Gael Monfils celebrates

Photo : Brenton Edwards / AFP

L’information s’est glissée dans l’actualité du début d’année et peut-être l’aviez-vous ratée. Mais, en France, c’est une nouvelle qui ébranle et qui… enchante.

Après des années de partenariat avec la japonaise Asics (vêtements et chaussures) et l’américaine Wilson (raquettes), Gaël Monfils a fait table rase de ces deux commanditaires pour être équipé, de pied en cap, par une entreprise de chez lui, la française Artengo.

C’est la marque maison de l’importante chaîne Décathlon que représentera dorénavant l’un des plus populaires, sympathiques et divertissants joueurs de l’histoire du tennis. Et pour une durée de cinq ans.

Photo : Eurosports.fr

Gaël Monfils n’est pas une vedette montante, mais il trône au sommet des tennismen de l’Hexagone dans le classement ATP dont il occupe le 20e rang.

Il était donc un choix logique pour la firme française qui souhaitait être vue régulièrement à la télévision et, occasionnellement, sur les courts centraux des différents stades. Le capital sympathie et le jeu spectaculaire de Monfils lui permettent d’être programmé dans les grands stades des différentes villes. Et, ce qui ne nuit pas, il obtient une grande visibilité sur les médias sociaux, qu’il affectionne. Surtout depuis qu’il forme, avec Elina Svitolina, un de ces couples médiatisés mondialement (« power couples »).

Cette nouvelle n’est pas banale puisque les « nouveaux joueurs » sont rares chez les équipementiers du tennis.

La plupart des athlètes du Top 100, femmes ou hommes, frappent les balles avec des raquettes fournies par Wilson, Head, Babolat, Yonex, les autres étant celles de Tecnifibre, Prince, Volkl et Dunlop. Ils glissent leurs pieds agiles dans des espadrilles de marque Nike, adidas, ASICS, Lotto, FILA, Yonex, New Balance et Mizuno, alors que leurs vêtements sont griffés par Nike, adidas, ASICS, Lotto, FILA, Lacoste, UNIQLO.

La plus récente incursion d’un nouveau joueur, à ma connaissance, est le fabricant de raquettes Tecnifibre, lui aussi français, qui n’était qu’un participant négligeable jusqu’à ce qu’un certain Russe prénommé Daniil se fraie un chemin jusqu’au deuxième rang mondial. Jusque-là, les « gros » noms jouant avec Technifibre se limitaient à Jérémy Chardy, Denis Istomin, Daria Kasatkina, Janko Tipsarevic, John Millman, Ruben Bemelmans et Grégoire Barrère. Rien pour écrire à sa mère… mais tout de même une marque qui devancent les « anciennes », devenues marginales, comme Prince, Dunlop et Volkl.

Qui plus est, il est encore plus rare qu’un athlète utilise le même équipementier pour les trois niveaux de commandite, sur un terrain. Rarissime, même.

J’en ai discuté avec un spécialiste du marketing, le Montréalais Hugues Léger qui a travaillé en France, avec de grands groupes mondiaux tels Inbev (bière) et British American Tobacco. Revenu au Québec il y a une dizaine d’années, il a ensuite œuvré dans la télé sportive (TVA Sports), le sport professionnel (Impact de Montréal). Il a lancé sa plateforme, Victoire Média, couvrant le soccer et le tennis.

« C’est clairement un partenariat “gagnant-gagnant” », déclare immédiatement Léger, lui-même un joueur de tennis. « Décathlon est la première marque de vente au détail, en sports, dans ce pays. C’est 330 points de vente en France et 1 700 dans le monde, avec un chiffre d’affaires de 12,4 milliards d’Euros (17,7 milliards en $CAN.). Même si c’est une entreprise qui ne fait pas dans les marques premium, elle offre des produits de grande qualité et elle investit beaucoup dans l’innovation. Et ce dans toutes les disciplines. Leur marque maison, c’est Artengo. »

Gaël Monfils est au crépuscule de sa carrière, il sera le premier à l’avouer, et l’utilisation d’une raquette fabriquée par une entreprise « inconnue » dans le tennis professionnel n’est pas un pari risqué. Et pour Artengo, elle vient de s’assurer d’une visibilité exceptionnelle, tant en France où elle a ses assises (par le biais de la maison-mère Décathlon) que sur la scène internationale où la marque sera en évidence sur tous les écrans où leur chevalier Gaël s’affichera.

« Ajoutons à cela qu’à l’instar de Roger Federer et UNIQLO, le Français continuera assurément à s’afficher pour Artengo après sa retraite, notamment dans les nombreuses exhibitions où il sera convié. Et Décathlon vient de s’assurer, en Monfils, d’un ambassadeur de luxe et d’un consultant prestigieux pour la suite du développement dans son secteur tennis », de poursuivre Léger.

Selon le spécialiste en marketing, l’incursion d’un détaillant « généraliste » dans le tennis va dans le sens inverse de celle d’un spécialiste du sport comme Nike, il y a quelques années, alors que la célèbre firme à la virgule avait envahi le marché du « fitness » (entraînement physique) et du « wellness » (bien-être).

« Tout le monde veut sa part de ce marché. Des spécialistes du vêtement comme UNIQLO, H&M et Zara qui développent des collections de sport technique parce que c’est un marché juteux et avec un potentiel de croissance. D’ailleurs, plus près de nous, nous venons de voir lululemon, une entreprise de Vancouver, qui se lance résolument dans le sport de performance en commanditant Leylah Annie Fernandez. Leur but est d’étendre leur portée et augmenter leur chiffre d’affaires auprès de la clientèle qui suit le tennis. »

Une autre entente gagnant-gagnant pour les deux parties puisque, selon ce compte-rendu de Forbes, Fernandez était déjà une habituée de la marque et qu’elle a demandé à son père et à son agent de faire connaître son intérêt pour devenir une ambassadrice de lululemon.

Leylah Fernandez serve
Photo : Martin Sidorjak

Mais revenons à Gaël Monfils.

Le Parisien n’a d’ailleurs pas perdu de temps à rapporter les fruits de l’investissement puisqu’il a obtenu un titre dès le premier tournoi où il s’affichait avec son nouvel équipement dont une raquette TR960 CONTROL Tour. À Adélaïde, le 9 janvier, il battait le Russe Karen Khachanov (29e mondial), 6-4 et 6-4, pour inscrire son premier triomphe depuis la période prépandémique, et il réintégrait le Top 20 de l’ATP.

Et, mine de rien, il rejoignait Guy Forget en tête du classement des joueurs français les plus titrés du tennis, avec un 11e trophée.

Ses prouesses ont encore fourni des séquences spectaculaires aux amateurs de la planète.

Gael Monfils holding a trophy
Photo : ATP Tour

Et Monfils n’est déjà pas le plus récent membre de l’écurie Artengo. La joueuse russe Daria Kasatkina vient aussi de s’entendre avec l’équipementier. Kasatkina a rapidement offert des dividendes à son nouveau commanditaire en se rendant en demi-finale des tournois de Melbourne et de Sydney. Dans ce second tournoi, armée de sa TR990 POWER Pro, elle a notamment éliminé Sofia Kenin, Elise Mertens et Garbine Muguruza, chaque fois en deux manches, pour perdre contre l’éventuelle championne et 6e joueuse mondiale, Paula Badosa.

Photo : WTA

L’autre Monfils

Gaël n’est pas le seul de la famille à se passionner entre les lignes blanches d’un terrain de tennis. L’autre, c’est sa sœur Maélie, de 18 ans sa cadette.

Maelie Monfils hits a backhand

Oui, si le premier peut sembler près de la retraite, à 35 ans, la seconde pourrait-elle bientôt perpétuer le surnom « LaMonf » ?

Maélie Monfils aura 17 ans le 25 janvier. Et son potentiel est certain.

Actuellement, Maélie Monfils est classée au 198e échelon du classement junior de la Fédération internationale de tennis (ITF). Elle a remporté son premier tournoi, en 2018, à l’âge de 13 ans. Depuis, deux titres en 2019 et un en 2021. Au cours de la dernière année, elle a enchaîné les tournois (17) et les matchs (44) Résultat : fiche de 28-16.

Comme dans le cas de tant de duos mère-fille ou père-fils ou du mélange des quatre, la jeune Française devra se faire un prénom. Et elle a bien hâte, car, même si elle adore son grand frère, on perçoit qu’elle veut bâtir sa propre carrière et non rester dans l’ombre du frangin.

« On n’est pas du tout la même personne. Pourtant, des gens me posent des questions sur sa vie, alors que je ne peux pas répondre. Je ne sais pas tout le temps où il est ou ce qu’il fait… C’est ça qui est le plus énervant. » racontait l’adolescente dans une entrevue dont les extraits ont été publiés sur un blogue français, à l’été 2020. « Parfois, quand je dis que je suis sa sœur, les gens changent tout de suite d’attitude. Certains sont jaloux ou font comme s’ils le connaissaient un peu par procuration. » Puis, elle ajoute immédiatement, « Mais il n’y a pas que du négatif. Je suis souvent au téléphone avec lui. On parle tennis, il me donne des conseils… »

Headshot of Maelie Monfils
Photo : WTA

Lorsqu’on lui demande qui sont ses références, elle répond : Roger Federer « qui fait des trucs incroyables » et Garbine Muguruza. Et… Gaël Monfils, bien sûr, celui qu’elle décrit comme son premier modèle. Dans une entrevue accordée au quotidien Le Parisien, il y a trois ans, elle ajoutait même, avec un sourire en coin : « C’est mon frère et ce serait marrant que je fasse mieux que lui. »

Pour ce faire, il lui faudra gagner une douzaine de titres… participer à deux douzaines de finales… se hisser au cinquième échelon mondial… et atteindre la finale d’un Grand Chelem.

Un K spécial

Thanasi Kokkinakis paces hands in his head in disbelief after winning a title
Photo : Sporting News

Je vous ai offert mon conte de Noël, il y a quelques semaines.

Voici ce qui pourrait être le conte de fées de l’année 2022. Jusqu’ici, du moins…

Il était une fois, dans un continent lointain où les animaux adorent la lettre K (kangourou, koala, kiwi, quokka et strigops kakapo), l’histoire d’un être vivant à deux pattes, une raquette et… quatre K, et qui connut son heure de gloire dans sa propre tanière.

Je parle ici du Kokkinakis.

Né à Adélaïde, en Australie, Thanasi Kokkinakis est ce tennisman australien prometteur, mais qui aura mis neuf ans à justifier l’immense potentiel détecté lors des tournois juniors du Grand Chelem de 2013.

Le 15 janvier dernier, il enlevait son tout premier titre de l’ATP, à l’âge de 25 ans. Et dans sa ville natale de surcroit.

Thanasi Kokkinakis gets down to kiss the Adaliade court
Photo : RDS

Et même si ses compatriotes (comme le reste de la planète) étaient distraits par une certaine saga athlétique judiciaire se déroulant à Melbourne, non loin de là, rien n’aurait pu restreindre l’éclat du plus beau moment de son existence.

Kokkinakis avait été finaliste en Grand Chelem junior, deux fois, en 2013. Il avait 17 ans.

Deux ans plus tard, il enlevait un premier tournoi Challenger (Bordeaux). Jusque-là, tous les espoirs étaient permis, car dans les cinq premiers mois de 2015, il passait de la 149e à la 69e place au classement ATP.

Mais en 2016, il n’a disputé qu’un match, aux Jeux olympiques de Rio et retombait à la 1031e place. L’année suivante, il n’en jouait que 13, mais il avait atteint la finale d’un ATP 250 (Los Cabos), après avoir battu les Tiafoe, Polansky, Fritz et Berdych. En 2018, il remportait deux autres Challengers aux États-Unis.

Et des Challengers, il en a disputé encore… et encore. Jusqu’à cette première semaine de 2022 où il semblait en état de grâce.

Le conte de fées n’a pas connu de nouveau chapitre immédiat, Kokkinakis étant éliminé au premier tour des Internationaux d’Australie, quelques jours plus tard. Mais parions que ce premier sacre, dans sa ville de surcroit, restera bien en haut de l’affiche de sa carrière et compensera bien des revers futurs.

Courriel : privard@tenniscanada.com

Twitter : @paul6rivard

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