Photo : Battle of the Surfaces
La rumeur court.
Et si…
Et si on refaisait « la Bataille des surfaces »
C’est en plein le temps d’en parler. Nous sommes à la jonction des deux saisons les plus différentes du tennis professionnel. Ce moment où les as de la raquette ont quitté la surface la plus lente, la terre battue, pour sauter sur la plus rapide, le gazon.
Une transition en quelques semaines, c’est déjà éprouvant pour les meilleurs du monde. Imaginez maintenant si la transition se faisait à chaque changement ce côté !
C’est pourtant l’expérience qui avait été faite une fois, il y a 14 ans, dans un match de démonstration qui est passé à l’histoire, tant pour son originalité que pour l’identité des deux belligérants… alors les deux megastars de l’époque, Roger Federer et Rafael Nadal.
Cette « Bataille des surfaces » s’est matérialisée le 2 mai 2007 et elle visait à déterminer lequel des « super spécialistes » était le joueur le plus complet. Le roi du gazon, Roger Federer, ou le roi de la terre battue, Rafael Nadal.
Et comme le premier gagnait sans arrêt sur l’herbe et le second, sur l’ocre, pourquoi ne pas les réunir tous les « quatre » : les deux vedettes de la raquette et les deux surfaces compliquées. À ce moment, Federer était invaincu sur surface gazonnée depuis cinq ans et voguait sur une séquence victorieuse de 48 matchs. Quant à Nadal, il était intouchable depuis trois ans et avait accumulé 72 triomphes sur la terre battue. Difficile de demander mieux.
Le terrain, mi-vert, mi-orangé, avait été installé à l’aréna de Palma de Mallorca, sur l’île natale de Nadal. Cette surface hybride avait coûté 1 630 000 $ et avait nécessité 19 jours de préparation. Si la moitié en terre battue ne représentait pas un problème, la surface gazonnée installée quelques jours auparavant avait été infestée de vers et s’était rapidement détériorée. On avait alors transporté, la nuit précédant le match, 400 mètres carrés de gazon « frais » depuis un terrain de golf avoisinant.
Comme les semelles des espadrilles des joueurs professionnels sont adaptées à chaque surface, il était plutôt amusant de voir nos deux vedettes se dépêcher pour changer de chaussures aux changements de côtés. Cela dit, on leur avait alloué 120 secondes, au lieu des 90 habituelles.
Devant 7 200 personnes, dont une bonne majorité de ses compatriotes, Nadal avait triomphé 7-5, 4-6 et 7-6(10). Connaissant la gentilhommerie caractérisant ces deux modèles, on devine facilement que Federer eut triomphé, par une marge également serrée, si la compétition avait eu lieu à Genève, en Suisse.
Pour celles et ceux qui aimeraient revivre ce match, il est offert dans son intégralité sur YouTube.
Maintenant que la mise en contexte est faite, on fait quoi ? On choisit qui ?
Pour triompher sur les deux surfaces, il faut vraiment être un joueur complet. Pour l’instant, il semble que Novak Djokovic serait tout désigné pour être l’un des participants à ce qui serait une deuxième édition de la Bataille des surfaces. Il vient tout juste de se rapprocher des deux autres avec sa 19e conquête d’un titre du Grand Chelem. Il en a des tas sur surfaces dures… cinq sur gazon et maintenant deux sur l’ocre, qui était sa bête noire.
L’autre pourrait être Rafael Nadal, puisqu’à l’instar du Djoker, le Majorcain a également deux titres sur ce qui est sa surface la moins invitante, l’herbe.
Et si l’un des deux refusait ? On pense à qui ?
Chez les « autres », les gros noms sont Medvedev, Tsitsipas, Thiem, Zverev…
Bon, réglons tout de suite le cas du Russe Daniil Medvedev, 2e mondial, qui refuserait probablement compte tenu de sa haine viscérale pour la terre battue.
Dominic Thiem, longtemps désigné comme le successeur de Rafa sur l’ocre, et vainqueur des Internationaux des États-Unis sur surface dure, pourrait assurément être un bon choix.
Parmi les plus jeunes, impossible de ne pas songer à Stefanos Tsitsipas, qui est déjà d’une régularité impressionnante sur toutes les surfaces. Ou à l’Allemand Alexander Zverev… qui a un bilan supérieur au Grec, en Grand Chelem.
Si vous avez de meilleures idées, n’hésitez pas à me les écrire à l’une des deux adresses au bas de cette chronique.
La bataille du 8 août
L’un est sur le point d’avoir 40 ans, l’autre, 21 ans.
Tous deux nés le 8 août, le grand Roger Federer et notre jeune compatriote Félix Auger-Aliassime disputaient leur toute première confrontation.
Depuis 10 ans, chaque fois qu’un des Canadiens rencontre ces légendes vivantes, nous sommes 1) intéressés et 2) déchirés. Comme je le mentionnais plus haut, je suis un fan fini de Federer et je veux toujours le voir gagner. Mais vous devinez que je désire la même chose pour les nôtres. Alors, ce sont des matchs stressants à regarder.
Tout en présumant que le Québécois avait toutes les raisons d’être nerveux, deux variables devaient absolument être en sa faveur pour espérer battre le Maître. D’abord, espérer une journée ordinaire au bureau pour le Patron et, de son côté, en connaître une excellente et éviter les fautes directes. Et, en prime, durer dans les longs échanges comme ce fut le cas à 15-15 dans le 13e jeu, lorsque c’est Federer qui a commis l’erreur bête au …26e coup !
Le scénario espéré s’est donc avéré.
Bien sûr, il a gaspillé ses huit premières balles de bris et la frustration aurait pu le couler. Mais loin d’être frustré, « FAA » a démontré une surprenante maturité. Non seulement en brisant Federer d’entrée, dans la manche ultime, mais il a enchaîné avec le jeu suivant sur QUATRE AS en 1 min. 12 sec. Suivi d’un autre bris.
Et le reste passera à (son) histoire.
La première bataille du 8 août est chose du passé. La victoire du 16 juin, il ne l’oubliera jamais.
Pour tous les détails de cette rencontre, lisez notre compte-rendu ici.
Si près du but
« Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage » écrivit l’homme de lettres français Nicolas Boileau, au 17e siècle. Ce qui voulait dire : revenir inlassablement à la tâche… polir et repolir sans cesse, sans perdre courage.
C’est à cette vieille maxime que j’ai pensé après la finale du tournoi sur gazon de Stuttgart, quand Félix Auger-Aliassime s’est incliné en deux manches de 7-6(4) et 6-3 devant le Croate Marin Cilic.
Une autre défaite en finale.
Avant de partir à la pêche aux statistiques, soulignons que des milliers de joueurs n’ont jamais atteint une seule finale (ou même une demi-finale) sur le circuit de l’ATP. À 20 ans, Félix s’y est rendu huit fois déjà, ce qui devrait être applaudi très fort.
D’ailleurs, avant de regarder le côté le moins reluisant de la situation, saluons le fait que Félix Auger-Aliassime arrive au quatrième rang parmi les joueurs ayant participé au plus grand nombre de finales avant l’âge de 21 ans. Et disons que ceux qui le précèdent ne sont pas les derniers venus.
Finales ATP avant l’âge de 21 ans
- Rafael Nadal 25
- Novak Djokovic 13
- Andy Murray 9
- Félix Auger-Aliassime 8
La Coupe Mercedes de Stuttgart était donc la huitième finale d’où Auger-Aliassime repartait bredouille. 0 en 8 sur les résultats… 0 en 16 sur les manches disputées, tout ça en l’espace de moins de deux ans et demi.
Plus ces nombres grandissent, plus on se demande s’ils ne viennent pas à peser lourdement sur les épaules du jeune homme. Sans doute, même s’il a tenu à rassurer ses supporters en entrevue d’après-match. « Aujourd’hui, mon adversaire n’était pas une “finale”, c’était Marin Cilic. Ce sont deux choses différentes. Il y a eu des jours où je n’étais pas au sommet de ma forme, mais cette fois, je sentais que j’étais près. Et, ultimement, c’est lui qui a été le meilleur joueur. »
Vous vous demandez peut-être où se situe Auger-Aliassime dans l’histoire du tennis. Disons qu’il se rapproche d’un record peu enviable, malheureusement. Et sur les trois joueurs qui le devancent, deux sont Français, tout comme notre homme de lettres, Nicolas Boileau.
Selon Andras Ruszanov, du site www.db4tennis.com, Cédric Pioline a perdu neuf finales (dans un intervalle de trois ans et demi) avant de pouvoir enfin soulever le premier de ses cinq trophées du circuit ATP. Même disette du côté de l’Américain Pat Dupre. Quant à Julien Benneteau, il a perdu ses 10 finales ATP (dans un intervalle de six ans et demi).
Cela étant dit, je préfère conclure sur une bonne note et, surtout, de la même façon que j’ai amorcé ce sujet, avec une pensée pour Félix.
Ou plutôt quatre pensées.
« Cela semble impossible jusqu’à ce que ce soit fait. »
Nelson Mandela (homme d’état sud-africain)
« Ceux qui abandonnent ne gagnent jamais, ceux qui gagnent n’abandonnent jamais »
Napoleon Hill (auteur américain)
« Le gagnant est juste un perdant qui a tenté une fois de plus. »
George Moore (romancier irlandais)
« Le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal. C’est le courage de continuer qui compte. »
Winston Churchill (homme d’état britannique)
Maria et Stefanos : bientôt sur l’Olympe ?
La Grèce n’avait jamais produit de grands champions, au tennis.
Cette longue attente est probablement sur le point de prendre fin. Du moins si on se fie à la montée de Maria Sakkari et de Stefanos Tsitsipas, récents demi-finalistes de Roland-Garros.
Si Maria a dû plier bagage à cette étape, Stefanos lui, a cogné à la porte du titre avant de se faire ramener sur terre par l’impitoyable Novak Djokovic lors de la finale à Paris.
N’empêche. Ces deux jeunes athlètes représentent l’avenir du tennis grec, un drapeau qui n’avait jamais beaucoup progressé sur les tableaux des tournois WTA ou ATP avant 2018.
Maria Sakkari, 25 ans, est 18e au classement, son meilleur rang à vie. Quant à Tsitsipas, 22 ans seulement, il vient de grimper au 4e échelon, également une première en ce qui le concerne.
Et avant eux ? Rien… ou presque.
Outre Eleni Daniilidou, qui a remporté cinq titres de la WTA et grimpé jusqu’au 14e rang mondial, on retrouve des noms qui ne doivent pas sonner beaucoup de cloches dans votre mémoire.
Stamatia Fafaliou, Eirini Georgatou, Paris Gemouchidis, Anna Gerasimou, Alexandros Jakupovic, Konstantinos Economidis.
Et Pete Sampras ? Et Mark Philippousis, dans tout ça ?
Bon… « Pistol » Pete était Américain, né à Washington de parents grecs, Soterios et Georgia. Philippoussis, lui, un Australien né à Melbourne d’un père grec, Nikolaos. Les gènes sont donc saufs. Mais ça n’a pas fait reluire le pays de leurs ancêtres beaucoup plus.
Avant l’arrivée du duo Sakkari-Tsitsipas.
Maria et Stefanos ont-ils des dauphins ? Entraînent-ils de futurs champions dans leur sillage ? Pas vraiment. Pas tout de suite.
Après Sakkari, se trouve Despina Papamichail, 28 ans, au 269e échelon, 18 de mieux que Valentini Grammatikopoulou, 24 ans. Le plus proche poursuivant de Tsitsipas est au 478e rang et se nomme Michail Pervolarakis, 24 ans.
Oh, il y a bien son jeune frère Petros, 20 ans, mais il occupe actuellement la 944e place. Rien pour faire les manchettes. Sauf que son nom et les succès de son frère aîné lui ouvrent tout de même des portes que d’autres ne pourraient imaginer, même s’ils sont mieux classés.
Des laissez-passer à plusieurs tournois.
Mais il suffit de ces deux exemples pour entraîner une ruée de jeunes Grecs vers les terrains de tennis. Le Canada en est l’exemple frappant. Sans les récents succès de Milos Raonic et d’Eugenie Bouchard, qui sait si Bianca et Leylah ou encore Denis et Félix auraient pu suivre. Aussi rapidement.
Faut bien commencer quelque part.
Courriel : privard@tenniscanada.com
Twitter : @paul6rivard
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