Quand votre fils fait partie de l’élite mondiale, quoi de plus normal pour les parents que d’être aux premières loges. Pour Sam Aliassime, le père de Félix, c’est tout juste à côté de l’entraîneur, Frédéric Fontang, qu’il peut s’assoir, signe du respect que lui témoigne son clan.

Sam était à Indian Wells, entre les 8 et 18 mars. Comment cela se passe-t-il pour le parent d’une vedette du tennis, lorsqu’il assiste à un tournoi ?

Chronique d’une « semaine père-fils » dans la vallée de Coachella.

DÉCALAGE ET PARTAGE

Pour cet autre chapitre de notre série d’articles consacrée à Sam Aliassime, ce dernier a accepté de documenter son voyage à Indian Wells, où il mettait les pieds pour la première fois depuis que son fils est devenu un tennisman professionnel. Il a également levé le voile sur les habitudes familiales lors des tournois.

C’est directement du Togo qu’arrivait Sam lorsqu’il a atterri à Los Angeles avant de rallier Palm Springs, cette ville cossue encastrée dans les montagnes californiennes où se trouve l’Indian Wells Tennis Garden.

Photo : thetennistourist.com

En plus de gérer son académie à Québec, on sait que Sam Aliassime est très pris par son projet d’aide au développement du tennis dans son Togo natal et autres pays limitrophes de l’Afrique de l’Ouest.

Il en avait été abondamment question dans le premier texte de cette série.

Il est arrivé suffisamment d’avance pour assister avec fierté à la prestation de Félix, en équipe avec Leylah Fernandez, lors de l’événement caritatif de double mixte nommé Coupe Eisenhower et dont j’ai relaté les détails dans un de mes blogues sur le site de l’Omnium Banque Nationale, il y a quelques semaines.

Photo : ATP

Et il ne s’agissait pas de la seule implication caritative de Félix à ce moment, comme nous le confirme son père. « Il fallait également que je sois présent pour le lancement de “Team BNP Paribas Jeunes Talents Aliassime”, un projet qui existe ailleurs en Europe et aux États-Unis, mais qui est officiellement inauguré au Canada. Le tout a été rendu officiel juste après le premier match de Félix. »

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En effet, outre le nom Aliassime, ceux des anciennes vedettes telles Jo-Wilfried Tsonga, en France, Justine Henin, en Belgique, ainsi que Patrick et John McEnroe aux États-Unis, ont joint ce programme de BNP Paribas et dont vous pouvez avoir de plus amples détails ici

D’ailleurs, le 11 mars, Sam et Félix ont échangé des balles avec les frères McEnroe et quelques enfants ciblés par ce programme.

Photo : Twitter/BNP Paribas Open
Photo : Twitter/BNP Paribas Open

« Ce projet vient aider des parents qui n’ont pas les moyens financiers requis pour l’entraînement et les déplacements des enfants canadiens ayant le talent et le désir afin de progresser dans ce sport. Vous savez, souvent, le seul chemin pour que des enfants puissent avoir accès à des compétitions de haut niveau, c’était de les sortir de leurs clubs respectifs et de les amener au Centre national de tennis. Maintenant, ce projet vient soutenir les fédérations et permettra même aux jeunes de demeurer dans leurs clubs, mais d’avoir accès à des fonds leur permettant de poursuivre et de disputer des tournois à travers le monde. »

Ainsi, encore une fois, le nom Aliassime est associé à un projet visant à aider et à développer. Mais cette fois, il obtient un support providentiel pour arriver à ses fins. « Le projet BNP, ça vient me soulager financièrement. L’autre projet, “Team Africa”, on le finançait avec nos propres fonds de l’Académie et l’argent de la famille. Là, on pourra même ouvrir la porte aux jeunes athlètes africains afin qu’ils intègrent l’équipe. »

Photo : Twitter/BNP Paribas Open

HÉBERGEMENT ET COHABITATION

Comment fonctionne-t-on, dans la famille d’un membre de l’élite ? On se fait inviter ? On s’invite ?

« Je vais quand je veux. Même chose pour sa mère. De mon côté, ça dépend de mon calendrier, des besoins de l’académie. »

Lors des tournois du Grand Chelem, qui durent deux semaines, ou ces Masters 1000 particuliers que sont les deux tournois américains du Sunshine Double à Indian Wells et Miami, il y a deux types d’hébergement pour les athlètes et leurs entourages. Un hôtel ou une maison.

Photo : Peter Staples

À Indian Wells, par exemple, l’équipe de Félix avait réservé une maison dans les environs. Mais, avec l’incapacité de sa sœur Malika et de sa conjointe Nina Ghaibi de pouvoir être présentes, en raison des études, papa et fiston se sont retrouvés seuls dans cette grande résidence. Ils en ont donc profité pour inviter régulièrement les autres membres de l’équipe à prendre les repas.

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« À Miami, on sera à l’hôtel. Mais ensuite, à Monaco, on sera à la maison de Félix. Même chose à Roland-Garros, nous serons ensemble dans une maison qui est déjà réservée à Paris. En fait, les autres y seront, sauf moi peut-être puisque j’ai un calendrier d’été super chargé. »

L’ART DE SE FAIRE DISCRET

Même si ça fait longtemps qu’il n’est plus l’entraîneur attitré de Félix, le père demeure aussi celui qui lui a tout montré au cours des dix premières années de sa vie tennistique. S’il est présent à un tournoi, il ne rate rien.

« J’assiste à tous les entraînements. Mais je ne vais plus sur le terrain comme avant. S’il échange avec un partenaire et que son entraîneur est là, près de lui, alors je reste en dehors. »

Photo : Mauricio Paiz/Tennis Canada

« Même chose lors des entraînements d’avant-matchs. Par contre, s’il est seul, alors oui, je vais sur le terrain. Un peu comme lorsque nous sommes chez lui, à Monaco, pendant des camps d’entraînement, alors là je suis toujours sur le terrain. »  

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Et, comme mentionné au début de ce texte, l’équipe a donné à Sam Aliassime une place de choix à côté de Frédéric Fontang. Pourtant, il s’abstient d’intervenir et ne fait pas de commentaires. « Tenez, lorsqu’il s’approche de Fred pour lui demander conseil, moi je suis à côté et même si j’ai une opinion sur le point en question, je ne dis rien. Ce n’est pas moi l’entraîneur. Au sein de l’équipe, on est discipliné et chacun joue son rôle. »

Photo : Mauricio Paiz/Tennis Canada

« Fred, c’est un peu le capitaine de l’équipe et c’est lui qui parle quand il est question de tennis. Mais quand on va parler éducation, moi, je vais intervenir et eux, ils n’ont pas un mot à dire », mentionne papa Aliassime, en riant. Je m’occupe aussi de la restauration et de la maison lorsqu’on invite l’équipe pour une rencontre. Je les consulte pour savoir ce qu’ils veulent manger. Je reçois leurs suggestions et ensuite, c’est moi qui prépare leur repas. »

Image : TennisTV

Et après les matchs, lors des jours de congé, père et fils parlent-ils tennis ?

« Souvent. Tout le temps. Je lui rappelle toujours quels sont son identité et son ADN. Afin qu’il ne perde jamais de vue ce qu’il doit être et qui il doit être. Toutefois, je dois préciser que je m’abstiens de lui parler immédiatement après les matchs, victoire ou défaite. Ça, c’est le boulot de l’entraîneur. »

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C’est particulièrement vrai après une défaite, comme celle que Félix a encaissée en quarts de finale contre l’éventuel champion du tournoi, l’Espagnol Carlos Alcaraz. Là, comme lors des autres matchs, ce n’était pas le temps pour papa de venir donner son point de vue.

« Mais plus tard, le lendemain et les autres jours, on parle beaucoup. Par exemple, au lendemain de la défaite, on s’est assis ensemble, Fred, Félix et moi, pour revenir sur le tournoi en entier. Ce qu’on a aimé ou ce qu’on a moins aimé. On remet un peu les pendules à l’heure. »

PETIT CONSEIL AUX PARENTS

Et c’est là que Sam insiste pour faire une mise au point, dans une démarche éducative et positive, dans le but de faire entendre sa voix à l’intention des parents de joueurs qui n’auraient pas la bonne approche.

« La pire des choses, c’est d’aller dans le vestiaire pour parler à un jeune qui vient de se faire battre. Personne n’aime perdre alors a-t-il envie de vous parler ? Non. Quand ce sera le temps, quand il aura envie de vous parler, il vous parlera. Laissez-le digérer. Quand Félix perd, on sait qu’il n’est pas content », mentionne le père, à juste titre.

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« Il y a un proverbe qui dit “la nuit porte conseil” et c’est vrai. Tu le laisses dormir là-dessus et le lendemain, au bon moment. Et là, souvent, on a de vraies réponses et des solutions plutôt que d’entrer dans le vestiaire et de dire n’importe quoi à un jeune qui, de toute façon, est trop furieux pour écouter. »

Et il sait de quoi il parle.

« J’ai commis cette erreur, auparavant. J’accompagnais les enfants en tournois et je leur racontais n’importe quoi. Les ados, ils vont se taire ou alors ils ne cesseront de dire “J’ai joué comme de la merde”. Mais si tu attends le lendemain pour leur parler de leur match, il sera plus détendu, car l’approche est différente et il sera déjà passé à autre chose. »

Malika, Sam et Félix (2015). Photo : Jean-Marie Villeneuve/Le Soleil

Selon Aliassime, c’est à l’entraîneur d’accompagner le joueur dans le vestiaire après le match. Mais sa situation était un peu spéciale, car lorsque l’entraîneur est aussi le père de l’athlète, tout devient beaucoup plus compliqué. « Je me rappelle quand il était junior. Nous sommes allés jouer à Toronto et Félix avait perdu contre Denis (Shapovalov) en finale. Au retour, on ne s’est pas parlé une seule fois sur le trajet de Toronto à Québec. La seule chose que j’ai faite, c’est que je suis allé chercher de la pizza et j’ai mis la boîte à côté. J’ai mangé, et lui aussi, et on n’a pas dit un mot », se remémore Sam Aliassime en rigolant.

Le problème des parents, selon Sam, c’est qu’ils veulent trop. La relation serait meilleure s’ils attendaient que leur enfant vienne solliciter leur opinion.

#SHAUGER

En plus du projet humanitaire en collaboration avec BNP Paribas, des matchs en simple de fiston, voilà que Sam Alliassime a pu assister aux retrouvailles de Félix et Denis (Shapovalov), sur le terrain dans le cadre du double.

J’y avais d’ailleurs consacré un volet du blogue « En Jeu », récemment, sur le site de Tennis Canada.

Photo : Alexandre Régimbald/Twitter

Au premier tour, le duo baptisé SHAUGER par les internautes a disposé du Danois Holger Rune et de l’Américain Ben Shelton, en trois manches.

« J’y étais, c’est sûr. C’était un bon match… ça s’est joué entre jeunes, les quatre plus jeunes du tournoi. Lui et Denis jouent du double ensemble depuis qu’ils ont 14 ans, alors chaque fois que l’occasion se présente, ils vont se réunir. Elle se présente lors des compétitions en équipe, mais sur le circuit, c’est plus compliqué, car leur priorité, c’est le simple. »

Image : TennisTV

UN DE SES SITES PRÉFÉRÉS

Depuis le début de la carrière de son fils, Sam Aliassime a voyagé beaucoup et il a pu visiter les installations de nombreux tournois. Indian Wells, qu’il a visité à quelques reprises, fait partie de ses endroits préférés.

Photo : BNP Paribas Open

« C’est un très bel endroit et les amateurs de tennis sont des connaisseurs, très respectueux des joueurs. C’est la classe, quoi ! », dit-il avec admiration. « Ça me fait aussi penser au site des Internationaux d’Australie. Non seulement c’est un très bel endroit, avec beaucoup d’espace, mais il me semble qu’on témoigne plus de respects aux joueurs. Ils ont une plus grande liberté de manœuvre. Ah oui, j’oubliais… à Indian Wells, il y avait tellement d’unifoliés que je me pensais au Canada. C’était bien pour Félix. »

Photos : Tennis TV

Et ailleurs ?

« Ben, il y a New York. Et… New York, c’est New York ! Le tournoi est à l’image de sa ville », ajoute-t-il en laissant la phrase en suspens, sourire en coin.

Il a également pu se rendre au tournoi de Roland-Garros, à Paris. Il ne lui manque qu’une visite à Wimbledon pour compléter SON Grand Chelem. Il aimerait bien pouvoir le faire dès l’été prochain, mais ses projets d’académie et de Team Africa vont lui demander beaucoup de temps et d’énergie.

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Sam Aliassime a à peine le temps de défaire ses valises qu’il doit repartir.

Après avoir accompagné son fils à Miami pour quelques jours seulement, il était déjà retourné à son académie de Québec lorsque FAA a disputé son match initial au Hard Rock Stadium. Puis, il y aura un autre déplacement en Afrique, sans oublier la possibilité de faire un arrêt dans l’un ou l’autre des stades de la saison de terre battue.

Pour, de nouveau, se retrouver aux premières loges.

Image : TennisTV
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