouger et s’amuser, Sam Aliassime ne fait aucune concession sur la discipline et, surtout, le respect.

S’il doit y avoir des conséquences parce que les jeunes n’ont pas respecté les consignes de propreté et de rangement dans les locaux qui leur sont attribués, ils vont avoir à répondre de leur négligence. Par une grosse punition, toutefois. Juste un peu plus d’exercices…

Grâce au soutien de Félix et de ses partenaires financiers, l’Académie Aliassime demeure une des moins chères au Québec. D’ailleurs, toujours dans cet esprit d’entraide et de développement, Sam confirme que dans bien des partenariats de Félix avec ses importants commanditaires, le financement de programmes de tennis pour les jeunes et les défavorisés fait partie intégrante de l’entente. « Dans toutes les négociations que son agent fait, il y consacre une partie des montants. Et les entreprises sont fières d’y participer. C’est notamment le cas pour Renault et BNP Paribas. »

Photo : Paul Rivard

Avec ses jeunes élèves, il a appliqué la même méthode qu’il appliquait avec son fils. « Lorsque Félix avait sept ans, les gens le regardaient aller et ils étaient plutôt étonnés de son style et de sa maturité. D’abord, oui, le respect. Mais ensuite, c’est l’intensité et l’accélération. N’aie pas peur. N’aie jamais peur !

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« J’étais ici quand les sœurs Williams sont venues ici à Québec, au P.E.P.S. (Pavillon d’Éducation physique et des Sports) de l’Université Laval. Et ça cognait dur. Et leur père disait : “Mes filles vont devenir numéro un du monde.” Cette philosophie de ne pas avoir peur et d’avoir la conviction d’y aller, de se donner à cent pour cent. Après, si ça ne fonctionne pas, je lui dis : » pas grave… t’as fait ce que t’avais à faire. Tu vois, c’est à peu près ça ma politique. Pas de regrets, pas de “j’aurais dû”. Tu fais ce que tu dois faire, même à l’école. Tu le fais à 100 % ou tu le fais pas du tout. »

Photo : Académie Aliassime

PARENT. MENTOR. CONSEILLER. AMI.

Voilà un bon bout de temps que Sam Aliassime a accepté de confier son enfant à d’autres entraîneurs. Il avait vite compris qu’il devait passer la main.

« La décision a été simple et facile à prendre. Vous savez, je continue de communiquer avec lui et avec son entraîneur Fred Fontang à chaque fin de tournoi. Je suis là et je donne mon point de vue quand on planifie la saison, en début d’année, et quand on fait le bilan, à la fin de la saison. Je connais l’ADN tennistique de mon fils depuis le commencement et je le lui rappelle à l’occasion. Pour qu’il n’oublie pas. »

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C’est par une comparaison scolaire que Sam Aliassime explique sa décision.

« Quand tu es un professeur du primaire et que tu veux enseigner à l’université, tu ne pourras pas aider les étudiants parce que t’as pas le niveau pour ça. Moi, ma force, c’est que je suis un grand professeur… du primaire (sourire). Le développement pour les 10-12 ans, je connais. La preuve, on a gagné beaucoup de championnats québécois dans cette académie. Et il y aura un spécialiste pour les 14-16 pour faire le travail ensuite. C’est une continuité et chacun poursuit le travail du précédent. C’est pour ça que ça n’a pas été une décision très compliquée de passer le flambeau. Pourquoi on s’est associé à Toni Nadal ? C’est parce qu’on veut gagner un Grand Chelem. On prend quelqu’un qui a déjà fait le parcours. Ultimement, chacun joue son rôle. »

Photo : Antoine Couvercelle/Reuters/Panoramic

Le parent idéal, selon Sam Aliassime, c’est d’abord celui qui fait confiance. Mais l’entraîneur a sa responsabilité et il doit également communiquer pour comprendre qui sont les parents du jeune athlète qu’il dirige.

« Pour moi, un enfant ne peut pas réussir au tennis si les parents ne sont pas impliqués. Ça, c’est clair. Il y a 25 pour cent qui se passe sur le terrain. Le reste, c’est hors terrain et il ne faut pas négliger ce 75 pour cent. Il faut que cette aventure soit un projet familial. J’ai dit aux parents que je ne pouvais pas développer leur enfant s’ils n’étaient pas impliqués, car j’ai besoin d’eux. »

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Et, maintenant que son fils, dorénavant multimillionnaire, a vogué dans le Top 10 mondial pendant plus d’un an, qu’il a remporté des titres ATP et la fameuse Coupe Davis, comment se passent les dialogues ? Est-ce toujours fiston qui parle à papa ou la relation a-t-elle changé ?

« Non (rires), il n’y a rien de changé et on se parle toujours comme s’il avait 9-10 ans. »

Photo : Paul Rivard

« Déjà, il y a longtemps j’avais compris que si tu parles aux enfants en bébé, ils vont agir en bébés. Il faut rester doux, avec les enfants, mais on peut avoir une discussion normale. Félix et moi, notre façon de nous parler n’a jamais changé depuis qu’il avait 8-9 ans. »

UNE ACADÉMIE SAM-FÉLIX ?

Et si l’Académie Sam Aliassime devenait une Académie familiale ? Oui, un projet dans lequel Félix serait investi, corps et âme et… argent ?

Ce projet est plus qu’un lointain rêve père-fils.

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« Oui, c’est sérieux. Et ce sera ici ! », ajoute Sam, en pointant son index vers le sol. Et pas question de l’établir dans le sud, comme en Floride, à l’image de celle de Patrick Mouratoglou, à Nice, dans le sud de la France. Et Félix a été très clair là-dessus.

Photo : Instagram/@felixaliassime

« Il faut qu’on fasse ça au Canada. Et, idéalement À Québec ou AU Québec. La ville n’a pas d’importance. Veut-on que ce soit dans un club de tennis conventionnel ou dans un endroit bâti seulement pour le développement et où il n’y aura pas de réservation ou de cloche qui sonne toutes les heures ? »

Et c’est pour bientôt ?

« Demain ou après-demain… je ne sais pas encore. Mais le plus tôt sera le mieux. Moi, je suis encore en forme et lui, il est jeune et il peut s’investir. On l’imagine revenir chez lui pour disputer l’Omnium Banque Nationale et pouvoir s’entraîner dans son académie. »

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Et devinant ma question suivante, Sam a immédiatement révélé quel en serait le nom.

« Ce serait l’Académie Auger-Aliassime. Car Félix a toujours voulu garder le nom de sa mère (Marie Auger, une psychoéducatrice). Car elle a toujours joué un rôle très important. Nous avons bien réparti nos forces, car, pendant que je m’occupais de diriger les enfants au niveau sportif, elle s’occupait activement de leur éducation. »

Photo : Instagram/@felixaliassime

Sam n’a pas l’intention de mettre fin aux activités de l’académie de Québec, même s’il finit par réaliser le rêve familial d’avoir une académie d’un autre niveau, à Montréal ou ailleurs au pays. Car il connaît les besoins des gens de sa région et ne voudrait pas soustraire aux futurs jeunes talents une telle ressource.

C’est aussi ça, la méthode Aliassime.

Photo : Paul Rivard

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