Tennis ball and racket on grass

Photo : Lawrence Industries

Chaque année, pendant un mois, se joue le tennis le plus inhabituel et rare. Le tennis sur gazon.

Cette courte saison culmine avec la présentation du troisième tournoi majeur de l’année, dans la banlieue « SW19 » de Londres, la capitale de la Grande-Bretagne.

Si cette surface a accueilli, au 19e siècle, ses premiers matchs du sport tel que nous le connaissons aujourd’hui, elle ne représente maintenant plus que des vestiges de sa gloire passée et la pelouse n’est encore viable que pour des raisons de tradition. Et, vous le savez, puisque la tradition est importante dans le cœur des amateurs, la fin du tennis sur gazon n’est quand même pas pour demain.

Ainsi, pour y tenir un tournoi du Grand Chelem — qu’on dit le plus prestigieux de tous — on imagine que le « service du jardinier » doit être imposant. Tout comme ses responsabilités.

Entretenus et manucurés

Le grand patron de ce service essentiel est Will Brierley. Et l’importance de la surface qu’il gère est telle qu’il est un personnage plutôt connu dans les cercles du tennis anglais. En raison de l’intérêt porté à l’endroit de son travail, Brierley s’ouvre aux amateurs du monde entier et il leur suggère même de lui poser toutes les questions pertinentes sur ses brins d’herbe chéris.

Photo : Will Brierly / Reddit

Il vous apprendrait que le type d’herbe semé pour former ces pelouses célèbres s’appelle le « ray-grass commun » ou encore « bonne herbe ». Cette plante herbacée a l’avantage de lever très rapidement (moins d’une semaine) et de se développer tout aussi promptement, ce qui ne laisse pas le temps aux intempéries et à ses impondérables de prendre le dessus. C’est une bonne chose lorsqu’on pense au traitement que subiront les 18 terrains de compétition et 20 courts d’entraînement avant et pendant la quinzaine.

Une des autres particularités du ray-grass commun, obtenu par un mélange de trois différents cultivars, est qu’il offre un meilleur bond pour la balle de tennis.

Au cours des quatre mois précédant le tournoi, et compte tenu de la météo, une tonte systématiquement planifiée réduit la longueur des brins, millimètre par millimètre. Ainsi, d’une longueur de 13 millimètres en mars, c’est à 8 millimètres que ces brins se présentent au début du tournoi. Une longueur établie et inchangée depuis 1995.

Chaque matin, les courts de Wimbledon sont tondus par des engins à cylindres de marque « Toro ». D’autre part, à l’aide d’épandeurs à roulettes, on y trace les lignes avec une mixture à base de dioxyde de titane d’une largeur de 50 millimètres sauf pour la ligne de fond qui, elle, est de 100 millimètres. La quantité nécessaire de cette substance est évaluée à près de 2 275 litres. Annuellement. 

Photo : Getty

Rufus le gardien

Finalement, on ajoute une couche de prévention et de protection en gardant éloigné tout pigeon tenté de venir gâcher tout ce travail en picorant les précieuses semences. Pour ce faire, on compte sur la vigilance de Rufus qui veille sur ce tapis vert si cher (ici, cher se traduit autant par l’affection que… le coût d’entretien).

Photo : AP

Rufus est une buse de Harris qui a fait son apparition en 2000, alors que les intrus volants étaient un souci permanent pour les préposés. Non seulement pour leur appétit à l’endroit des graines, mais également parce qu’ils pouvaient déranger le déroulement d’un match.

Devenu une véritable célébrité, on comprend la commotion en 2012, lorsqu’il a disparu. Enlevée par une personne, vraisemblablement, et libérée peu de temps après, la buse a vite été retrouvée dans un parc non loin de là et, au grand soulagement des organisateurs, a pu reprendre son travail.

Image : Youtube

Rufus a même sa propre accréditation, que vous pourrez apercevoir dans ce superbe document visuel consacré à celle qu’on appelle subtilement « The Real Hawk-Eye » en raison de la proximité entre ces deux volatiles que sont buse et faucon et en l’honneur du fameux système électronique de détection. La vidéo, produite en 2014, faisait partie d’une série de documents promotionnels intitulés « Les perfectionnistes ». 

Allez, gâtez-vous !

Comme vous le constatez, les détails entourant ce tournoi de Wimbledon sont captivants et je n’en ai relaté qu’une petite partie. Vous en trouverez encore plus dans l’un des documents qui a comblé ma recherche et publié sur le site de Forbes, il y a trois ans. 

La pluie qui dérange

Dès le premier lundi de compétition, j’ai allumé mon téléviseur pour suivre le match initial de Rebecca Marino, match interrompu au 10e jeu de la première manche en raison de la deuxième ondée à se déverser sur le site. Dès que la moindre goutte tombe, la sécurité des athlètes est prise en compte et on évacue immédiatement, contrairement à la surface dure et, surtout, à la terre battue sur laquelle on peut jouer assez longtemps malgré les précipitations.

Pendant que les commentateurs échangeaient sur la situation, on pouvait admirer à souhait le travail des préposés à la protection du terrain.

Dès que l’on a démonté le filet, d’autres employés ont déployé de longues sangles sur la largeur de la surface. Sur ces sangles allait être déroulée la grande toile imperméable (lesdites sangles servant ensuite à rouler à nouveau la toile après l’averse). Une fois tendue, on a soulevé et agité la toile afin que l’air puisse faciliter un étalement parfait.

Images : TSN
Images : TSN
Images : TSN
Images : TSN

De l’annonce de l’arbitre au recouvrement complet, il ne s’était écoulé que 2 min 20 s.

Et il était aussi amusant qu’intéressant d’admirer l’organisation, la discipline et la précision des mouvements du groupe, le tout agrémenté par les ordres et encouragements des superviseurs de groupe. 

Et tout ça sur 15 des 18 courts de compétition (les deux plus importants étant dotés d’un toit).

Efficaces !

Pour combien de temps encore?

Je le mentionnais plus haut, c’est plus un réel respect de tradition que par nécessité ou plaisir que le tennis professionnel continue de passer un mois sur les terrains gazonnés des Pays-Bas, d’Allemagne et d’Angleterre. 

Le tennis en viendra-t-il un jour à privilégier une surface unique, comme dans tous les autres sports ? Ou conservera-t-on cette tradition de surfaces variées même si ce n’est que pour un mois par an ? À suivre.

Photo : Twitter

Si certains athlètes s’y adaptent très bien, tel notre Félix Auger-Aliassime, d’autres n’hésitent pas à faire une petite moue entendue lorsque le sujet est amené. 

Je l’écrivais l’an dernier, par le biais de ce blogue, ils sont nombreux les athlètes qui se passeraient volontiers des tournois sur herbe, une surface éphémère, qui se dégrade dès les premiers jours, qui peut se révéler inégale et, même, dangereuse.

J’y avais exprimé mon opinion sur le sujet. Vous pouvez relire mes arguments ici.

Courriel : privard@tenniscanada.com

Twitter : @paul6rivard

Pour suivre tous nos Canadiens à la trace, c’est ici.

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